L’écrasante majorité de la population chinoise ou indienne, indonésienne ou malaise, nigériane ou sud-africaine, kényane ou pakistanaise, ukrainienne ou mexicaine vit toujours dans une pauvreté absolue. Par ailleurs, la paupérisation, due à la crise de la dette au sein des pays européens et aux Etats-Unis, est désormais visible à l’œil nu. Comme l’est aussi sa conséquence criminogène. Cette crise profite, et c’est une première dans l’histoire, non plus à ce que communément on appelle classes moyennes (existantes ou émergeantes) mais au monde des affaires, de plus en plus concentré aux mains d’une toute petite minorité et aux fonds, qu’ils soient spéculatifs, de pension, ou purement boursiers. La dette étant - et de loin - l’investissement le plus rentable, toutes activités économiques confondues, surpassant même les bénéfices des activités mafieuses les plus lucratives, celles qui renflouèrent les banques juste après la crise financière de 2008-2009. Ainsi, et c’est l’autre première mondiale, il n’y a jamais eu dans l’histoire de l’humanité une telle concentration capitalistique, d’autant plus que l’économie est désormais globalisée. Cette situation n’est en aucun cas l’aboutissement des activités économiques en tant que telles, mais le résultat de décisions politiques, c’est à - dire des Etats et des organisations super - étatiques « agissantes », comme les Nations Unies, l’UE, l’OMS, l’OMC, le FMI, la Banque Mondiale, « pensantes » comme l’OCDE, les G9 ou les « groupes de réflexion mixtes » tel la rencontre de Davos. Pour donner le tout dernier exemple, la séance plénière de l’OMS à Bali (6/12/2013) vient de décider, entre autres, un allègement supplémentaire des contrôles douaniers, pour « faciliter » la fluidité des échanges commerciaux. Les Etats Unis, tout comme l’UE se sont réjoui d’un accord qui fera économiser quelques centaines de millions aux pays du sud et quelques dizaines de milliards au pays du nord, s’empressant de déclarer que l’accord était juste et équitable. Pour les mafias, certainement. Comme pour les géants de l’économie et les armateurs, 90% de l’économie marchande transitant par des ports.
Notre réalité économique est donc éminemment politique, elle est le résultat des décisions de nos représentants politiques, eux mêmes inféodés ou directement liés au monde des affaires. Et ce, depuis maintenant un demi siècle, quel que soit le régime ou la sensibilité politique se trouvant au pouvoir. C’est sans doute pour cela que les dirigeants cultivent un sentiment fallacieux de fatalité, de sens unique et parfois même de leur propre impuissance. C’est sans doute aussi pourquoi le monde politique se cache derrière un masque de gestionnaire, envoyant des signes d’adaptation à la fatalité, niant même le sens de la politique. Mais en fait, il gouverne. Renversons cette image d’impuissance. Le politique a sauve les banques et le système financier, il a participé au transfert de ressouces des plus pauvres, des plus fragiles vers les plus puissants, il fait disparaître les contraintes, même au prix de la sureté et de la sécurité, au sein du commerce mondial, il participe au gigantisme et l’autonomie du secteur financier, il préserve les paradis fiscaux et les places offshore, il appuie les pratique coloniales des grandes entreprise d’extraction et d’hydrocarbures, il protège les intérêts des kleptocrates, des féodaux des dictateurs, dès lors qu’ils participent au projet politique d’une économie de prédation. Il est donc pleinement responsable des effets désastreux de la crise sur ses propres citoyens, de la fragilisation de l’Etat de droit - dont il est le garant -, de la corruption et de la criminalisation d’un monde qu’il désire « fluide » et libre de toute contrainte. Et doit être sanctionné non pas pour ce qu’il ne peut pas faire mais justement pour ce qu’il fait.