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Billet de blog 30 juin 2015

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Triste surréalisme, ou le spleen d’être gouverné par des bouffons.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Qu’ils aillent au diable » s’est écrié Helmut Schmidt  en apprenant que cette ribambelle de dirigeants européens était en train de perdre la Grèce. C’est donc cela l’Europe ?  Une sorte de banque vorace qui ordonne de payer sinon elle saisit ?  C’est celui-là le niveau des eurocrates - bien au dessous du caniveau intellectuel commun -, qui voudraient régir les destinées d’un continent et, FMI aidant, du reste de l’œcoumène ?  Où donc est passé l’esprit démocratique à Paris ou à Berlin ? Il s’est transformé en bouffonnerie sordide dans la bouche de la patronne du FMI, qui déclarait hier à la BBC que le referendum grec était illégal. Certes les propositions du FMI avaient la forme d’un ultimatum, mais, tout compte fait, elles n’étaient pas définitives, et donc s’y prononcer n’a pas de sens raconte-t-elle. Quand au comptable qui dirige Eurogroup il invente un nouveau concept de gouvernance : « exclure un membre de cette instance (en l’occurrence la ministre grec des finances) est légal, puisque celui-ci est une structure informelle. Si l’on a bien saisi, les peuples européens sont gouvernés par un machin informel qui impose sans pour autant  prendre la responsabilité de ses choix.  Le grand patron, le maître à penser de la blanchisserie luxembourgeoise fait le choix de fabuler : les proposition des institutions déclare-t-il ne comportent aucunement des baisses de retraites et de salaires.  « C’est faux » déclare son second. En voilà un qui assume ses choix. C’est si rare qu’il faut le souligner. 

En fait, nos dirigeants n’arrivent toujours pas à assumer. Ils ont peur des mots  et préfèrent l’usage d’une non  langue, un code interne qui corrompt et travestit à souhait ce qu’ils sont entrain de faire. « Bonne voie » signifie reddition. « Progrès » signifie baisse des retraites et des salaires, augmentation de la TVA, privatisations. Et voici que les grecs emploient les mots pour ce qu’ils signifient. Faute impardonnable, crime de lèse majesté, scandale. Donc, l’annonce du referendum « est  une  triste nouvelle » et les « européens » - lire la nomenclature gouvernant et ses sbires -, « se sent trahie par la Grèce ». On croirait entendre un capo di capi, qui, avec un geste nonchalant, indique de la sorte qu’il faut éliminer un de ses subalternes. 

Cette chose, aussi molle que vindicative - à l’instar de l’exécutif français qui insiste à interpréter les termes du referendum à sa manière et pas pour ce qu’ils expriment -, désire en finir avec le sens des mots. Elle désire pouvoir se tromper sans en payer le prix. Désire en finir avec la vox populi, avec l’Etat de droit, avec l’imposition des riches, avec la complexité européenne, avec la géopolitique, avec la réalité. Elle désire un monde flou, qu’elle observe sans agir, un monde sans politique où ses erreurs ne s’appellent pas Afghanistan, Syrie, Libye, Mali, et où les conséquences de ses erreurs  qui, tels les centaines de milliers de migrants fuyant son action, excessive un jour, inexistante le lendemain, descend comme un deus ex maquina de nulle part sur leur scène de café théâtre.  

L’exotisme a du bon : chemin faisant, l’erreur se déconnecte de ses effets. Mais la Grèce est au cœur de l’Europe, si ce n’est plus son cœur, et pour une fois les irresponsables professionnels vont payer la note. 

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