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Billet de blog 9 juin 2013

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Les apprentis sorciers

"Il y a un continuum parfait entre la campagne de Nicolas Sarkozy engagée en février 2012 sous la bannière des valeurs et la mobilisation, un an plus tard, de centaines de milliers de Français", déclare Patrick Buisson.  Jusque là, on ne peut qu’être d’accord.  Le politologue maurassien donne même à ce continuum  un nom : populisme chrétien

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"Il y a un continuum parfait entre la campagne de Nicolas Sarkozy engagée en février 2012 sous la bannière des valeurs et la mobilisation, un an plus tard, de centaines de milliers de Français", déclare Patrick Buisson.  Jusque là, on ne peut qu’être d’accord.  Le politologue maurassien donne même à ce continuum  un nom : populisme chrétien, et, citant Lénine, il conclue : nul ne peut mesurer jusqu’où ira la politisation de catégories jusque là réfractaires ou indifférentes à l’égard de la chose publique. Patrick Besson parle bien entendu de valeurs dont même dans son propre camp on qualifie de réactionnaires et que le président déchu,  - opportuniste et sans valeur aucune -, avait embrassé, comme  Ulysse s’accrochait à une poutrelle de sa nef coulée, dans une mer déchainée par sa propre hubris.

A l’instar de la majorité silencieuse chère à Richard Nixon (dit l‘escroc), les soi-disant réfractaires à la chose publique ne le sont que quand tout va bien, c’est à dire quand, tranquillement, ils peuvent observer avec distance une société et une économie qui navigue à leur guise.  Mais, dès lors que l’on met en cause leurs intérêts et leurs convictions, dès lors qu’on leur insuffle un peu soit-il de peur, dès lors que la République ne leur plait plus, ils sont les premiers à la contester sur le fond et en détail.  Il suffit donc, comme en juin 1968 aux Champs Elysées, comme à Alger en juin 1961, comme en juin 1941, en février 1934, en 1848, en 1870, de faire passer l’idée que leur monde est menacé pour qu’ils prennent le maquis antirépublicain.

Dès lors, ces nationalistes collaborent avec l’ennemi étranger contre l’ennemi intérieur, montrent un visage antiparlementaire, antirépublicain, contestent les lois de la république qu’ils qualifient d’illégitimes. Rien de nouveau sous le ciel de Paris : Versaillais, Cagoulards, Liguards, OAS, SAC, Ordre Nouveau, épaulent et encadrent un socle minoritaire mais important de l’opinion française, qui sort du bois depuis le sanctuaire de Saint Nicolas du Chardonnet, travestit Jeanne D’Arc, glorifie Pétain et vote pour Jean-Jacques Susini.

Les épigones du président, battu justement sur une ligne politique visant à remplacer un bilan par des valeurs,  certes se divisent entre ceux qui veulent en finir avec cette supercherie et ceux qui voudraient aller au bout de cette logique. Ces derniers, en cautionnant cette insubordination dite réfractaire ou indifférente au fait politique permettent d’élargir leur socle et leur visibilité, en espérant l’intégrer. Buisson ne dit pas autre chose : si cette ligne n’est pas suivie, dit-il, le FN éliminera l’UMP au premier tour des élections présidentielles. Ainsi, le débat lui-même devient une supercherie utilitariste évacuant  la précédente mystification. Car il n’y a pas de débat sur des valeurs.

D’une part, la xénophobie ou l’homophobie, ne sont que des peurs, des phobos, (comme l’aérophobie ou arachnophobie), des visions phantasmatiques d’autant plus manipulables. Les ismes sont desconvictions individuelles ou collectives, qui ont très peu avoir avec des valeurs et tout à voir avec des dogmes ou des certitudes intéressées comme le fut en son temps l’esclavagisme. Des lieux communs véhiculés et imposés ex cathedra par des détenteurs de vérité innée et surtout pas débattus par un logos contradictoire.  

D’autre part, substituer les questions économiques et politiques  au profit des valeurs précitées, chercher le fautif, - le bouc émissaire -, au sein des dogmes et des peurs est une pratique vieille comme l’Histoire dont on peut, invariablement, tirer l’enseignement :   Si ce processus permet d’évacuer la crise désormais systémique de notre économie et de notre société il aboutit, tout aussi systématiquement à un désastre national, régional et parfois mondial via des impasses entropiques. Si il retarde le moment de vérité qu’il soit sociétal, économique ou électoral, c’est au prix d’une radicalisation violente et in fine incontrôlable ou une stagnation totalitaire.       

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