Guy Gilles (à droite) avec son frère Luc Bernard (à gauche).
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La 31e édition du festival « Cinéma du réel » présente avec la collaboration de l’INA « La Télévision à l’avant poste » qui nous offre une occasion – trop rare – de voir la production d’un cinéaste « trop tôt disparu » Guy Gilles (1938-1996). C’est l’occasion de découvrir un chef d’œuvre « Vie retrouvée ». A ne pas manquer le dimanche 15 mars.
Guy Gilles est au cinéma des années 60/70, le positif dont Jean-Luc Godard serait le négatif. Là où le Godard de cette époque boxait le spectateur, Guy Gilles le caressait, non dans le sens du poil, mais à fleur de peau. Dans une époque militante, rouge et noir, sa touche romantique, poétique, son obsession proustienne du temps était à contretemps. Il réalisa pas moins de dix longs métrages.
Son importante production pour la télévision prend donc toute sa valeur, et il faut féliciter le festival « Cinéma du Réel » pour l’excellente idée de programmer avec l’INA deux reportages courts et deux longs de 51’.
Grâce à la confiance de Roger Stéphane et l’inimaginable liberté qui régna dans son émission "Pour le plaisir" Guy Gilles tourne « Ciné Bijou » un court-métrage, un reportage, un « ciné-reportage » sur la mort des cinémas de quartiers parisiens. Vieilles affiches, enseignes détruites, halls d’entrée défraîchis sont filmés avec l’immense amour qu’avait Guy Gilles pour le cinéma, ses femmes, ses hommes et ses lieux.
Dès son enfance, à Alger, avec son cousin Jean-Pierre Stora compositeur de la plupart de ses musiques de film, il fait la chasse aux autographes des artistes qui passent par la capitale de l’Algérie française. « Ciné Bijou » correspond exactement à son titre.
Autre « court », « Le partant » est tourné pour la mythique émission de Daisy de Galard "Dim Dam Dom". Ce court-métrage rêveur, cette dérive poétique est un résumé de la méthode et des thèmes du réalisateur. On y retrouve l’esprit qui donnera lieu à l’un de ses meilleurs long-métrages « Clair de Terre » et les thèmes musicaux qui y seront développés par Jean-Pierre Stora.
« La loterie de la vie » qui sera distribuée en salle en 1982 est un 51’ sur Mexico, réalisé en parallèle avec un tournage de François Reichenbach dont Guy Gilles sera longtemps l’assistant. Profitant du matériel que lui prête Reichenbach, il film une jeune femme nommée Lupe qui appuie à longueur de journée sur les boutons de l’ascenseur de l’hôtel Balmer où séjourne l’équipe. Le titre est offert par une pléiade d’enfants vendeurs de billets de loteries et est aussi une rêverie sur ce que l’on peut attendre de la vie. Monter ? Descendre ?
Mais la perle de cette sélection est la « Vie retrouvée » de la collection « Choses vues » de Roger Stéphane et Roland Darbois, un « film-reportage » de 51’ tourné en 1969, il y a quarante ans. Après « Festivals 1966 Cinémas 1967 », une enquête-vagabondage autour des festivals d'Hyères et Cannes qui est son premier documentaire, Guy Gilles va avec la « Vie retrouvée » poser les bases d’un style où le reportage flirte avec l’imaginaire.
Avec Jean Riesser Nadal, Guy Gilles part à la recherche proustienne des amours d’une Germaine, infirmière et d’un Robert capitaine au long cours. 57 lettres du capitaine, quelques cartes postales trouvées dans une maison abandonnée sont l’occasion d’une enquête minutieuse pour faire revivre un amour des années de la première guerre mondiale. Du village de Naves en Ardèche au Havre, en passant par la gare Saint-Lazare, on suit comme dans un feuilleton l’évolution de la relation des amants sans que nous puissions savoir ni le son de leurs voix, ni la couleur de leurs yeux. Pourtant ils vivent 51 minutes pour notre bonheur.
Un réalisateur, un cinéaste qui est aussi un peintre comme on peut le voir sur le magnifique site qui lui est consacré et, surtout, un photographe. Ce qui est frappant dans les quatre films, comme dans les autres œuvres de Guy Gilles, c’est l’extrême qualité de sa photographie. Cadreur mais aussi joueur d’ombres et de lumières Guy Gilles photographie les êtres avec une délicatesse égale aux maitres de la photographie humaniste de son époque.
6 mars 2009
Lire un précédent billet:
Guy Gilles et le temps désaccordé
A ne pas manquer :
Festival Cinéma du réelDimanche 15 mars 2009 à 15h45 au MK2 Beaubourg
http://www.cinereel.org/rubrique357.html
DVD Guy Gilles
2 disques des long-métrages
+ un court-métrage de Gaël Lépingle sur « Guy Gilles photographe »
+ un 52’ « Lettre à mon frère trop tôt disparu » par son frère le journaliste Luc Bernard
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