Avant la crise et les mesures d’austérité imposées par la Troïka, l’alliance de la gauche radicale n’était que la composante d’un petit parti qui ne pesait dans son ensemble qu’autour de 3%. Aujourd’hui, les sondages donnent à Syriza seul plus de trente pour cent, tandis que les dernières élections (européennes et régionales) l’on sacrée premier parti de Grèce. Les partis ayant soutenu - et décliné dans leurs détails - les ordres et les directives de l’Union Européenne sous hégémonie allemande, qui totalisaient plus de 80% du vote populaire, peinent aujourd’hui à fixer un tout petit 25%. Leur effondrement est massif, et il se fait aussi bien au profit de Syriza que de l’extrême droite nazie de l’Aube dorée. Entre temps, d’autres petits partis son nés, dont la Rivière, dans le but est de fixer, avec un flou artistique évident, le mécontentement généralisé autour d’une minorité pouvant perpétuer les pronunciamientos européens. Enfin, le Parti Communiste Grec qui a vu sa rente électorale fondre de 50% continue à bouger avec comme seul horizon de barrer la route à ce qu’il estime être son ennemi principal, c’est à dire Syriza. Voici, pour faire simple, le tableau électoral grec, auquel il faut ajouter une contestation légitime d’extrême gauche dont Antarsia est le représentant le plus important.
Il est évident que le Syriza d’aujourd’hui n’est plus celui de 2008. En portant sur ses épaules le poids d’une contestation aussi globale que polymorphe et multiple, il a muté en parti de gouvernement, c’est à dire qu’il doit gérer non plus une identité idéologique pure (ce qui est le cas des groupuscules aussi éloignés du pouvoir que de ses impératifs) mais un front de refus, forcement hétérogène. La force de Syriza demeure le fait que, malgré cette pression, il garde l’essentiel de sa radicalité. Ce faisant, il constitue en Europe la seule alternative progressiste, tandis que partout ailleurs, sauf en Espagne, la crise a surtout généré des partis réactionnaires, identitaires, antieuropéens, de droite extrême et souvent fascisants. Tous ceux qui pinaillent sur l’orthodoxie radicale de Syriza, qu’ils voudraient qu’il reste contestataire et qu’il garde son esprit de groupuscule, souhaitent en fait que rien ne change.
Tandis que l’enjeu aujourd’hui est double : il faut faire front aussi bien face aux instigateurs de la déchéance européenne, celle de l’Etat de droit, aux Procrustes d’un modèle économique et financier qui a fait les preuves de son inefficacité, qu’aux forces que cette politique cynique a engendré, c’est à dire l’extrême droite sous toutes ses formes.
La radicalité de Syriza reste en effet la seule arme contre les dictats du marché, l’appauvrissement des citoyens européens et la paupérisation des Etats, menés tambour battant par tous les gouvernements européens, que ces derniers se déclarent « de droite » comme en Belgique ou de « gauche » comme en Italie. Qu’ils se proposent comme alternatives à des mouvements identitaires et réactionnaires (Italie, France) ou qu’ils les intègrent dans leur gouvernement (Belgique, Hongrie).
C’est donc en connaissance de cause, sans esprit puriste ni rêve du grand soir que pour moi, le vote pour Syriza devient stratégique.