On a insisté sur ces pages - et depuis longtemps -, que la question migratoire était, de tout point de vue, centrale. Or, de nouveau, l’Europe et ses pays membre, ne perçoivent la question que comme un problème administratif fâcheux, auquel, comme d’habitude, les « bons élèves » s’y frottent et les « mauvais élèves » s’y piquent. Derrière cette terminologie typiquement européenne se cachent une gestion calamiteuse, un abandon criard de toutes la valeurs éthiques qui ont façonné l’Europe, une guerre entre ceux qui gèrent au quotidien l’arrivée des migrants et ceux qui ne sont même pas capables de recevoir le minimum de quotas décidés, une conduite restrictive des accords de Dublin, signifiant que le droit d’asile incombe quasi exclusivement sur trois pays (Italie, Grèce, Espagne) tandis que tous les autres regardent ailleurs. L’Allemagne, qui a engendré la crise par une action unilatérale, comme elle l’a fait maintes fois par le passé avec des conséquences dont personne n’y songe le lui reprocher (même si cela a engendré une guerre d’un autre âge en ex Yougoslavie), a donné l’exemple à l’Autriche, à la Hongrie, à la Pologne qui, à leur tour, ont été imitées par l’Italie. Ainsi, la crise migratoire s’est transformée en une crise politique européenne dont les premières victimes sont les migrants. Leur sort ne fait pas le poids face à celui de la chancelière allemande, le départ de la Grande Bretagne, la révolte politique italienne, la sédition de la Mitteleuropa ou des Balkans. Face aussi au conflit feutré entre le président de la Commission et celui du Conseil européen, qui ajoute de la paralysie à la paralysie.
Ainsi, l’accord de l’U.E avec la Turquie imposé par Berlin, se modélise, faute de pouvoir « se coordonner » intra muros : peut importe quel autocrate, quel dictateur, quel kleptocrate on finance, en oubliant ce qu’il est (et surtout ce qui fait subir aux populations), pourvu qu’il « retienne » les migrants loin des frontières Schengen. Comme si ces « hommes forts » n’étaient en rien responsables de la misère, la déchéance, l’embastillement de leurs populations, produisant leur exode massif. L’Europe sait pertinemment que cette « politique de coopération » engendrera les nouveaux migrants. Mais qu’importe si, ne serait-ce qu’un instant, les vannes migratoires se tarissent un peu soit-il. Entre temps, la crise européenne perpétue la crise de ses voisins, et des voisins de ses voisins. L’Europe se voulait un havre de paix et de stabilité, la voilà promoteur de l’instabilité régionale et garante d’un status quo permettant la perpétuation des pires dictatures… A se demander pourquoi la « France » a voulu se débarrasser de Kadhafi…