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Billet de blog 18 mars 2013

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Europe : de la panique avant toute chose

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L’affaire de Chypre, encore en développement, prouve que aussi bien sur la forme que sur le fond l’Euro groupe et la Troïka ne savent plus gérer la réalité et sont désormais dangereux même pour tout ce qu’ils croient défendre, à commencer par l’Europe, l’Euro et sa zone, et bien plus grave, pour les peuples européens dans leur ensemble.  On peut certes sourire avec les déclarations des dirigeants russes qui appellent un chat un chat, c’est à dire un casse, on peut critiquer l’opacité du système bancaire chypriote dont pourtant les places de Londres, du Luxembourg, de Malte, de Monte-Carlo n’ont rien à désirer, on peut même considérer que taxer les dépôts n’est pas en soi une idée saugrenue à condition qu’elle s’applique partout et en même temps sur la zone euro, on ne peut que s’affoler à l’idée que l’Euro groupe décide unilatéralement une dévaluation de facto d’une parcelle de sa monnaie (car c’est bien de cela qu’il s’agit), déclarant que certes tous les euros se valent, mais certains moins que d’autres. C’est-à-dire, à introduire des pratiques dont seuls les régimes totalitaires en ont l’habitude. 

Garder les banques fermées jusqu’à nouvel ordre, le temps que l’on puisse « acheter » les quelques députés nécessaires pour faire passer cette décision au parlement chypriote, c’est exactement le genre de pratiques qui rendront l’ensemble des pays européens ingouvernables. Les clowns dans cette affaire ne sont  pas ceux que l’on pense. Au lieu de jouer aux vierges effarouchées chaque fois qu’un Grillo remplacera un Monti,  vaudrait plutôt réfléchir (un peu soit-il), avant de braquer (au sens propre et figuré) les populations des pays membre. Et que les chancelleries à Paris ou à Berlin n’essaient plus de nous convaincre que tout cela « est hyper exceptionnel ». Depuis le début de la crise, les exceptions (Irlande, Grèce, Italie, Espagne, Chypre etc.) sont devenues le mode de gouvernance européenne.  Nous voilà donc devant une pratique ouvertement frauduleuse : on sauve les banques en utilisant l’argent de leurs clients. En Grèce, Georges Coscotas, qui avait introduit cette escroquerie pour « acheter » la banque du Pirée avait été condamné à une lourde peine de prison et les hommes politiques qui l’avaient laissé faire sont passés par le tribunal de la haute cour et perdu les élections.  Nous voilà, une fois encore devant une mesure injuste amenant en cascade des « sauvetages  privilégiés » (personnel des bases britanniques,  seuils d’imposition flottants, actions dont personne ne connaît ni le volume ni la valeur, etc.,) et qui pénalisent tous les autres (retraités chypriotes et britanniques, petits commerçants, métiers touristiques utilisant beaucoup le cash, fonctionnaires, etc.,). Par ailleurs, les miraculés le seront par les deniers de l’Etat, celui-là même que l’Euro groupe vient « sauver ».

Euro groupe a-t-il mesuré l’impact de ces mesures sur la confiance à l’euro et le système financier européen ?

Euro groupe a-t-il mesuré les réactions du système financier britannique qui joue (au niveau du PIB anglais) le même rôle que celui de Chypre ? Certes Mme Merkel peut jouer au loup garou avec un pays minuscule et faire payer aux Chypriotes pour câliner ses électeurs. Mais Londres ? A la City, on n’est pas, mais pas du tout, contents, et on le fait savoir. C’est ça la cohérence et le sérieux allemand ? Diviser l’Europe pour fanfaronner devant ses électeurs ?

Euro groupe a-t-il mesuré l’impact sur les épargnants du monde entier qui constatent qu’un tabou majeur vient de sauter ?

Enfin, last but not least, l’Euro groupe a-t-il la moindre idée de la complémentarité circulatoire des fonds entre Moscou, Nicosie, Londres et Luxembourg ? Sans doute pas. L’argent (russe être autres mais pas seulement) qui fuira Chypre ne s’arrêtera pas à Londres. Il prendra le chemin, plus sécurisé, des paradis fiscaux, de New York et de Hong Kong et évitera non seulement la zone euro mais aussi l’ensemble des pays européens.

Il la quittera, dès l’ouverture des banques chypriotes,  pour revenir à Moscou. Tandis que la Russie rechignera désormais à renégocier la dette chypriote et/ou à octroyer des nouveaux prêts.  Ainsi, le piège se refermera sur Chypre qui ne pourra plus négocier quoi que ce soit avec l’Europe, prenant le chemin de croix à l’image de la Grèce.

Après tout, c’est peut-être là le but final… 

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