Moins de vingt pour cent des inscrits.C’est le poids, à peu près égal, des quatre finalistes du premier tour de l’élection présidentielle. Ce n’est pas une catastrophe en soit, plusieurs pays voisins, comme la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas vivent cette réalité depuis des lustres. Ce qui est un drame, c’est que notre système électoral n’est absolument pas conforme à cette situation, créé pour servir des partis mastodontes au service d’un homme providentiel (ou se croyant être) aux pouvoirs exorbitants,ce système, dit de la Ve République reflétait dès sa genèse la phrase d’André Malraux « entre les communistes et nous il y a le vide ».
Or, dès la mort de Georges Pompidou, cette réalité binaire n’existant plus on a fait semblant d’y croire, utilisant le premier tour des élection comme une primaire et le second comme une élimination du différent, ce qui transforma les français en castors bâtisseurs de barrages. Cela retarda les mutations et transforma le jeu politique en une course à l’exclusion de tout changement issu de la périphérie politique. Cette machine broya à gauche le Parti Communiste et le PSU, à droite les centristes et l’extrême droite, à l’exception notoire de l’expérience giscardienne.
Ainsi, comme en URSS ou en Chine communiste, les conflits politiques ou idéologiques n’étaient pas tranchés par les citoyens mais, transformés en concours d’égo et en manipulations diverses, par des mini - coups d’Etat internes à l’intérieur même des deux partis politiques monopolisant le pouvoir. La ligne politique, l’innovation du débat, l’imagination étaient sacrifiés au nom du fameux « destin personnel » véhiculé par les godillots de triste mémoire et autres écuries obscures sévissant au sein du parlement et aux deux « grands » partis. En conséquence, représentation politique et hommes providentiels sévissaient jusqu’à leur extension naturelle créant une caste gérontocratique unique en Europe, exception faite de l’Italie.
La société civile, à la longue, au début s’en habitua et crut que le jeu politique figé qu’on lui vendait était « naturel » et « unique », d’autant plus qu’incapable d’anticiper le futur, s’abandonnant à la technostructure européenne, le pouvoir bicéphale par alternance (ou cogestion) vendit le mythe d’un bien-être individualiste, autonome, usant du fameux « enrichissez vous », remplacé,le temps des vaches maigres venu, par celui de « préservons l’essentiel ». Or, la « marge », de droite, de gauche ou d’ailleurs, ostracisée structurellement, finit par se présenter comme alternative, ce qui, en ce qui concerne le FN, la transforma en « impossible possibilité » nécessaire à la perpétuation de ce mécanisme qui l’utilisa comme épouvantail pour maintenir le ronronnement de sa main mise perpétuelle, basée sur le concept d’élimination finale de l’intrus.
La fiction de deux camps structurés, l’un de droite l’autre de gauche, survécu tant bien que mal jusqu’aux deux derniers quinquennats, qui démontrèrent que la question n’était pas si on était un roi fainéant, mais si on pouvait toujours régner en tant que vassal du pouvoir européen. L’irruption du Front de Gauche et d’un anti discours pour une fois politique eut deux conséquences : la fin de l’hégémonie du FN en tant que contestataire unique au « système », et l’irruption du politique, c’est à dire d’un discours hiérarchisé et cohérent, loin de la « footballisation », de la culture du détail et de l’absence de projet global, perpétués par les caciques du pouvoir.
Au premier tour de l’élection présidentielle, les mécanismes de perpétuation de ce pouvoir ont sauté, le FN préservant un tout léger avantage sur l’anti - discours citoyen, à cause de son antériorité. Cependant, la démonstration de son inutilité est faite, tout comme son rôle d’alternative, puisque désormais la fragmentation politique de fait, l’extinction des dinosaures vieillissants, permet au politique de reprendre le dessus, c’est-à-dire d’offrir un vrai choix entre un projet centriste adossé au marché (lui même en crise) et un autre plus réaliste, celui de Mélenchon, qui donne la priorité à l’homme sur ce marché et sa vraie représentation politique, l’Union Européenne… Comme cette élection se joue en quatre temps, il est trop tôt pur avoir une image finale. Cependant, l’issue à moyen terme ne fait plus de doute…