I don’t give a damn répond Clark Gable, imperturbable aux lamentations de la capricieuse Vivien Leigt. Scène mémorable de Autant en emporte le vent (mardi, France 3) d’autant plus réaliste que Clark, dans la vraie vie était un macho egocentrique et un fieffé réactionnaire, tandis que Vivien était une capricieuse en série qui transformait tout tournage en un exercice d’équilibriste, obligeant les réalisateurs à s’y risquer sans filet. Cette lutte d’égos épicés par un opportunisme sans faille, permet à ces deux personnages de traverser une autre, bien réelle et atroce que fut la guerre de sécession. Clark et Vivien sont des insensibles et je ne sais pas pourquoi ils me rappellent Copé – Fillon et leur guéguerre traversant une France en crise, et ajoutant, par leur inconscience décomplexée, du désespoir au désespoir, à tous ceux qui croyaient en eux. En contre pied, dans le Guépard (mardi, Chérie 25) Visconti picore dans le roman magistral de Lampedusa des scènes, des situations, qui soulignent le sens et la signification de l’Histoire, celle–ci menant par la main à sa perte le monde fossilisé des privilèges aristocratiques, sans pour autant détruire les privilèges confisqués par les nouveaux riches, les spéculateurs et les parvenus. Pour que rien ne change, il faut que tout change explique malicieusement le prince Salina (Burt Lancaster) et on dirait qu’il s’adresse directement à François Hollande. Héros garibaldien, son neveux - Alain Delon - s’adapte parfaitement à ce nouvel ordre bourgeois, trouvant une situation confortable en la personne de la belle Claudia Cardinale qui n’a comme défaut que son rire ingrat et irrespectueux, vite oublié par la grâce de la fortune de son père, spéculateur et opportuniste représentant la nouvelle aristocratie financière. Moins manichéen, esthète et complexe, Visconti pose une question irrespectueuse, clin d’œil à lui-même et de ce qu’il est. Aristocrate déchu mais aussi compagnon de route du cinéma progressiste italien et du néo-réalisme, il se demande pourquoi il est toujours nostalgique d’un passé révolu et si cette nostalgie n’est pas liée à la brutale simplicité apparente des nouveaux possédants cyniques et des apprentis idéologues. Le téléfilm Moby Dick (Vendredi France 3) se veut « moderne » et « fidèle » à la fois. Oui aux effets spéciaux mais oui aussi pour garder l’essentiel du mythe de Melville : obsessionnel, le capitaine Achab (William Hart au meilleur de sa forme ténébreuse) poursuit un projet prométhéen impossible auquel il sacrifie tout (son bateau) et tout le monde (son équipage). Mme Merkel devrait le visionner de toute urgence. Son concitoyen, le cinéaste Mike Barker prévient : à force de refuser de regarder avec le regard des autres, on s’y perd et on les perd. Pour perdurer, il ne suffit pas d’être du beau monde, d’être imbu de soi-même et abuser de ses privilèges (ici l’abus s’identifie au meurtre et à l’usurpation). Il faut aussi savoir qu’à tout moment un Scaramouche surgira (mardi OCS Géants), symbole d’une révolution qui se cherche et qui apprend vite fait bien fait les armes de la guerre, celui de la séduction incluse (Mélenchon doit adorer ce film). A la liberté barbare (la seule vraie liberté, pensaient les citoyens athéniens à l’époque de Périclès) se substitue une autre qui reconnaît des limites acceptées, assumées et intériorisées, celle de la Cité. Le bon droit du pouvoir absolu vacille, tout comme ce charme aristocratique qui n’existe que parce que les limites n’existent plus. Une fable un peu comme celle des Leiman Brothers ou de la HSBC : dès lors que les règles surgissent, la barbarie financière tombe le masque. Le truand, le hors-la-loi n’étant plus celui qu’elles indiquaient, mais elles-mêmes et leurs pratiques. C’est un peu tout cela que synthétise Millénium (samedi Canal +) : pour se préserver, le pouvoir exhibe un ordre propre sur soi, tranquille et respectueux des citoyens. Mais, cyniquement, il distille parallèlement des messages xénophobes, homophobes et sexistes, repris par les « hommes tranquilles » se transformant en bourreaux odieux pour tout ce qui est fragile et non conforme. Les nouveaux Scaramouche doivent donc batailler pour mettre à jour cette violence blanche des gouvernants du sérail mais aussi pour démasquer ceux qui prennent à la lettre les messages de haine, se croyant pour toujours intouchables. David Fincher, le réalisateur de Millénium, sait pertinemment que leur tâche n’est pas aisée. Combattre des criminels du sérail est une chose, combattre les mécanismes pervers qui les font surgir en est une autre. Il conclut, mi-figue mi-raisin en se disant : chaque chose en son temps… Cependant, avec Blade Runner (mardi France 3) Ridley Scott prenant à bras le corps - et adaptant avec une maestria vertigineuse - la nouvelle de Philip Dick prévient : la barbarie n’est jamais plus féroce que lorsqu’elle est institutionnelle : elle extermine sans vergogne ceux qui ont pourtant tant vu et tant vécu, les condamnant à n’être qu’une larme dans la pluie.
Billet de blog 25 décembre 2012
De Noël au Nouvel an
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