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Billet de blog 20 janvier 2011

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A Paris, « Peurs sur la ville »

Du 20 janvier au 17 avril 2011, se tient à la Monnaie de Paris, quai Conti, une étrange exposition sous-titrée « Violences urbaines à Paris, photographies historiques, réelles et imaginaires » avec un pamphlet photographique de Patrick Chauvel.

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Du 20 janvier au 17 avril 2011, se tient à la Monnaie de Paris, quai Conti, une étrange exposition sous-titrée « Violences urbaines à Paris, photographies historiques, réelles et imaginaires » avec un pamphlet photographique de Patrick Chauvel.

Ames sensibles s’abstenir !

L’exposition organisée avec le concours de l’hebdomadaire « Paris Match », la jeune « Galerie Particulière » et « La Galerie Photo 12 » de Valérie-Anne Giscard d’Estaing est placée sous la direction de l’historien Max Gallo qui n’y va pas par quatre chemins avec un texte introductif titré : « Paris est un champ de bataille ».

Sous les lambris d’une bâtisse néoclassique du XVIIIème, l’exposition est en fait constituée de trois parties. La première, en ouverture, offre quelques dizaines de photographies de presse montrant des scènes particulièrement violentes de la rue parisienne.

Le choc des photos

Des barricades de la Libération de Paris aux attentats des années 80, en passant par les récentes émeutes de banlieue, le visiteur a le fameux « choc des photos » qui fait, depuis plus de soixante ans, le succès de l’hebdomadaire Paris Match. Des manifestations contre la guerre d’Algérie et de protestation contre les attentats de l'OAS, aux attentats liés à la guerre israélo-palestinienne, qui sert l'horreur aux médias depuis plus de soixante ans, il y a beaucoup, beaucoup de sang, beaucoup, beaucoup, de blessés, beaucoup, beaucoup de violence et de douleurs.

C’est la réalité, hélas, on le sait. Les évènements en Tunisie sont là pour le confirmer. La mort de Lucas Dolega, photographe de presse de l'agence EPA nous dit le poids du choc. Chaque jour, l’histoire s'écrit dans le sang à Haïti, à Kaboul, à Tunis, partout...

« Paris brûle encore, déjà » écrit l’académicien Max Gallo.

- (ndla: Entre nous, chers lectrice et lecteur, j’avoue avoir eu une fulgurante pensée pour tous ces festivaliers de « Visa pour l’image » qui, chaque année, se plaignent de voir trop de sang, que ceux-là ne s'aventurent pas quai Conti, tandis que je le recommande au citoyen lambda, et à vous en particulier.) -

Après le choc des photos, le poids des maux


Ce n’est donc pas le sang sur les murs de l’hôtel de Conti qui m’a gêné; mais, une certaine légèreté des légendes. On a envie de s’écrier « c’est un peu court jeune homme ! ». Contrairement à une consoeur de « L’arche », le magazine mensuel du judaïsme français, qui ergotait sur le fait de savoir si telle ville libanaise avait été totalement ou partiellement totalement détruite par les forces armées israéliennes - (ndla: mais est-il encore possible de parler d’Israël sans être envoyé au diable ? -) j’eusse aimé un peu plus d’explications, une mise en perspective pour paraphraser Albert Camus ou Philippe Viannay. Peut-être pourrait-on, à l'avenir, s’inspirer du remarquable travail de « légendage » de David Goldblatt à la Fondation Henri Cartier-Bresson. (Lire Bernard Perrine dans La Lettre de la Photographie).

Autre poids: toutes les photographies de l’exposition Paris Match sont signées « Archives Paris Match », avec tantôt le nom du photographe, tantôt rien du tout, pas un mot, pas même un de ces fameux DR (droits réservés), dans certain cas, ici, tout a fait justifié et, pour le coup, respectueux du droit de l'auteur et de l'originalité de l'oeuvre, comme on dit en droit.

En tout cas, jamais ne figure un nom d'agence de presse diffusant les dits photographes, fussent-ils DR. C'est peu confraternel de la part de Paris Match. Un brin méprisant. Une des parts d'ombre d'un grand journal, la faute de goût dans le style. Sans le travail des agences de presse photo, les pages de l’hebdomadaire du jeudi, comme celle des magazines des vendredi, samedi, dimanche, ne seraient pas toujours aussi bien garnies.

A décharge : si on voit Royant à Perpignan, on ne voit jamais Arnaud à Arles, Angers, Lille, Metz, Vendôme, Perpignan ou Saint-Malo. - Y'a pas que Roland Garros dans la vie ! - Le photojournalisme a besoin de savoir si le proverbe gascon - Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi - est de la bonne monnaie.

