Commençons par dire que ceux qui, comme monsieur Le Guen, répètent c’est « trop radical » commettent une faute grammaticale, un pléonasme : c’est comme si on disait « c’est trop beaucoup ». A ces massacreurs des sens et des règles (pas uniquement grammaticales) pourrait-on objecter : trop, c’est trop. Car être radical, c’est être authentique, c’est vouloir aller à la genèse d’un problème - à sa racine - pour y trouver la solution. Les chrétiens, par exemple, disent « observons l’origine radicale des choses, c’est - à – dire Dieu ». D’ailleurs une action radicale est une action décisive sur les causes profondes d’un problème. Elle cherche sa racine et ne se perd pas dans la multitude de ses effets. Un radical est aussi quelqu’un qui va au bout des conséquences impliquées par son choix initial. En l’occurrence on pourrait dire de Benoit Hamon « qu’il n’est pas suffisamment radical »…
En France, le radicalisme anticlérical initial a donné naissance à des structures édulcorées comme le radical-socialisme ou le parti radical de gauche, tout comme certaines racines génèrent des plantes différentes ou une souche sémantique génère plusieurs mots. On peut en effet s’éloigner de la racine initiale, mais on ne peut pas se placer avant celle-ci, avant la genèse.
Comme tout s’effiloche, que les mots perdent leur sens pour des raisons utilitaires, il serait bon de rappeler que l’expression « radicalisme violent» a sa propre histoire. Au tournant du XXe siècle, au sein des conclaves feutrés de l’ONU et de l’Union Européenne, on se cassait la tête pour trouver un terme qui définisse le terrorisme fondamentaliste sans heurter le sentiment religieux des Emirats d’où il était issu. Après moult essais et le constat que la différence entre islamiste et islamique n’était pas concluante et prêtait à confusion on se refugiât derrière les termes « radicalisme » (remplaçant fondamentalisme) et « violent » indiquant qu’il existe des fondamentalistes gouvernementaux paisibles, ceux qui sont assis sur les puits de pétrole, et qui sont forcément nos alliés… Par ailleurs, considérant que le terme « terrorisme » était à éviter après l’attentat meurtrier d’Oklahoma City, « radicalisation violente » fut un compromis entre le gouvernement fédéral américain et les instances internationales, suivies par leurs cohortes d’experts et autres bureaux d’études spécialisées dans la sécurité. Heureusement, par ce que sinon, monsieur le Guen aurait pu accuser tout ce qui se situe à sa gauche comme « terroriste ». En effet, en percevant que ce glissement sémantique avait des avantages certains au sein de l’opinion publique on généralisa la notion de « radicalisme » comme synonyme inavoué de « terrorisme » toujours accompagne ou précédé par celui de « populisme ». Ce qui permet à monsieur Fillon de parler de « guerre civile » comme si on était à la veille de l’offensive de l’Ebre. Mais c’est une autre histoire. Dison plutôt pour conclure, que certes « tout ce qui est excessif est insignifiant » (Talleyrand) mais cela n’empêche pas le «calomniez, calomniez, il restera toujours quelque chose » (Francis Bacon)…