A condition - douteuse - qu’elle l’aie jamais été, l’U.E, n’est plus la maison commune des peuples qui la composent. Elle est plutôt la tanière d’une orthodoxie néolibérale qui sert à la fois de relais et de courroie de transition aux gouvernements des Etats membre voulant imposer à leurs citoyens une régression permanente de ce qu’ils ont et de ce qu’ils sont. Cela s’accomplit à travers une idéologie - se croyant dominante - qui vise l’uniformisation extrême du citoyen européen, de sa réduction au plus petit dénominateur commun : le modèle étant celui de l’individu consommateur de produits tout aussi uniformisés, droitier, bien pensant, libéral socialement et vétuste culturellement, ayant peur de tout et acceptant l’inacceptable.
La superstructure qui gère ce conglomérat de vanités bornées, est farouchement antidrogues tandis qu’elle vit de manière permanente au sein d’un paradis artificiel stimulé par les lobbys des maîtres des forges (qui ne sont plus européens depuis des lustres), ceux des banquiers et autres loups de la finance, des conglomérats des céréaliers, des industries pharmaceutiques, des armateurs, bref par tous ceux qui voudraient que leurs intérêts soient imposés à tous, via les fameuses directives, cette invention antidémocratique, que les Etats - membre ont inventé pour diluer la responsabilité de leurs décisions mais que les lobbys ont parasité depuis longtemps.
Ne produisant rien, l’UE veut pourtant « gérer » la totalité de ce que les autres produisent, ne se limitant pas à la seule production économique. Des budgets à la culture, des idées et des perceptions existant sur cet espace polymorphe et poly sémantique qu’est l’Europe et qui concernent l’appréciation de la vie, de la mort, des dieux divers, des us et coutumes, du regard sur la vie et de son sens, du savoir faire et du savoir vivre, des questions d’environnement… Il s’agit de concevoir un consensus médian, tiède, anodin et digérable sans trop de constipation ou de diarrhée, sans soubresauts, sans conflits, sans l’idée même que la lutte des classes existe et en ignorant de manière militante tout ce qui ne fait pas unanimité, qui diverge, qui existe hors champ de leur vision standardisée.
La mollesse de tout et sur tout, propagée par les professionnels arrivistes qui ont bien compris que toute action pourrait leur nuire, a transformé cette UE en un empire suiviste, qui trouve des croisades à la carte pointant sur des lacunes exotiques, surtout là où l’ami américain ou l’hégémon allemand trouvent leur compte, sans même se poser la question que ce qu’on veut imposer là bas, n’existe plus ici. Car c’est devenu une habitude de faire semblant de croire que démocratie et cooptation sont synonymes, que le parlement européen, dirigé par des partis identiques et uniformes, décide de quoi que ce soit ou représente l’état politique réel de l’Europe, que les gouvernements « choisis » par cette superstructure incontrôlable par construction pour la Grèce ou l’Italie au début de la crise par exemple avaient quelque chose à voir avec la démocratie. Cette mollesse conquérante s’étant harmonisée avec la forme aux dépends du fond, avec son propre droit plutôt que la justice, avec la facilité procurée par la consanguinité avec les puissants aux dépends des peuples. En des rares moments de lucidité, elle nomme cela, par euphémisme, « défaut démocratique », sans pour autant faire quoi que ce soit pour changer les choses.
Cette machinerie veule, amorphe et intéressée se complait parfaitement de son costume néolibéral. Ses mots d’ordre, qu’elle affiche sur des panneaux géants décorant son siège central, parlent de fluidité, de libre échange. Les lois du marché sont ses lois. Ce fameux libre échange doit être sans entraves, mais la compétition doit être loyale assène aux citoyens le patron luxembourgeois, et on doit payer ses dettes, affirme en écho la patronne allemande ; Sans doute victimes de la maladie d’Alzheimer ou du principe cynique fais ce que je dis et pas ce que je fais. Mais c’est ainsi : la contradiction, aussi flagrante soit-elle, l’oxymore, l’évidence, la dure réalité des faits doivent, en cette maison commune des patrons sans-soucis, passer inaperçus comme une larme dans la pluie.
Enfin, cette machine infernale de nivellement par le bas possède une arme de destruction massive, cette monnaie uniforme, unique disent-ils, elle aussi réévaluée par construction et dont les peuples sont priés de s’appauvrir pour qu’elle puisse garder sa valeur (sans jeu de mots). Sœur cadette du dollar, elle lui passe tous ses caprices, elle s’expose, elle s’enferme dans sa tour d’ivoire, gardant sa surévaluation comme on préserve sa virginité. Dans ce jeu infernal des monnaies, la règle d’or du capitalisme, l’offre et la demande, n’ont plus droit de cité. Une situation oxymore supplémentaire, mais qui s’en soucie ? Tant que les peuples paient pourquoi s’en faire ?
A suivre…