Peu importe qu’ils soient des prix Nobel. Peu importe qu’ils sortent des meilleures universités. Peu importe qu’ils soient les seuls à avoir un discours cohérent, peu importe qu’ils aient gouverné avec panache et raison. Peu importe qu’ils fassent sens, et, à cause de cela, qu’ils gagnent les confrontations électorales les unes après les autres. Aux yeux des faiseurs d’opinion, au sein de cette presse étriquée, fatiguée, dévaluée et en manque de lecteurs, ce sont des charlatans.
Dès lors qu’ils critiquent un système économique qui s’autoproclame « sérieux » afin de pouvoir encore et toujours emprunter au moindre coût – stade suprême de la mort du politique -, un système qui cale et panique devant la paille grecque et, semaine après semaine, ne voit même pas la poutre chinoise, dès lors qu’ils critiquent les chantages des puissants et se solidarisent avec la résistance des humbles ce sont des populistes.
L’ignare mais oh combien intéressée arrogance des médias, leur paresse intellectuelle, justifient les paroles d’Audiard : « quand on mettra les cons en orbite, ils ne finiront pas de tourner ». Ainsi donc ils tournent : de plateau télé en plateau télé, d’article en article, de une en une, ils étalent leur petitesse, leur trouille, leur anxiété, celle de voir apparaître un fêlé qui laisse passer la lumière. Ils osent tout : un d’eux, pénard, a même déclaré devant les résultats du referendum grec : En Europe ce sont des choses qui ne se font pas. Ce n’est pas élégant. Bien sûr. Ce qui se fait, de manière élégante, c’est de fermer les banques en pleine campagne électorale, c’est d’envoyer des ultimatums dont le ridicule consiste à ce qu’ils sont répétitifs, ce qui se fait c’est ce qu’ils font : prendre la peur qui les secoue et en faire un apophtegme, commenter au lieu d’informer, copier coller les déclarations de leurs patrons, terroriser au lieu d’analyser. Et quand tout cela ne marche pas, conclure par un adjectif : populiste, charlatan, gaucho – fasciste, aventurier, et on en passe, fidèles à une autre devise : les mauvaises pensées ne sont permises qu’aux gens importants. Car ils se croient importants. Pire, ils se croient vivants. En fait ils représentent le petit monde auquel ils croient encore : des banques qui ne servent qu’à se sauver elles mêmes, des hommes politiques qui n’existent que pour s’auto préserver, des institutions internationales qui ne servent qu’à ceux qui y séjournent (dire travailler serait exagéré). Ce petit monde qui rétrécît au jour le jour, tout en croyant qu’il représente l’olos : il se croie le nombril du monde s’étonnant de ne plus pouvoir s’exhiber. Ils n’ont toujours pas compris que gouverner ne consiste pas à aider les grenouilles à administrer leur mare. On en rit, on s’offusque mais Il faut s’en méfier, puisque les cons osent tout : leurs violons dingues concoctent sans doute l’adjectif suivant, celui du fou qu’il faudra bien soigner en l’isolant, en espérant retrouver ainsi un auditoire perdu à jamais.