Et puis merde ! A la fin, il faut dire à Arnaud Lagardère qu'un photojournaliste, ce n'est pas des balles de tennis qu'il reçoit dans l'oeil !

Et, encore : qu'envoyer sur des zones de guerre, des femmes et des hommes, avec des "assigments, des "guaranties" de moins de 5000 euros, c'est scandaleux ! Proposez donc ça à Richard Gasquet qu'on rit un peu ! (ndla: fin du coup de sang)

Google streets views art


Dans une petite salle attenante quelques œuvres de l’artiste Michael Wolf. Je n’ose parler de photographie pour ce travail inspiré largement par de véritables photographies de Willy Ronis et de Robert Doisneau (Il ne s'agit pas de celles représentées ici). Etonnant de la part d’un homme qui avant de devenir artiste - c’est à la mode en ce moment chez les photographes - a quand même été un photojournaliste.

Depuis il connait une certaine notoriété et a fait quelques belles ventes en collectionnant des images étonnantes extraites de « Google street view »… J’avoue que sa série « Paris street view » m’avait amusé. Là, je suis resté de marbre.

Un pamphlet photographique

Enfin, au fond du couloir principal de l’exposition, on débouche sur l’ébranlante coopération de Patrick Chauvel et Paul Biota : « Guerre ici ».

Les heureux veinards de Bayeux et de ses environs avaient déjà vu ces photo-montages au « Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre» (2009). Et je fus d'accord avec ses experts pour convenir que la présence, à côté de ces oeuvres, de la photographie originale n'apportait rien, et au contraire, enlevait de la force au choc visuel. Détail.

« Guerre ici » c’est autre chose ! On n’est plus devant un tripatouillage de photos copiées sur Internet, ni sur un trucage, un mensonge « photoshopien » mais devant un pamphlet artistique et photographique.

Patrick Chauvel, dont la réputation de « rapporteur de guerre » n’est plus à faire, - il « couvre » les conflits depuis quarante ans - a trouvé le moyen de ne pas étouffer son éternelle colère contre la violence, mais de la transformer en un esthétique essai. Inévitablement me vient le travail d'un Evgeni Khaldei.

Patrick Chauvel met en scène un Paris en guerre, totalement imaginaire, sur la base de ses propres photos de la réalité.

« Un jour,je traversais les Champs-Elysées, j’ai vu un couple courir pour éviter les voitures qui fonçaient sur lui, exactement comme je l’ai vu faire par des couples au Liban ou en Tchétchénie, l’attitude était semblable. Et, ça m’a donné l’idée de mettre en garde, de choquer. Montrer que l’état de paix, dans ce monde, est anormal. La paix est un combat de tous les jours. C’est ce que j’ai voulu rappeler. » Indignons-nous !

Pour ces images étonnantes de Patrick Chauvel, pour les documents historiques que nous montre Paris Match, pour l'humour de Michael Wolf, il faut aller à la Monnaie de Paris ! On y est gagnant.

Etrange exposition disais-je… Etrange lieu, également, de voir des photographes exposés là où l’on bat monnaie, tandis que le photojournalisme en manque tellement.


Michel Puech
Issy-les-Moulineaux le 19 janvier 2011

Exposition

MONNAIE DE PARIS
11, quai de Conti
75006 PARIS
www.monnaiedeparis.fr

Horaires
Tous les jours de11h à 18h, sauf le lundi

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Ma contribution à l'exposition

« La mort du concierge portugais »

Vendredi 3 octobre 1980, soir du shabbat, rue Copernic

Il était 18h30, ce jour là, dans les beaux quartiers de Paris, rue Copernic. Trois cent personnes assistaient à l'office religieux de la synagogue, et deux photographes se dirigeaient vers un restaurant, Pierre Perrin de la Compagnie des reporters et Gérard Rancinan de l'agence Sygma. La bombe a explosé. Pierre Perrin a fait cette première image où se lisent l'horreur et la stupéfaction. Elle sera publiée dans Paris Match.

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« A l’œil » s'intéresse essentiellement au photojournalisme, à la photographie comme au journalisme, et à la presse en général. Il est tenu par Michel Puech, journaliste honoraire (carte de presse n°29349) avec la collaboration de Geneviève Delalot, et celle de nombreux photographes, journalistes, iconographes et documentalistes. Qu'ils soient ici tous remerciés. Tous les textes et toutes les photographies ou illustrations sont soumis à la législation française, en particulier, pour les droits d'auteur. Aucune reproduction même partielle n'est autorisée hormis le droit de citation.

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