
Jeudi 18 décembre dernier, alors que l’assemblée de Corse ouvre sa dernière séance de l’année, Jean-Martin Mondolini, du groupe UMP, s’empare du micro pour un « rappel au règlement » enjoignant l’Assemblée à la solidarité face aux « affabulations calomnieuses d’un obscur organe de presse au contenu sulfureux et racoleur ».
L’obscur organe de presse est Amnistia.net, site d’une société de presse, et les « affabulations calomnieuses » une enquête mettant en cause les Présidents de l'exécutif, de l'Assemblée et de l'Office de l'environnement de la Corse à propos de l’évolution de statuts de terrains familiaux dans le cadre du projet Plan d’Aménagement et de Développement Durable de la Corse (PADDUC) visant entre autre, l’avenir du littoral de l’ile de Beauté. Une enquête proprement inopportune et au résultat insupportable pour ces « patrons » de l’ile.
« Parce que nous sommes tous élus dans la même enceinte, parce que nous sommes tous des pairs, je comprends encore moins qu'on mette en balance la parole d'Ange Santini et celle d'un illustre inconnu qui s'appelle Enrico Porsia » s’est entre autre exclamé le Président Ange Santini du Conseil exécutif de Corse à la tribune de l’Assemblée.
Nationale ou de Corse, les élus assemblés vivent d’étonnantes séances de nuit! N’est-ce point dans ces moments là qu’on bannit, qu’on exclut, qu’on condamne sans vote.
Lire vendredi matin 19 décembre le compte rendu de Corse Matin titré « L’offensive des élus contre la « calomnie » des anti-PADDUC », écouter les « Débats houleux cette nuit à l'assemblée de Corse », dans le journal radiophonique de Frequenza Mora (Groupe Radio France) et, surtout ne pas manquer le sujet du JT de Corsica Sera (Groupe France Télévision) procure une curieuse impression au citoyen lambda.
Pour qui lit le dossier d’Enrico Porsia publié par Amnistia.net, il est difficile de voir des « affabulations calomnieuses » dans cette collection de faits, résultat d’une enquête journalistique scrupuleuse, menée visiblement, non dans le but de calomnier, mais tout bêtement si je puis dire, dans celui d’informer les lecteurs, les citoyens. Une enquête jugée suffisamment professionnelle pour que Libération, Bakchich.info ou France 2, entre autres, s’en fassent l’écho.
Les propos des élus résonnent, alors, curieusement. Qu’on en juge :
« Vous avez non seulement mon soutien » déclara Jean-Claude Guazzelli du groupe Corse active « mais j'affirme ici, qu’en plus je prends le pari même si je n'ai pas tous les éléments, dans la vie il faut prendre des paris, que tout ça en plus n'est même pas vrai. » . Et c’est déclaré sans rire vous pouvez le vérifier sur le site France 3.
François Dominici du groupe La Corse dans la République – PRG emboite le pas « Nous avons une position politique sur le PADDUC, nous la maintiendrons, mais nous voulions vous assurer publiquement de toute notre amitié et de notre confiance. »
Pourtant malgré les belles paroles, par l’un de ces tours de passe-passe pratiqués dans les assemblées, le « rappel au règlement », cette motion de confiance unanime souhaitée par Jean-Martin Mondolini (UMP) ne verra ni le jour, ni la nuit de cette session sans que l’on puisse attribuer cet échec, uniquement à l’influence politique de Jean-Guy Talamoni, d’Unione Nazionale Corsica Nazione qui jeta un froid en déclarant : « Il (ndlr : le Président Rocca Sera) est à la fois l'un des promoteurs du PADDUC en sa qualité de Président de l'Assemblée de Corse et promoteur immobilier ça nous paraît un mélange des genres particulièrement douteux » Avant, réaliste, d’ajouter « Il m'est totalement impossible à l'heure actuelle de qualifier de calomnies les propos qui ont été écrits par un journaliste s'agissant du président de l'exécutif. Je crois qu'il y a déjà une procédure judiciaire et elle permettra peut-être, je dis bien peut-être, d'y voir clair. »
« Ainsi jeudi 18 décembre, l’Assemblée de Corse a passé sa dernière session de l’année à parler…presse. » écrit Xavier Monnier de Backchich.info « Accusé de préparer le terrain à une bétonnisation du littoral, le PADDUC présente la particularité de rendre constructibles certains terrains d’élus corses. Notamment, Camille de Rocca Serra (Président de l’Assemblée), Ange Santini (Président de l’exécutif) et Jérôme Polvérini. Oh hasard, tous trois élus UMP, comme Mondoloni…/.. Autant d’informations reprises dans Bakchich, et évoquées dans Libé et sur France 2. Mais seul Amnistia se trouve en cause…/..
Quant à la presse régionale du matin, elle s’est aimablement gargarisée des suites judiciaires de l’affaire. Et a relayé l’information selon laquelle Rocca Serra a porté plainte contre Amnistia. Las, la seule plainte liée à l’affaire du PADDUC a été déposée le 12 décembre…par Enrico Porsia. Pour diffamation et à l’encontre de Radio Corse Frequenza Mora et de Joseph Guy Poletti, directeur du mensuel Corsica, qui l’avait accusé à l’antenne, entre autres joyeusetés, de délation… »
Amnistia.net n’est pas décidée à se laisser faire. Enrico Porsia résume la situation :
« Nous sommes prêts à assumer nos informations devant la justice.
Nous attendons l'huissier de pied ferme. Notre offre de preuve patiente depuis le mois de septembre dans le cabinet de notre avocat, Maître Bernard Jouanneau. Nous sommes prêts. Prêts à assumer la qualité de nos informations devant nos lecteurs, comme devant la justice. En revanche, nous remarquons que nos détracteurs préfèrent agir sur un autre terrain. Ils désertent le terrain de l'argumentation, de la réfutation, pour préférer celui du dénigrement.
La manœuvre est la suivante: isoler et discréditer Amnistia.net. »
Une nouvelle affaire de presse qui ne peut laisser indifférents tous les citoyens et en premier lieu les journalistes..
Michel Puech
Billet précédent sur le sujet
http://www.mediapart.fr/club/blog/michel-puech/170908/du-journalisme-et-de-la-delation
Dossier dans Amnistia.net
Articles et forum
Radio Frequenza Mora journal du 19 dec
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-bleu/?nr=addea9e29286f41885151b953
France 3 Corse JT du 19 dec.
http://jt.france3.fr/regions/popup.php?id=b20a_1920&video_number=1