En juillet 2008, France Telecom annonçait pour mars 2009 la fin du 3611, l’annuaire électronique, signant ainsi l’arrêt de mort du Minitel. Coup de théâtre en ce mois de février 2009, à une date bien choisie, le 11 : les groupes Pages jaunes et France Telecom annoncent un accord pour poursuivre l’exploitation de l’ancêtre des services en ligne. Explications.

« En 2008, le 3611 a encore enregistré plus de 19 millions de connexions, dont 1,2 million en décembre » a déclaré à l’AFP Michel Datchary, directeur général de Pages Jaunes, régie publicitaire du 3611 ce que confirme, à notre consoeur Delphine Cuny de La Tribune, Guy Cronimus, responsable des services Kiosques de France Telecom. Ce dernier précise que le réseau vidéotex continuera d’exister « jusqu'à la fin de vie des Minitel ».
La mort du Minitel ce n’est pas demain la veille !
Le Minitel, prévu à l’origine pour avoir une durée de vie de 8 ans, se révèle être en fait un outil « increvable » : très peu de pannes matérielles ont été constatées depuis 1982 année des premiers mis en service. Outre sa fiabilité, il ne connaît ni retard à l’allumage - il est instantané contrairement aux ordinateurs - ni problème de réseau. Ceci explique qu’un million et demi de ces curieuses machines « so frenchy » sont encore en service dans les foyers français. « Les utilisateurs du Minitel, plus âgés que la moyenne, ne se mettent pas à Internet et ne vont peut-être jamais s’y mettre» constate M. Datchary bien placé comme patron des Pages Jaunes pour expertiser l’utilisation.
Et c’est d’ailleurs un article de www.miroirsocial.com de janvier dernier qui a jeté le trouble dans les rangs de l’opérateur historique. Sous le titre « Il faut le sauver le 3611 » on peut lire : « En effet, qu’on le déplore ou pas, la « fracture numérique » existe. Avec ou sans ADSL, de nombreux Français n’accéderont jamais à l’Internet. Se connecter à Internet, c’est en effet devoir acheter un matériel, des logiciels et des anti-virus rapidement périmés, et se lancer dans un apprentissage pas toujours évident.»
Fracture et facture numériques
« C’est la raison pour laquelle ne seront pas reliés à Internet ceux qui n’en n’ont pas les moyens financiers, ou pas le niveau nécessaire, ou simplement nulle envie de se livrer aux soucis d’une activité trop gourmande en temps, comme l’avouait récemment à la télévision l’académicien Jean d’Ormesson. C’est le cas de bien de retraités, et de petits commerçants, artisans ou agriculteurs. C’est fréquemment le cas dans les campagnes, éloignées des services d’assistance, et de plus sujettes aux aléas de la distribution électrique rurale, qui imposent en plus la présence d’un onduleur pour alimenter un ordinateur… » (Source)
A notre époque où la crise économique succède à la vague d’ultra-libéralisme qui à jeté depuis plus de vingt ans les télécoms européennes dans les aléas des souhaits de l’actionnariat privé, on se doute que ce n’est pas uniquement de telles considérations qui nous valent l’historique revirement des groupes Pages Jaunes et France Telecom-Orange !
Il y a également une histoire de gros sous.
La décision de l’arrêt de l’annuaire électronique, en juillet 2008, était motivée non par l’évidente baisse des connexions miniteliennes, mais par le ratio financier entre ce que rapporte le Minitel au groupe France Telecom Orange et, ce qu’il lui coûte.
D’un coté dans la colonne actifs il reste le chiffre d’affaires généré par 10 millions de connexions mensuelles – excusez du peu – sur 4000 services gérés par des éditeurs privés. Beaucoup de services professionnels se plait on à souligner chez l’opérateur et un pourcentage non négligeable mais « top secret » de royalties toujours apportées par les fameuses messageries roses.
Il n’y a pourtant aucune honte quand on connaît les difficultés à trouver une bonne épouse dans nos campagnes. N’oublions pas non plus les urbains qui n’ont guère confiance dans « l’anonymat » d’une utilisation de l’Internet rose en raisons des traces en ligne, mais aussi de celles laissées dans un ordinateur familial mieux maitrisé par les enfants que par les parents.
Dans la colonne actifs, il y a également une quantité non négligeable d’applications professionnelles très sérieuses qui fonctionnent parfaitement sur le réseau vidéotex, qui sont accessibles soit sur un terminal Minitel, soit sur un ordinateur via les navigateurs web du marché ou des émulateurs spécifiques. Ça marche très bien ainsi, pourquoi dépenser de l’argent pour faire autrement ? Et puis, un Minitel ça résiste à tout les environnements d’ateliers, un PC….
Au passif, l’arrêt de l’annuaire signait également la mort du terminal, et le retour dans les boutiques France Telecom devenues Orange de centaines de milliers de machines dont beaucoup en location… Doubles pertes en vue : gérer ses « déchets informatiques » et perte de recettes des locations.
Enfin, il faut se rappeler qu’a la suite de la privatisation de France Telecom, l’annuaire électronique a été confié à l’entité Pages Jaunes, devenu ensuite un groupe indépendant qui facture au Groupe France Telecom-Orange ses services d’hébergement du 3611 pour une somme annuelle de six millions d’euros. Ce coût fut jugé l’an passé excessif par la direction de France Telecom entrainant la décision d’arrêt.
L’habile re-négociation de cet accord, permet la poursuite de l’exploitation du 3611, mais également de l’ensemble du réseau vidéotex anciennement appelé réseau Télétel. Ils fêtent ainsi dignement l’anniversaire de cette extraordinaire aventure encore et toujours si méconnue et donc toujours injustement dévalorisée !
Pourtant quand on parle du Minitel, c'est de trente ans de succès qu'il s’agit ! C’est en effet le 6 décembre 1978 que le conseil des ministres prenait la décision de créer une expérimentation de services en lgine à Velizy, baptisée Teletel et de lancer l’annuaire électronique à St-Malo.., .
Une vraie sucess story française !
Michel Puech
11 février 2009