Tout est sur la toile, s’amuse à dire Denis Robert. Tout ? Pas tout à fait. Ou alors il faut son courage, son abnégation et surtout son obsession, pour accepter l’invitation d’un labyrinthe sans fil d’Ariane, qui vous aspire et qui vous laisse très peu de chances d’en sortir indemne. Lire l’illisible, soupçonner l’insoupçonnable, chercher l’harmonie au cœur du chaos, gratter la croûte et la gratter encore, s’attarder sur les détails et prendre très au sérieux l’énoncé : Tu as voulu changer le monde, mais c’est le monde qui t’a changé. Et alors ? Il faut déjà s’attarder sur ce cheminement, subir le subi, jouir des coups reçus, transformer la frustration en grâce… et, recommencer cette lecture, en se disant, comme le poète alexandrin Cavafis :
…Mais ils sont encore plus dignes d'éloge
lorsqu'ils prévoient (et beaucoup le prévoient)
qu'Éphialtès ne manquera pas d'apparaître
et qu'en définitive les Mèdes forceront le passage.
Basquiat, qui utilisait un procédé similaire, était obsédé par l’Histoire et cherchait, dans des listes interminables, son sens. Denis Robert le connaît. Il cherche le fil, l’occulte connexion, celle qui explique une réalité déjà subie. Voilà pourquoi nous dit-il. Voilà les réseaux, les connections, les contacts qui expliquent le monde. Ce n’est pas une fatalité crie-t-il. C’est traçable, explicable, construction perverse, certes, mais humaine, que l’on peut décortiquer, analyser, expliquer. Mais pour faire cela, s’évader de l’innocence et de la sensation de fatalité, il faut subir, souffrir, se perdre, se retrouver, naître et mourir mille fois. Perdre pour enfin gagner. En se disant, encore et toujours durant cette quête, que gagner n’est pas si important. Savoir, l’est.
On commence un combat donquichottesque contre la finance et, au bout du chemin, on se rend compte que les interrogations, elles-mêmes métamorphosées, concernent la vie…
Denis Robert. exposition à la galerie W - 44, rue Lepic - Paris 18e - Jusqu’au 30 octobre – tous les jours de 10h30 à 20 h