Brigitte Bardot, en conversation avec ses chiens ses chats et ses caméléons, exprima l’idée « qu’il faut faire la peau aux djihadistes ». Elle se référait à la loi du Talion, et c’est uniquement sur ce dernier point que sa déclaration devient intéressante. Disons en préalable que ce que dit ou ne dit pas BB n’est pas de l’ordre du public, puisque enfermée dans sa Madrague elle joue les anachorètes depuis des décennies, et il est carrément indécent de le considérer comme tel. La presse, ici comme pour toute une série de questions, agit en pompier pyromane, et loin de moi l’intention de la suivre sur ce chemin. Cette dame de 80 ans a le droit à l’oubli. Cependant la question de la vengeance, de l’aphorisme revanchard, a sa place dans l’Agora, actualité oblige. Pendant quinze mille ans, depuis les temps mythiques jusqu’à aujourd’hui les sociétés humaines organisées ont connu un long processus, apparemment inachevé, qui a pour objet d’encadrer la nature humaine par la culture. Plus clairement, pour circonscrire les reflexes naturels et ancestraux par des règles, des lois, le savoir et le savoir vivre en commun. La sauvagerie n’est pas inhumaine en soit. Après tout l’homme est un animal vivant en collectivité, et peut-on dire que les sociétés organisées de certains insectes sont inhumaines par ce que la division du travail et des fonctions sociétales qui y règnent sont, selon notre apprentissage millénaire, sadiques, cruelles ou totalitaires ? Le fait est que, avec des hauts et des bas, l’homme collectif a su maîtriser ses pulsions naturelles par une ingénierie complexe qui substitue ces pulsions par des règles que l’on nomme lois et qui son devenues, avec le temps, communément admises. Chemin faisant, la violence est devenue un monopole de l’Etat, ou de dirigeants de toute société organisée, et c’est justement l’éclatement des autorités et la paupérisation des Etats qui, à des moments historiques précis (dont la nôtre) permettent le retour de la sauvagerie. Le monopole de la violence n’est pas synonyme d’un progrès linéaire de l’affirmation du vivre ensemble. Il peut être sujet d’abus, qu’ils soient guidés par l’intérêt ou le projet de ces pouvoirs. Depuis l’inquisition jusqu’aux solutions finales ou le goulag, les exemples ne manquent pas. Cette décadence éthique étatique peut être aussi le fait d’une idéologie irrationnelle et - pour être cynique, anti productive - comme ce fut le cas avec le nazisme. La terreur, l’arbitraire, le mépris de la vie, peuvent être des moyens de gouverner. Cependant, les sociétés organisées ont su, petit à petit, à limiter ces dérives, qui, il y a mille ans étaient monnaie courante mais qui apparaissent aujourd’hui comme des délits que les superstructures multinationales s’efforcent, parfois en vain, de punir. Les crimes de guerre, contre l’humanité, celui de génocide, celui aussi de la négation de ce crimes sont théoriquement bannis et punis, comme ceux du droit commun.
Le code d’Hammourabi, les mythes grecs, les lois romaines, la Pentateuque, le Nouveau Testament ou le Coran, pour rester dans notre espace culturel, sont des étapes significatives de cette quête de règles remplaçant l’arbitraire sauvage. En leur temps elles ont radicalement changé la relation entre « l’instinct sauvage » et « le vivre ensemble». Cependant ce sont des étapes, qui ont été suivies par bien d’autres. Ce référer aujourd’hui à la loi du Talion est exactement la même chose que de considérer le Coran comme l’aboutissement final du processus d’une société organisée. C’est une démarche nostalgique et réactionnaire qui tourne le dos à mille cinq cents années d’évolution du concept même du vivre en société. Nos Etats défaillants devraient y penser avant de lancer, comme solution unique des drones et des aphorismes sur les uns et sur les autres…