Des vertes et des pas mûres dans cette campagne, où l’essentiel devient que l’on parle des candidats, même si (et surtout si) ils n’ont rien à dire ou qu’ils n’aiment pas ce que l’on dit d’eux. Un peu biscornue cette phrase, mais pas autant que les élucubrations sémantiques de nos prétendants. Signe des temps, c’est le droit - et l’histoire du droit - qui prend un (sacré) coup. Les faits et dires du candidat de la droite indiquent qu’il ne retient du catholicisme que l’enseignement jésuite (et peut-être de l’inquisition quand il parle des autres concurrents). Il se vendait comme janséniste, le voilà crypto dandy défendant ses privilèges pseudo – aristocratiques au nom d’un droit qui est resté scotché à l’ancien régime. Un régime de droit divin qui a le mérite de proposer le partage entre soi et la dèche pour tous les autres. La justice des sans-culottes ne le concerne pas, étant inadaptée (incompétente disent ses avocats) pour juger les élus de sa caste.
La faute de l’abbé Macron est moins grave en apparence. En effet, on peut tout dire de la colonisation. Inhumaine, cynique, du XVe au XIXe siècle elle fut une catastrophe pour les populations locales et tous les « avantages » qu’Espagnols, Portugais, Hollandais, Anglais, Français, Allemands (sans oublier les Russes) on apportés, n’y changeront rien à ce mécanisme de prédation massif et à l’abject esclavage qui se réinventa à partir du XVIIe siècle pour le renforcer. Sauf que le crime contre l’humanité est un concept juridique, qui n’est mis en place après la seconde guerre mondiale. S’aventurer à lui donner un statut rétroactif ouvre grande ouverte la porte de la méconnaissance historique du droit et de l’Histoire elle-même. Si la colonisation est un crime contre l’humanité que dire des croisades, des invasions mongoles, du processus même de la création de la Chine, de l’expansion japonaise en Corée, ou des guerres de religion bien de chez nous… Comme on dit, « avant l’heure c’est pas l’heure » et un massacre en Allemagne de la réforme, la disparition de peuples entiers durant l’antiquité sont des exemples de la cruauté et du cynisme des hommes mais ne peuvent être définis comme « des crimes contre l’humanité » puisque ce crime n’existait pas en tant que concept juridique et que, très prosaïquement, les valeurs morales et juridiques, la notion même de communauté internationale, d’universalité du statut de l’homme étaient absents de la pensée humaine. Par contre, les crimes contre les populations autochtones en Algérie, à Madagascar, en Inde, en Namibie, en Indonésie, en Chine, en Corée pour ne donner que quelques exemples, existent bel et bien et constituent une tâche indélébile pour les nations qui les ont perpétrés tout au long du XVIIIe au XXe siècle.
L’histoire n’est pas un melting pot, ni un pot pourri. Il ne faut pas tout confondre. Les hommes ont commis suffisamment d’atrocités pour ne pas qu’on les charge de ceux qui n’existaient pas. L’histoire du droit est celle de la pénible conquête de règles communes, et du vivre ensemble. Vouloir s’en détacher, c’est le pire service que l’on peut rendre à un peuple déboussolé, inquiet et aux abois. Car l’Histoire (encore elle) nous enseigne qu’elle n’est pas linéaire et que ce qui a été durement acquis peut aussi bien disparaître. D’autant plus que grâce au droit, et avec raison, les citoyens sont moins sensibles à celui-ci qu’à la notion même de justice.