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Billet de blog 19 avril 2015

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Vous ne séduisez plus, pendez-vous

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« Pauvre est toute théorie du reflet et singulièrement l’idée que la séduction se fonderait dans l’attraction du même, dans une exaltation mimétique de sa propre image, ou dans le mirage idéal de la ressemblance ». Jean Baudrillard avait ainsi prévu  cette descente aux enfers de notre société européenne - ou occidentale -,  et nous avait prévenus. Parlant essentiellement de séduction amoureuse, Baudrillard n’avait sans doute pas en tête les fonds de pension, le FMI, les dirigeants de l’Allemagne, l’Europroupe ou monsieur Moscovici. Heureusement. Sa pensée aurait été pervertie par tant de médiocrité flamboyante, sentencieuse et auto satisfaite. Mais sa conclusion, qui nous concerne tous, leur est tout particulièrement adressée : ils sont pauvres et nous appauvrissent.  Loin des délices de la différence, enfermés dans une certitude glaçante et autocrate, pantins pathétiques reproduisant toujours les mêmes gestes et les mêmes paroles, ils s’engouffrent dans un monologue cauchemardesque - qu’ils croient vision -, indiquant « la bonne voie » qui, en fait, n’est qu’un vulgaire précipice, aveugles et bornés, croyant que le sens unique qu’ils tracent nous emmène droit aux délices du paradis. Ils espèrent convaincre ne réalisant pas qu’ils ne séduisent qu’eux mêmes. « Séduire » disait Baudrillard un peu plus loin, « c’est mourir comme réalité et se produire comme leurre. C’est se perdre à son propre leurre et se mouvoir dans un monde enchanté ». C’est propre à tout système fermé qui, de la sorte, exhibe son unique désir, celui de se perpétuer, indépendamment du but qu’il énonce, indépendamment de ses sentences et de ses cris indiquant qu’il agit pour le bien de tous. Désenchanté, l’objet de leur désir leur tourne le dos, s’en va pêcher ailleurs, chez les vendeurs d’idéal, les semeurs d’adrénaline, les revendeurs  d’endorphine, juste pour sentir que le sentiment mortifère que ces technocrates diffusent au nom du succès calibré et standardisé, ne l’a pas encore tué. Comme les chants désespérés sont toujours les plus beaux, l’appel au civisme de ces garde-chiourme de conformisme au citoyen qui n’est plus que donnée statistique, au travailleur qui n’est plus qu’un chômeur en puissance, tombent à l’eau, minés par l’hypocrisie exhibée de ces bergers de la bonne voie et des chemins mille fois pratiqués, qui n’ont plus aucun mystère et ne mènent qu’à un nulle part trivial.  Mais on s’obstine, dans cet exhibitionnisme malsain, on exige des réformes du travail, des croisades antiracistes, des interventions militaires chez les mécréants, on bâtit des murs contre les damnés de la terre, on exige des efforts, encore des efforts, tandis que l’on en fait aucun pour apercevoir un autre monde, une alternative, qui ne ferait de victime que chez les maîtres qu’ils ont engendré.  Les Titans aussi se pensaient immortels, et ils ont eu le temps de le vérifier tout au long de leur séjour interminable aux Tartares.  Il existe plusieurs manières de mourir, et ne plus séduire, ne plus être entendu en est un. Tantales grotesques, nos dirigeants qui ne dirigent plus rien sauf leur propre carrière,  ne gouvernent plus rien sinon leurs cabinets, qui ne produisent plus rien si ce n’est qu’une peur qui génère les monstres contre les quels, encore et encore ils lancent des campagnes et des guerres perdues d’avance, ne veulent pas savoir que l’existence c’est aussi du plaisir d’être, que le destin de l’homme n’est qu’un jeu d’enfant et que la complexité, l’inattendu, le nouveau sont, comme l’indique Dédale,  simplement la vie.

« Vous voulez nous sauver avec votre corde ? Et bien nous, nous vous supplions de vous pendre avec » s’écriait Nietzche. 

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