Tout cela nous amène à une deuzième question : pourquoi ce sentiment d’impuissance, de fragilité, notre « modernité », notre style de vie, nos modèles de contestation intégrée - comme l’humour - sont-ils donc contradictoire avec notre sécurité ? Face à ces questions, il faut commencer par faire la part entre ce qui est une idée, une image reçue et largement propagée ici et ailleurs et notre réalité du quotidien. Pour être plus clair, ce qui définit notre monde c’est la terrasse de café ou le chômage ? Le vivre ensemble ou les scores faramineux du Front National ? La connectivité globale ou l’isolement des quartiers ? La consommation d’une technique de masse ou l’art distillé dont bénéficie une minorité aussi insouciante que privilégiée ? En d’autres termes quels sont ces fameux principes de la République, ces valeurs, cette solidarité bigarrée auxquels on fait appel après chaque catastrophe ?
Matteo Renzi, le premier ministre italien, qui semble avoir compris les faiblesses intrinsèques de nos sociétés, vient de lancer un défi stratégique à l’Europe : pour lui, la sécurité de l’U.E et se ses Etats membre passe par la culture. Il faut certes renforcer l’appareil répressif mais pour chaque euro dépensé pour la sécurité stricto sensu, il en faut un autre pour l’éducation, l’art et la culture, la paideia comme disaient les grecs. Il va donc bien plus loin que le président français, qui déclarait solennellement au parlement juste après le carnage que le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité. Timidement, frileusement, par petites touches, certains dirigeants européens commencent à susurrer ce que Podemos, Syriza et d’autres mouvement contestataires affirmaient avant d’être mis au pas par la superstructure européenne et ses clercs : l’Europe institutionnelle tue l’Europe des valeurs en les déplumant de leur sens, en les corrompant, en les travestissant au nom des valeurs boursières et comptables. Et c’est justement parce que ces valeurs deviennent une abstraction, une chimère, du formalisme hypocrite, que nos sociétés se sentent fragiles. On ne le répétera jamais assez : le pacte de stabilité ne signifie pas uniquement moins de policiers, de douaniers ou de juges. Il signifie surtout une paupérisation de l’esprit, des valeurs, des spécificités qui font que l’Europe reste un continent et n’est pas une simple péninsule au sein d’un monde globalisé.
A suivre…