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Billet de blog 15 avril 2013

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Du mensonge et de son utilité

Le grand peintre Yannis Tsarouchis, disait avec humour : en Grèce, on est ce que l’on déclare. Le maçon se dit entrepreneur, le coiffeur artiste - ou sculpteur de cheveux -, l’instituteur professeur d’université et le professeur d’université philosophe.  Le boucher boutiquier et le malfrat commerçant. Le pêcheur capitaine et le capitaine (souvent à la retraite) aventurier des mers du sud…

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Le grand peintre Yannis Tsarouchis, disait avec humour : en Grèce, on est ce que l’on déclare. Le maçon se dit entrepreneur, le coiffeur artiste - ou sculpteur de cheveux -, l’instituteur professeur d’université et le professeur d’université philosophe.  Le boucher boutiquier et le malfrat commerçant. Le pêcheur capitaine et le capitaine (souvent à la retraite) aventurier des mers du sud… Mais le peintre constatait cela avec tendresse, persuadé que chez les grecs, la part poétique reste essentielle et, qu’après tout, se rêver, se projeter dans un monde fabuleux est une manière douce d’embellir la réalité pour y faire face.   

Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est bien différent. Il existe, en effet, un mouvement contradictoire qui consiste d’une part à dévaluer de fait les diplômes et autres qualifications professionnelles et, d’autre part, à les considérer comme une nécessité, un gage puéril à quiconque arrive à un poste de responsabilité. Ainsi, pour les uns – le plus grand nombre -, l’apprentissage universitaire devient un calvaire sans fin menant in fine au chômage, et pour les autres une garantie administrative, un plus superflu mais nécessaire à la fois, confirmant, voire justifiant, leur succès et leur position dominante au sein de la communauté. Le savoir devient ainsi, non pas une fin en soi, un enrichissement non quantifiable, insoumis aux aléas et aux exigences d’une société hautement mercantile, mais un couronnement administratif  et social que l’on peut se procurer après son parcours vers la réussite, le commander à un nègre, le choisir dans un lèche vitrine d'établissements du savoir. Il existe bien de manières et bien d’institutions qui le bradent, l’échangent, le proposent en troc de subventions et autres services rendus. Que l’on soit Grand Rabin ou fils d’un dictateur des sables, l’atavisme professionnel, confessionnel, politique et même entreprenarial pousse des représentants de la dite élite à accrocher sur leur mur, en guise de succès absolu, un diplôme qui ne leur sert et ne servira à rien. Sauf à déprécier encore plus tout diplôme (ce qui n’est pas en soi un drame) mais surtout tout savoir, tout apprentissage toute valeur qu’elle soit politique, morale ou religieuse et l’aventure qui a permis d’y accéder. Cela fini par dévaluer l’ensemble des valeurs, dont celle de la vérité, puisqu’aujourd’hui un ministre peut débiter une affirmation fallacieuse et le maçon un devis exorbitant qui n’ont rien à voir avec la réalité des faits et des choses. Le mensonge n’est plus une douce contre – vérité poétique qui aide à mieux vivre, mais l’instrument cynique des possédants voulant préserver leurs acquis.

Par ailleurs, les citoyens consomment quotidiennement les pubs et les communications des uns et des autres. Là aussi, un double processus s’engage : d’une part, le souci de vérité est nul. Prime celui de l’efficacité commerciale. D’autre part, celles-ci promeuvent l’idée centrale que le citoyen – consommateur n’est pas celui qu’il pense. Il y a en vous disent-elles, une part d’inconnu qui vous permet d’accéder à des produits, des fonctions, des titres que l’on décèle en vous, à travers, bien entendu, les produits que l’on vous propose. Vous n’êtes pas ce que vous croyez être, mais ce vous serez une fois que vous aurez acquis ce produit. Une fois encore, être n’est plus la conséquence d’une vie mais l’aboutissement d’un achat, d’une déclaration, d’une possession. Même si dans les faits, cette dernière ne sert et ne sévira à rein.

Lorsque en 1943, Laval présentait à la radio  la fin de la ligne de démarcation comme une action fabuleuse qui mettait un terme à la division de la France, il faisait de la propagande. Comme Staline qui accusait l’armée allemande d’avoir assassiné les officiers polonais qu’il avait lui-même exécuté.

Le temps de la propagande est désormais révolu…

Lorsque Sarkozy clame la fin des paradis fiscaux, il fait de la communication. Et quand on nous dit que la rigueur ne l’est pas, on fait de la politique.

En fait, la dépréciation du réel et de la réalité est une politique en soi : celle qui considère l’autre comme un simple consommateur d’idées, d’objets et de contre-vérités bien emballées… Le reste n’est que certificats en tout genre achetés qui ne servent et ne serviront à rien. 

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