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Billet de blog 23 février 2015

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Je viens de la ville et au sommet cannelle

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On aura tout entendu sur les fous de dieu, c’est - à - dire rien du tout. Normal. Trois siècles de Lumières et un siècle de supermarchés nous ont convaincus que le fait religieux est, lui aussi, un bien de consommation négociable, une nourriture terrestre à choisir sur le catalogue de la Redoute. Pour comprendre le fondamentalisme islamique, - l’islam tout court aussi -, mieux vaut se replonger dans la plume chrétienne et absolutiste de Sœren Kierkergaard (et de préférence sur son journal). Une religion qui n’est pas persécutée n’est plus une religion affirme-t-il d’emblée. Sans martyrs, sans don de soi, sans adhésion absolue et irréfléchie, le fait religieux n’est qu’une pale copie corrompue par la raison. La vrai croyant (le chrétien de 1850 en l’occurrence) ne doit qu’imiter et surtout pas à approfondir les raisons de sa foi. Plus il cherchera et plus il s’enfoncera dans les Tartares du doute.  Ce n’est surtout pas une affaire personnelle, de conviction, et qui se passe des obligations et des devoirs. Le pauvre (sic) Luther, explique Kierkergaard, qui proposa un lien de conviction raisonnée entre soi et le divin ouvrit les portes grandes ouvertes à l’interprétation intéressée des riches, des bien portants, de commerçants, qui trouvèrent bien pratique de croire et de s’enrichir à la fois. La foi de l’imitation, celle qui ne se fait pas par choix mais par adhésion, est la seule qui justifie la souffrance, qui la sublime. Les êtres bons qui ne sont pas chrétiens, comme Rousseau, souffrent de souffrir. Pas le vrai chrétien…

On croit entendre le simplisme d’un fondamentaliste affirmant que Mahomet aime l’Arabie, sinon aurait-il déposé tant de pétrole, quand nous lisons : les apôtres étaient des illettrés, de hommes simples, et pourtant ils ont détruit le monde des philosophes gréco-romains. N’est-ce pas là la preuve de la puissance divine du Christ ? 

Cependant, Kierkergaard affirme aussi autre chose : la tolérance est une invention des marchands nous dit-il. Comme la civilité, la négation de la sauvagerie, de la douleur. La bienséance est une qualité essentiellement marchande. Et il ajoute : avant, pour gouverner on utilisait la violence des armes. Aujourd’hui,  par mille politesses et artifices, on vous fait violence en disant qu’on ne désire que votre bien-être, votre bonheur ; Mais finalement il s’agit d’une violence plus dure, car elle vous demande d’être votre propre bourreau, de souffrir sans croire…

A méditer. Surtout sur les outils de la raison et  leur efficacité. Car, la parole des prélats, des ministres et des experts  - considérés par Kierkergaard comme des spécialistes du processus pour accéder au pouvoir mais certainement pas pour l’exercer -, est une voie inaudible, corrompue, incompréhensible et inefficace pour tous ceux qui ont la vraie foi.

Méditer donc, 1850 n’est pas si loin que ça.  Et pour certains c’est carrément aujourd’hui.

Pour indiquer l’incommunicable et l’incompréhensif, les grecs ont un proverbe : je viens de la ville et au sommet cannelle…

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