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Billet de blog 14 septembre 2014

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Gekokujo

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pendant plus d’un siècle, entre 1440 et 1590, le Japon connût une période où toute forme d’autorité centrale ou impériale fut contestée. L’histoire japonaise  donne à ce cycle le nom de Gekokujo, littéralement « quand les inférieurs l’emportèrent sur les supérieurs ».  En fait, c’est l’incapacité  de garantir le pouvoir et l’ordre impérial de la part des « supérieurs » qui donna les coudées franches aux « inférieurs ». Cette période n’est pas à proprement parler un temps d’anarchie ou de récession. Elle est plutôt marquée par le développement du commerce et de l’artisanat, des arts, libérés par le carcan shogun, et même par une certaine prospérité, même si les pouvoirs éclatés prirent une multitude de formes, des plus « réactionnaires » aux plus « modernes ». 

Ne vivons nous pas, d’une certaine manière, notre Gekokujo ? Quand le jadis gendarme du monde appelle à une coalition globale des « pays civilisés » pour venir à bout des forcenés de l’Etat Islamiste de l’Iraq et du Levant ne confirme-t-il pas cette impression ? Quand une poignée d’électeurs écossais fait trembler les restes de l’empire britannique en sa chair, quand la couronne espagnole vacille et que les Catalans exigent leur indépendance, quand en Afghanistan, en Somalie, en Libye et ailleurs le rouleau compresseur occidental s’enraie, quand au sein même de l’Europe des partis et des Etats, tels la Hongrie, contestent les pleins pouvoirs du Conseil et de la Commission et que ces derniers ne réagissent pas, quand la Russie se permet de jouer à l’URSS face à une Europe de style troisième république décadente,  quand la Chine « conseille » aux écossais de ne pas s’affranchir de la tutelle anglaise, ne sommes nous pas face à une démonstration de faiblesse généralisée, un essoufflement des Etats et des Empires modernes ?

Pour revenir au Japon, mais quelques siècles plus tard, durant la guerre russo-japonaise, Tokyo envoya partout des émissaires pour expliquer que cette guerre n’était pas entre le monde civilisé et un autre barbare, mais qu’il s’agissait bien d’un « simple conflit entre nations modernes ».  A l’époque la défaite des troupes tsaristes fut une énorme surprise qui, annonçait le carnage de la première guerre mondiale, la fin de la suprématie européenne,  le morcellement de ses empires et la naissance de la puissance américaine et de l’URSS. 

Les signes annonciateurs de la fin des empires modernes, gouvernés de manière aussi autiste et inefficace que ceux des impériaux austro-hongrois, russes ou ottomans, sonnent un hallali généralisé réduisant les gouvernants dans le rôle de Danaïdes, condamnées à combler des failles aussi multiples qu’inattendues.  Faute de vraiment gouverner, faute de pouvoir se mettre en cause durant la crise majeure de l’écroulement financier, faute de gouverner et d’anticiper, ces « supérieurs » offrent aux « inferieurs » le gouvernail. Pour le meilleur et pour le pire…    

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