Incapable de résoudre la crise, conséquence patente du système financier qui régit notre monde, le régime s’en prend à ceux qui en « abusent ». Comme s’ils étaient des rouages malsains d’un moteur impeccable tournant à plein régime. Ces « sacrifiés » sont le tribut à payer pour que l’exaspération citoyenne soit canalisée, non pas sur les mécanismes, ni sur les fonctionnements économiques qui régissent notre monde mais sur quelques acteurs secondaires, quelques profiteurs de seconde zone. Certes, pour les citoyens pris à la gorge, une dizaine de millions ou même quelques centaines de milliers d’euros cachés du fisc sont des sommes astronomiques, qui donnent le vertige et concrétisent les frustrations. Mais hélas, il ne s’agit que d’une goutte d’eau, perdue dans un océan d’arrangements, de fraudes institutionnelles, de passe - droit fiscaux, de commissions s’élevant à des centaines de millions de dollars ou d’euros que l’on côtoie quotidiennement dans le secteur des hydrocarbures, ceux de la construction, des fusions – acquisitions, de la grande distribution et bien d’autres. Pour une affaire qui n’a pas abouti, quelque part dans le golfe de Syrte, un grand ami du demi - chef de l’opposition aurait du toucher la bagatelle de cent cinquante millions, tandis qu’une compagnie - qui n’est plus française que de nom et ne paie quasiment pas d’impôts - a dilapidé (pour le bonheur des potentats kazakhs essentiellement) cinq petits milliards pour une exploitation pétrolière qui n’a pas encore vu le jour (et qui ne le verra sans doute jamais). Au sein de la finance, les choses sont encore pires : vous êtes vous jamais demandé à quoi servent les conseils d’administration de toutes ces banques qui fusionnent, périssent, d’accouplent ou divorcent par des décisions de la Troïka, les dictats d’Euro group ou du Trésor américain ? Ils sont les derniers à apprendre ce qui se passe, leur avis n’existe tout simplement pas, mais ils sont toujours là, payés aux aussi avec des sommes astronomiques, quelque soit le sort réservé aux institutions qu’ils sont sensés gérer. Pire encore, personne ne leur demande de comptes, quand bien même leurs institutions font virtuellement faillite. Car là aussi, la faillite n’est jamais consommée. Il y aura toujours des contribuables ou des clients qui paieront l’ardoise, bien sûr, au prix fort. En 2008 les banques étaient trop petites. On y remédia. Aujourd’hui elles sont trop grandes : on s’y attelle. Mais qui a concentré le système financier et qui aujourd’hui le démantèle ? Les mêmes. Trente mille milliards pour créer des structures solides, qui deviennent trop puissantes (sous entendu, les citoyens des pays hôtes sont trop peu nombreux ou trop appauvris pour payer la facture de leur prochaine faillite). Quel rapport avec un ministre du budget déchu ? Avec une demande de « moralisation du monde politique » ? Mais tout simplement (et à part l’argent qui est toujours celui des autres), cette irresponsabilité permanente de tous ceux qui régissent l’économie, cette incapacité de faire le bilan de sa propre action, cette impossibilité de se projeter politiquement dans un système différent. Bref, on dit souvent que nos élites politiques ne sont plus que des gestionnaires. Mais, en sus, ce sont des gestionnaires pitoyables. Mais enfin, comme dirait Gaston Lagaffe, comment peut-on chercher la morale dans un monde qui a perdu toute notion de l’éthique ? Comment peut-on mesurer dans un monde violé par la démesure des uns et des autres ? Comment faire de la politique les yeux rivés sur l’épée de Damoclès d’une dette que personne ne veut contester ? Comment peut-on gérer nos sociétés en leur enlevant tout espoir ? En leur donnant en pâture quelques brebis galeuses et quelques boucs émissaires. Au moins, au Moyen Age, on croyait encore à la magie, et les boucs sacrifiés permettaient d’aller de l’avant… A juste titre, Mediapart a pointé le doigt sur l’hypocrisie ambiante, qui touche la dite élite politique et médiatique. Mais au prochain scandale nauséabond, il faudra bien prendre la peine d’expliquer que combattre les épiphénomènes, même farouchement, ne fait qu’effleurer un système structurellement vicié qui joue au jour le jour son rôle de matrice reproductrice.
Billet de blog 10 avril 2013
La matrice de tous les scandales
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