CA FAIT REFLECHIR
Récemment, j’ai vu sur Facebook une information portant sur une enquête faite par un organisme international, Madagascar vient de faire une marche arrière en atteignant la seconde position des pays les plus pauvres et le plus arriéré dans le monde en matière de développement. La critique suivante se fait toujours entendre quand on parle de cette situation : «Les Malgaches esquivent leur responsabilité et ils accusent toujours la France d’être la source de leurs malheurs ». Etant Malgache, j’admets que cette critique est en partie fondée, toutefois quelques faits incitent à la réflexion, des faits qui ont eu lieu depuis (j’évite de parler des périodes précédentes) l’indépendance.
Il est indéniable que les Malgaches sont responsables de la mauvaise situation dans laquelle nous vivons maintenant car on se complait à la vivre, on a participé à sa naissance et nous avons élu des idiots et des imbéciles pour gouverner notre pays. Nous, les Malgaches, avons à peine le courage de dénoncer les injustices qui se manifestent dans notre vie quotidienne. Un autre problème est le manque de solidarité entre nous; les Malgaches ont hérité par son histoire de diverses vagues de migration venant de diverses régions du monde mais ils sont incapables de transformer cela en une force dynamique. Au contraire, les différences des origines les emprisonnent dans l’habitude de discriminer leur voisin. Tribalisme, régionalisme et clanisme sont souvent les armes des politiciens pour se mettre au pouvoir ou corroborer leurs postes au sein de l’administration. Si nous n’avançons pas, nous sommes dans une certaine mesure coupables et, de ce fait, nous n’avons pas le droit de blâmer les autres.
Cependant, jusqu’où va la validité de ce constat ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une apparence extérieure qui cache le nœud du problème ? Ne serait-il pas nécessaire de jeter un coup d’œil aux autres aspects de cette situation ? Bon nombre de questions méritent réponses pour éviter de s’auto-culpabiliser car c’est de cela justement qu’apparemment, on nous fait sentir.
Pourquoi cette économie actuelle et ce système financier ?
Nous avons essayé de sortir de la Zone franc en 1973 pour créer notre propre Banque Centrale mais elle n’a même pas le droit d’imprimer des billets de banque sans l’autorisation préalable de certaines institutions financières internationales.
Dans les années 1990, le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale nous ont obligés à privatiser toutes les entreprises d’Etat. Toutes les banques sont transférées (sans aucune forme de compensation financière) aux banques françaises. Plus tard, les dévaluations de la monnaie locale Ariary se suivent les unes les autres et notre gouvernement a décidé de faire flotter la valeur de l’Ariary au profit du Marché Interbancaire de Devises (MID). Les banques locales (qui sont en fait françaises) définissent donc à tout instant la valeur de l’Ariary comparée à celle de l’Euro et du dollar américain. Pendant la première république, 1 franc Malgache équivalait à 1 franc français. Mais par exemple, ce 13 Décembre 2020, 1 Euro équivaut à 4.523,68 Ariary. Une terrible chute dans l’abime !
Sur un autre plan, la quasi-totalité de nos entreprises stratégiques se trouvent entre les mains des firmes françaises. Les pétroliers français règnent ici et jouent au théâtre en régulant les prix du carburant.
De l’autre côté, même si on répète toujours que Madagascar est un pays indépendant et qu’il a le droit de décider, la Banque Mondiale ainsi que le Fond Monétaire International dictent ses « conditionnalités » aux gouvernements qui se sont succédés et au moindre non-respect de celles-ci, ces institutions « ferment le robinet ». Les dites conditionnalités étaient élaborées en aval à partir des modèles de développement économique né du cerveau des membres de cabinet d’autres continents.
De l’élection
Même dans un pays puissant comme les Etats-Unis, il apparait maintenant que le peuple ne décide pas dans le choix de ses dirigeants mais un autre groupe d’hommes le fait à sa place. La même situation se vit aussi à Madagascar. L’opinion publique est manipulée, la France a toujours décidé qui sied le mieux pour diriger Madagascar et de plus, elle n’hésite pas à remercier celui qui menace les intérêts de la France et des entreprises françaises à Madagascar. Et tous les opposants au régime en place ont le droit de résider en France et conspirent de là-bas afin de renverser le pouvoir en place contesté En dépit des assertions faites par l’actuel Président français Macron au sujet de la relation entre l’Afrique et la France, le mythe de la Françafrique persiste. D’autant plus que, maintenant, la France craint l’immixtion des pays comme la Chine et la Russie dans l’investissement à Madagascar. Dans les coulisses de la haute politique, on entend effectivement qu’un nominé ministre ou ambassadeur doive avoir l’aval de la France s’il/elle veut rester plus longtemps dans son poste. Il n’est pas étonnant que la plupart de nos Chefs d’Etat et certaines personnalités du pays soient issus des familles qui ont la double nationalité.
Détruire l’éducation
Lorsque Didier Ratsiraka décida de malgachiser la langue d’enseignement en 1976, il l’avait fait à demi-mesure sous les bombardements des critiques des personnes opposées à la malgachisation. Celle-ci était condamnée et c’était le fiasco, le régime suivant se hâtait de revenir au tout en français et les coopérants français en matière d’éducation accoururent vite pour nous assister. Actuellement, on manque d’argent pour former et recruter des enseignants professionnels, c’est la raison pour laquelle le gouvernement demande l’aide des parents d’élèves, ces derniers contribuent au paiement d’une partie du salaire des enseignants provisoires qui sont recrutés localement. Leur qualité professionnelle est à mettre en doute. Et dire qu’ils constituent les 70% de nos enseignants ! L’éducation et l’enseignement à Madagascar commencent à s’écrouler alors que les enfants de nos dirigeants actuels et ceux de nos futurs décideurs sont envoyés dans les plus prestigieux établissements locaux ou simplement fréquentent les écoles en France ou dans d’autres pays. En outre, le système éducatif ne correspond plus aux besoins de notre époque, il prépare nos jeunes à être des futurs serviteurs dans des firmes (étrangères) et ne les aide nullement à créer leurs propres entreprises. Il nous manque cruellement aussi les filières techniques et technologiques et il est impossible d’espérer que la France favorise un quelconque transfert de technologie pour les Malgaches.
De tout ceci donc, j’ai le droit de penser que Madagascar se trouve encore sous les ongles et le joug d’une grande nation/de certaines grandes nations. D’autres pays comme l’Iran ou le Venezuela ont essayé de se battre pour sortir de cette situation mais nous tous savons maintenant quelles pressions ils doivent constamment subir. Nous sommes toujours régis par des « extraterrestres » --- complices ou marionnettes d’une puissance étrangère/de puissances étrangères --- qui dupent le peuple pour sucer nos richesses, voire notre âme et notre esprit. Nos intellectuels ne sont-ils pas capables d’agir pour changer la situation actuelle ? C’est en effet vrai, car ce ne sont pas les simples citoyens (dont la plupart sont analphabètes) qui pourraient changer quoi que ce soit. Malheureusement, nos intellectuels ont aussi étudié en France ou ont été formés dans d’autres pays évolués. Je n’attends d’eux que très peu de choses. Entre temps, notre pays part à la dérive et bientôt va se noyer jusqu’au moment où il atteindra le premier rang des pays les plus pauvres du monde.
Henriel