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Billet de blog 23 septembre 2016

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Quand la pègre épouse un mythe

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est le décor d’une tragi-comédie que les prétendants à la présidence sont entrain de construire. De celles qui rappellent le supplice du pal, qui commence si bien et qui finit si mal.  Leurs récits, qui vont de bonheur béat à la catastrophe apocalyptique, du succès flamboyant à l’échec total, de Waterloo à Berezina, ont un point commun : ce ne sont que des récits, comme si, commenter le réel était devenu un exercice impossible. Et, en ce sens, ils n’ont pas tort. Il devient en effet compliqué de déclarer que  dans le monde tel qu’il est et tel qu’il fonctionne, le chômage chronique des uns explique les dividendes faramineux des autres. Que les salariés doivent se faire à l’idée qu’ils gagneront de moins en moins et que leurs enfants vivront moins bien qu’eux. Que leurs salaires ne représentent désormais qu’une partie infime de la masse monétaire mondiale, et que c’est sur ce presque rien que le marché compte faire des économies. Qu’il n’y a plus de justice sociale, et bientôt plus de justice tout court. 

Que le marché, dans toutes ses formes, concentre près de 90% de la masse monétaire, et qu’il en exige encore plus, quitte à en perdre une grande part au prochain spasme de  la crise permanente. Que celle-ci n’est qu’un mécanisme bien rôdé pour précariser les gueux et enrichir les nantis. Comment donc bâtir un récit, un programme sur ces tendances lourdes du réel et de tous les mécanismes nationaux et mondiaux qui le perpétuent ? En allant regarder ailleurs, bien entendu.  En affirmant que la routine est exceptionnelle, que la crise est passagère, que les victimes sont les bourreaux, que la folie c’est le raisonnable, que le moins c’est plus, que l’irrationnel c’est de la sagesse et que la voie, le marché, leurs décisions, leur armature légale, militaire, économique,  leur parole sont uniques,  indivisibles et incontestables. De temps en temps on sacrifie une brebis, que l’on surnomme galeuse et on la jette en pâture, comme jadis on sacrifiait au dieu soleil ou à la terre mère pour amuser la galerie des indigents ou assainir les cours des miracles. Comme l’écrit Cioran, « quand la pègre épouse un mythe, attendez vous à un massacre, ou, pis encore, à une nouvelle religion ».

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