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Billet de blog 28 octobre 2014

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Hypertexte et algorithmes

Fleur Pellerin a peut-être sa place dans ce gouvernement. A la consommation sans doute, ou l’économie numérique. Là, les algorithmes, qui participent à la fluidité de l’hypertexte en multipliant les variantes et les points de contact ont leur utilité. Je la vois ministre de FB ou Linkedin

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Fleur Pellerin a peut-être sa place dans ce gouvernement. A la consommation sans doute, ou l’économie numérique. Là, les algorithmes, qui participent à la fluidité de l’hypertexte en multipliant les variantes et les points de contact ont leur utilité. Je la vois ministre de FB ou Linkedin : si vous aimez cette page, forcément vous aimerez celle-là. Vous avez cet ami, celui-ci pourrait vous intéresser… Des pratiques commerciales dont les marchands du net usent et abusent constamment. Par contre, la culture, ou ce qui en reste dans ces temps post – modernes, demande du savoir, de l’éducation, de l’éclectisme, bref, un cheminement personnel et éclectique qui tourne (théoriquement) le dos aux grands nombres et aux statistiques. Par ailleurs, la culture c’est ce que l’on ne connaît pas, que l’on devine et que l’on découvre à petit pas. C’est un apprentissage. Le contraire absolu des algorithmes existant dans les sites de rencontres… Disons-le autrement : la culture sert à perdre son temps dans un dédale de savoirs et de sensations pour enfin le gagner. L’algorithme vous fait gagner du temps quand, seul et ignare, perdu et démuni, vous vous transformez en consommateur compulsif de standards d’apparence réussie de tout genre : depuis la moto ou la crème à raser jusqu’à l’estime de soi… La notion d’hypertexte, cette invention majeure de l’informatique, reflète à elle seule les avancées techniques la société moderne, mais elle souligne aussi ses limites et ses carences conceptuelles. Pour être simple, disons qu’à la base il y a le concept du chaos intégré, que l’on pourrait aussi définir comme une interactivité mutante sans fin. Les algorithmes étant des formules mathématiques facilitant le transfert et l’interconnexion. Au sein d’un cadre fermé, celui l’ordinateur (ou d’un ensemble d’ordinateurs), chaque mutation, chaque changement d’un point, d’une information, influe sur l’ensemble et le transforme. On souligne souvent l’identité entropique de cette structure, sa capacité de synthèse, ses possibilités inteconnectives. Ce qu’on explique moins, c’est le fait qu’il s’agit d’un système fermé qui a tendance à analyser tout ce qui lui est étranger ou extérieur de manière identique. C’est là son premier défaut. Le monde n’est pas partout pareil, les produits n’ont pas partout le même usage, la même valeur, la même fonction, tout comme les cartes de crédit, le produits financiers, les armes, les routes, les frontières, la vie, la mort, les chaussures et ainsi de suite. Croire que la complexité intégrée est globale est un leurre, auquel buttent les gouvernants en voulant gérer la culture comme l’Afghanistan, la globalisation comme l’Etat Islamique de l’Iraq et du Levant, la pauvreté comme les réactions à l’uniformité, la sécurité maritime comme la sûreté des supermarchés, et ainsi de suite. L’usage de l’hypertexte comporte un autre risque : la transformation instantanée de toutes les données, par une action faite sur une seule, donne un sentiment de facilité et la certitude qu’une réponse ponctuelle et rapide est toujours la plus efficace. L’art de l’anticipation, qui définissait le statut même de la pensée politique disparaît. Tout comme le sentiment que les connaissances approfondies et précises et subjectives de l’histoire, de la géographie, de l’économie et surtout de la philosophie ne sont plus nécessaires pour apprécier un sujet. Jeux et diagrammes instantanés, définis par des algorithmes ad oc donnent la solution. Surtout, la hiérarchie des données et leur spécificité se perdent, dans un chaos statistique : hommes, machines, systèmes, peurs et envies se transforment en données. Il devient ainsi conceptuellement impossible pour les gouvernants de faire la part entre l’essentiel et le futile, le tactique et le stratégique, l’action et la communication, le résultat et l’intention. Au point que les hommes au pouvoir croient dur comme fer qu’ils gouvernent…

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