Dès le premier siècle de son existence, le monde de l’Islam se morcela en une multitude d’autorités plus ou moins liées à l’autorité de califats, avec une prédominance, pour le monde sunnite, de celui de Bagdad. Les multiples invasions mongoles ont rajouté de la confusion et déplace le centre de gravité à l’Egypte des mamelouks, où le Calife de Bagdad trouva un refuge ambigu. A son tour, l’empire Ottoman, après la conquête de l’Egypte déplaça le califat à Constantinople, qui se transforma en centre du monde musulman. Cependant, la sublime porte laissa au Moyen Orient et en Afrique du Nord une très large autonomie aux divers sultanats et plus particulièrement aux « cités Etats » musulmans de l’Afrique du Nord (Alger, Tunis) à condition que ces derniers par la course, la piraterie, des incursions et des raids participent au bras de fer qui opposait l’Europe, et plus particulièrement l’Espagne catholique, à l’empire ottoman. La myriade de mini - Etats et autres autorités qui s’étendaient de la Syrie jusqu’aux confins de la Perse jouissant aussi d’une très grande autonomie, sous la tutelle de la Porte Sublime, désormais protectrice des lieux saints arabiques. Ainsi, les très grandes perturbations que connut le monde musulman pendant et après les invasions mongoles, léguèrent au monde musulman une géographie symbolique morcelée, qui ne prit fin qu’avec les guerres coloniales, la suprématie occidentale, et le traçage des frontières qu’elle imposa. C’est de cela qu’il est question aujourd’hui. La guerre sainte musulmane s’appuie sur cette géographie morcelée, sur le pouvoir symbolique des anciens califats, sur des liens plus que flottants avec l’autorité centrale, quelle que soit, usant et abusant, comme aux époques qui suivirent le démentiellement des empires, que ces derniers soient éphémères (mongol) ou traversant les siècles (mamlouks, ottomans) d’alliances circonstancielles, guerroyant entre elles, sur des espaces parfois importants, qu’il soient terrestres ou maritimes. Al Quaida, qui se définît comme une entité globale qui mène une guerre sans revendication territoriale, ne pratique pas autre chose que ces forces du djihad qui se fixaient là ou les « infidèles » s’installaient, comme par exemple pendant la période des croisades, pendant les luttes fratricides d’Asie Centrale à la chute de l’empire mongol, ou même à celles que connu le démentiellement de l’empire moghol au nord-ouest du sous-continent indien.
Hier le FIS, et aujourd’hui l’Etat Islamique de l’Iraq et du Levant, tout comme Aqmi, perpétuent quand à eux (quelques soient les allégeances exprimées), une tradition plus territoriale, les premiers se pensant comme les descendants des émirats indépendants de l’Afrique du Nord, les seconds comme des combattants d’un califat historique avant son partage colonial, et les troisièmes, mènent une guerre sainte qui a comme objet de sécuriser les routes commerciales et celles de la foi, ce qui est un des piliers de l’islam. Il faut arrêter de croire que les phénomènes d’aujourd’hui sont une sorte de dégénérescence de l’islam. Tous ces mouvements sont inscrits dans une tradition ancestrale qui s’exprime d’autant plus qu’elle se réfère pour la plus part du temps à des moments historiques troubles, ou l’autorité centrale ne peut ou ne veux s’affirmer, et qui dans le passé sont à la source d’Etats et de puissances qui ont survécu bien plus que les califats maroco - espagnols, que l’occident se plait à définir comme l’âge d’or de l’islam.