Il y a un mois mourrait Gore Vidal, un grand écrivain. Grand en tous les sens. Mémoire vivante du vingtième siècle, ami de Kerouac et d’Anaïs Nin, critique féroce de la société américaine, de son système politique et de ses dirigeants, il écrivait : la politique est un spectacle mené par des salauds. Lui-même issu de l’aristocratie politique américaine (son grand père était sénateur de la côte est et membre de la dynastie Kennedy), il avait fait scandale écrivant le premier roman de son pays où le héros est homosexuel (The city and the Pilar). Grande gueule, critique féroce des Bush, dandy excentrique et foudroyant dans ses amitiés et ses inimitiés, il a joué pendant près d’un siècle le rôle de conscience citoyenne, il a clamé sa différence sexuelle en des temps où l’homosexualité était un délit, jouant parfaitement - comme Truman Capote - le rôle du gentleman bitch avec un cynisme élégant et séducteur.
Il était aussi un héros de la deuxième guerre mondiale, de ceux qui dérangent par leurs déviances diverses l’establishment bien pensant américain, tels Kurt Vonnegut, Joseph Heller ou Norman Mailer. La mort de l’auteur de Empire, de Death Likes it Hot, de Dark Green Bright Red et de tant d’autres romans ou nouvelles, de ce producteur et réalisateur de la télévision la plus corrosive des USA, de ce scénariste de génie (Le repas des noces, Bienvenu à Gattaca, Oublier Palerme, Le Gaucher, et tant d’autres), n’a presque pas été signalé par notre presse écrite ou notre télévision qui, un mois plus tard s’émeuvent à n’en plus finir de la disparition d’un amuseur public mimant dans ses émissions ce qui a de plus dégradant dans la télévision américaine.
Toutes les morts ne se valent pas.