Pendant des siècles on a considéré comme évident de rendre les femmes responsables de leur propre viol. Cette attitude était tellement intériorisée que des lois avaient fini par entériner cette contre-vérité hallucinante. Aujourd’hui encore, au sein des monarchies du Golfe et autres pays théocratiques, l’idée n’a pas disparu, ni les lois qui la perpétuent.
Ce qui paraît, du moins en Europe, absurde et dangereux pour la démocratie et ses institutions en ce qui concerne les femmes (ne soyons pas naïf, il existe encore chez nous des reliquats et des attitudes de cette vision machiste), n’est toujours pas sanctionné pour tout effort de faire payer par les victimes les échecs et les délits de leurs bourreaux. En économie, ce système pervers et immoral reste la règle : les banques se trompent, abusent, trichent et leurs victimes paient l’addition de leurs délits. Toute une série de mots sont là pour encadrer cette relation inique, véhiculés par les banquiers eux-mêmes, les politiciens, les experts, les journalistes inféodés à ce principe. Et, comme jadis avec les suffragettes, on continue à affirmer que celui qui s’oppose à ces pratiques aussi systémique qu’immorales est un forcené, un pervers, un populiste, un dangereux utopiste.
Il en va de même sur le champ politique. Hier encore le premier secrétaire du PS, J. C. Cambadélis, affirmait en toute simplicité que celui qui bloquera les reformes du code du travail sera responsable de l’entrée au parlement de cent députés FN. Il s’agit du même mécanisme, celui qui consiste à faire porter la responsabilité d’un échec, d’une tricherie, d’une accumulation de mensonges et de trahisons non pas aux tricheurs et aux menteurs mais à leurs victimes, à ceux qui les ont crus.
Et comme on affirme toujours « elle n’avait qu’à ne pas porter une mini jupe », on continue de dire « ce sont des ignorants, des retardés, des antimodernes, des idéalistes » qui, en sus, cessent de croire ce qu’on leur raconte. Ils refusent la complexité de notre monde, lisez « où l’optimisation du profit l’emporte sur les fondements même de la République, de la Démocratie et de l’Etat de droit ».
La précarité, l’exclusion, le chômage, affirmait Geneviève De Gaulle, sont un déni de démocratie…
Le Panthéon n’est pas un lieu où, en désincarnant le messager, on rend son message obsolète. Il revient, et revient encore, pour rappeler qu’à force de rendre les victimes responsables de leurs propres maux, ces derniers finissent par comprendre que l’on nie leur existence, et qu’ils trouvent toujours (c’est une question de temps et d’opportunité) la force de crier : « j’existe ».