Simplifier. Répéter. Ne jamais utiliser des mots et des expressions désuets et crus comme pauvreté, exploitation, profit, ouvrier précarité. Se concentrer sur un vocabulaire rodé et anodin en évitant de la mettre en perspective, en relation ou en comparaison, comme s’il était unique sur terre. Introduire des concepts abstraits et globalisants, des statistiques orientées, comparer l’incomparable, éviter le réel, la condition humaine, sublimer par des mots ce qui est bafoué par la pratique comme ceux de la solidarité, et surtout employer pour toute loi tout projet toute réforme régressifs touchant la société, l’expression qualitative de « bonne voie ».
La réforme du droit du travail est dans la bonne voie, la capitulation grecque et les réformes qui en découlent sont sur la bonne voie, les réformes de l’éducation, de la santé, de la poste, sont dans la bonne voie, ça évite d’expliquer le fond, l’anticipation, les effets concrets dans les écoles, les hôpitaux, la situation des agriculteurs, le recul des services de l’Etat. Précariser les fonctionnaires, les salariés, les paysans, abandonner les derniers symboles d’un Etat bienveillant, c’est être dans la bonne voie.
Mais c’est quoi cette bonne voie, pourquoi ses propagateurs évitent de nous l’expliquer ? Tout simplement parce que cela permet de cacher le processus qu’elle sous-tend : la bonne voie c’est le bon plaisir changeant et capricieux du Medef, de l’UE, du FMI, des banques, des nantis, des « investisseurs » lesquels, non satisfaits de concentrer près de 90% des richesses s’attaquent désormais aux 10% restant.
La bonne voie ce sont les souhaits de Merkel, de Dijssebloem, de Scauble, ce sont les désirs du FMI ; La bonne voie c’est le plus grand transfert de richesses de l’Histoire depuis les classes moyennes vers les plus riches. La bonne voie c’est les soupes populaires en Grèce, la prédation des petits retraités et de leur maigre patrimoine par les impôts et les banques.
C’est cela la bonne voie et tout homme raisonnable, qu’il soit salarié, paysan, retraité, enseignant, interne des hôpitaux, étudiant, magistrat, policier, chercheur, chômeur devrait s’insurger chaque fois qu’il entend cette expression.
La bonne voie c’est le bon plaisir de la City et de Wall Street, la gloutonnerie des actionnaires, la subjectivité agissante de la BCE, les dictats du FMI qui s’accordent sur une seule chose : le travailleur européen coûte toujours trop cher, il y a trop de prestations sociales, trop de solidarité, trop d’égalité, trop de liberté, trop de démocratie.
La bonne voie est le principe même qui permet aux riches de rester entre eux en cercle fermé jusqu’au moment où, tels le crapaud de la fable, ils éclatent. Mais, là encore la bonne voie ne disparaît pas. Elle indique qu’il faudrait au plus vite renflouer les riches, renforcer les banques, afin qu’elles puissent encore et toujours nous indiquer la bonne voie…