A l’unisson, les barons de la droite toutes tendances confondues - à commencer par leur candidat à l’élection présidentielle - répètent : on nous vole notre victoire. Ils se croient propriétaires perpétuels du pouvoir, rien n’a donc changé pour eux depuis 1981. Il serait pourtant bon de leur rappeler qu’au meilleur des cas ils n’y accèderont qu’avec les bulletins de vote socialistes, et qu’ils ne représentent désormais qu’une minorité parmi tant d’autres. Cependant, cette mentalité est significative de l’idée même qu’ils font de la République. Enfants gâtés, ils la considèrent comme un jouet avec lequel ils sont seuls autorisés à jouer, une maison dont ils sont les uniques propriétaires, contrairement à tous les autres qui ne sont que des locataires aussi vulgaires qu’éphémères.
Leur dégringolade idéologique n’est pas moins vertigineuse : jadis ils bombaient leur poitrine face l’épouvantail imaginaire des chars soviétiques, aujourd’hui ils se vendent comme usurpateurs adroits du vote populaire, faute de mieux. Selon eux, le but justifierait toutes les compromissions, toutes les trahisons de leurs propres principes, affirmés ou évidents. Pour cela ils n’hésitent pas à les travestir à souhait. Ainsi le « imaginez vous le général de Gaulle mis en examen » se transforme en légitimité d’un vote (interne de la droite) considéré comme passe droit absolu, pour ne pas dire en passe-partout ouvrant à souhait coffres de l’argent public et portes blindées de la justice.
Désirant les clefs de la Cité, ils siègent hors de ses murs, de ses règles et de ses lois. Aucune contradiction ne les arrêtant, ils affirment avec aplomb « fais ce que je dis pas ce que je fais ». La notion même d’exemplarité ayant déserté, et depuis longtemps, leur demeure. Comme l’alternance n’est plus qu’un leurre, que les locataires socialistes du pouvoir les singent allègrement, Révolte et Exaspération citoyenne se cherchent, cherchent la parade, affinent leurs analyses, bougent, proposent, redonnent vie à ce cadavre exquis du « j’y suis j’y reste ». Que dit l’opposition que cette mélasse corrompue nomme populiste ? Qu’il faut gouverner. Qu’il faut destituer, ostraciser ceux qui réduisent la monde au nom de la mondialisation en un simple tiroir caisse. Que la Syrie, le chômage, la précarité, sont toujours là, et que les tribulations d’une anglaise en France ne peuvent pas monopoliser les discours aux dépends du monde réel, que l’économie ce n’est pas la finance, que l’Europe n’a jamais été un modèle démocratique, que les élections sont plus importantes que les traités, bref, ils racontent l’évidence. Ils racontent aussi que celui qui sème la xénophobie, le racisme, fait l’éloge du colonialisme (travesti en échange enrichissant de cultures) et de la supériorité de l’homme blanc bien de chez nous et évidemment catholique, n’est pas forcement le meilleur barrage contre ces mêmes idées, mais propagées par des populistes nostalgiques. Et qu’à force de se croire hors des murs de la cité celle-ci finira pas disparaître, tout comme les valeurs et les principes qu’elle a engendrés.