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Billet de blog 30 août 2019

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Consommation, inégalité, conformisme

Le peintre qui fait notre portrait ne montre pas notre squelette Guy de Maupassant

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les principes fondateurs de notre république ne sont plus présents que sur les frontons de nos écoles. Les générations contemporaines, à commencer par les plus récentes, sont prises entre la Charybde des réseaux sociaux qui subliment les mille facettes de la même chose sur des supports aussi incontrôlables que mercantiles et la Sylla de la pub, que celle-ci concerne des objets, des services, des projets politiques, ou des restrictions vendues comme des facilités par une cité à la dérive qui ne sait plus expliquer mais uniquement communiquer, comme le fait trivialement le commercial dont le travail consiste à vendre, peu importe le produit. Comme un métronome infernal Charybde et Sylla écrasent systématiquement toute aventure sociale ou intellectuelle qui chercherait du sens, des explications, des réponses. Ce tandem offre à la place, pour amuser la galerie et perpétuer le mythe d’une société permissive mais régulée des morales, des mémoires, des nostalgies, des modes au choix, auxquelles il faut à chaque fois se soumettre afin d’éviter l’excommunication des communautés multiples détentrices de dogmes éphémères et d’un pouvoir aussi moralisateur que corrompu. Corrompu par un dogme inégalitaire qui impose la travestissement de l’évidence ou son interprétation intéressée déguisé en évidence. Le tout enrôlé dans un conformisme baptisé individualisme. « Ce qu’il faut déplorer » écrivait Castoriadis en 1996, « c’est qu’il a des écrivains et des idéologues pour parler de l’époque contemporaine comme d’une époque d’individualisme alors que précisément ce qu’il faut déplorer c’est la disparition des individus véritables devant cette espèce de conformisme généralisé ». « Le désert avance » prévenait-il, comme les dunes au Sahel, enlaçant puis tuant toute végétation.

Les réalités divergentes privatisées qui se choquent remplacent le réel. Quand le premier ministre déclare qu’aucun lien n’existe entre la mort d’un jeune homme et une charge de police, il indique que dans sa réalité toute action des forces de l’ordre est, par définition, irréprochable : c’est ma réalité et je la partage… Cela semble presque futile, surtout en fonction des certitudes et des énoncés travestissant les mots. Eux non plus n’ont plus d’autre fonction que de souligner l’incommunication entre les faits et leur interprétation.

Il faut donc de l’abnégation, pour pointer l’évidence, le hiatus entre les dits et les faits, entre les énoncés et leur mise en pratique par ces Ubu démolisseurs de la parole et de son remplacement par de formules toutes faites et répétées jusqu’à l’écœurement remplaçant les dictats d’avant. Il faut une témérité frisant l’inconscience pour voir le monde tel qu’il est dans sa médiocrité intellectuelle, il faut du courage pour se risquer dans le constat déprimant, que nos élites, à force de sacrifier l’intelligence de leurs peuples pour les avoir en main, finissent par saborder la leur. On préfère alors d’observer les lapsus des uns et des autres, à comptabiliser leurs gaffes, à mesurer leur incompétence plutôt que de se dire que cet appauvrissement volontaire permet à ce que des médiocres deviennent les meilleurs et que les lucides soient ostracisés comme dangereux pour ce décor dégradé. Il faut cependant affronter cette mise en scène, le décor institutionnel de cette marre nauséabonde, vestige d’un océan féroce que furent un jour les peuples. Ceux-ci ont besoin, avant tout, d’oxygène, d’air frais, de contestation vivifiante, alimentés par une citoyenneté active…

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