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Billet de blog 26 mars 2009

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« Paris Match » a 60 ans, salut Georges !

 .1967 - Le Général de Gaulle au Canada.1967. Photographie Georges Ménager/Paris Match  Un numéro spécial en kiosques, « e-Match » sur le Net pour tenter d’attirer un lectorat plus jeune, et un livre en forme de catalogue d’exposition pour honorer le travail des photojournalistes du plus prestigieux hebdomadaire illustré français. « Paris Match » a 60 ans et moi aussi! Flash back très « perso » 

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1967 - Le Général de Gaulle au Canada.1967.

Photographie Georges Ménager/Paris Match

Un numéro spécial en kiosques, « e-Match » sur le Net pour tenter d’attirer un lectorat plus jeune, et un livre en forme de catalogue d’exposition pour honorer le travail des photojournalistes du plus prestigieux hebdomadaire illustré français. « Paris Match » a 60 ans et moi aussi! Flash back très « perso »

J’ai 6 ans, « Match » en a 5.

Nous sommes en 1954. Mes parents et moi quittons le « Tout est bon », le bistrot familial à l’angle du passage Prado et du boulevard St Denis en plein Paris, pour un minuscule bureau de tabac, marchand de journaux à Troyes en Champagne. L’ancienne propriétaire se nomme Mme Lépinne et sa boutique à l’ombre d’un tailleur pour homme : « La grosse pipe » !C’est là, que je vais découvrir, avant que Roger Théron n’invente la célèbre formule le « poids des mots, le choc des photos ».

« La grosse pipe », bureau de tabac, marchand de journaux.

Copyright Collection Puech

Dans les années 50, la seconde guerre mondiale hante encore, tous les esprits : « encore un que les boches n’auront pas ! » dit-on à la table familiale après le déjeuner dominical, celui où l’on mange de la viande. La reconstruction à l’œuvre, les usines crachent des flots de fumée, comme les trains.Chaque matin, à 5 heures, été comme hiver, mon père descend du 6ème étage à la boutique pour plier les quotidiens en trois pans, puis encore en deux pour qu’ils puissent se glisser dans les poches des bleus de travail. A 6 heures moins le quart, il est à son poste, sur le trottoir, devant la boutique, pour distribuer à la volée, à la foule des ouvriers en bicyclette, les quotidiens régionaux du matin.Pour moi, qui ne l’ai vu que de rares fois, je crois voir le ravitaillement du Tour de France qui m’a fasciné aux actualités Pathé du cinéma de notre quartier. Les ouvriers paient à la semaine, ou à la quinzaine. Pas le temps de s’arrêter pour acheter le journal.

Les quotidiens parisiens n’arrivent qu’en fin de matinée, en général à temps pour que les « Messieurs », médecins, dentistes, avocats, journalistes, puissent les lire au déjeuner.Avec les quotidiens nationaux, sont livrés les hebdomadaires, les mensuels, les revues. Peu de titres, mais certains sont encore là. Celui qui se vend le mieux, celui que mon père met en pile à côté de la caisse, c’est « Paris Match » !

Le « réassort »

De 1954 à 1960, date à laquelle la famille émigrera de la froideur troyenne à la chaleur provençale, l’actualité ne va pas manquer. La guerre d’Indochine, la guerre à la misère de l’abbé Pierre, les « événements d’Algérie »… De 6 à 12 ans, je découvre comme tous les enfants le monde, mais mon temps est rythmé par l’école, et l’actualité. Au déjeuner, entre l’assiette du père et la mienne, il y a le transistor, dont l’antenne me protège parfois d’un punitif revers de main. Le « Radiola » est calé sur Europe 1. Europe 1, l’information libre, dynamique et « à chaud ». On ne dit pas encore « live ».

Une bande de héros gravit des sommets de « plus de 8000 », le sang coule en Algérie, Gaston Dominici est condamné à mort, Staline est accusé, les Hongrois se soulèvent, Spoutnik fait bip bip, De Gaulle revient, les militaires sont à Alger, le « quarteron » s’enfuit… Je ne vais pas vous faire la leçon d’histoire, elle est dans « Paris Match ».

Chaque fois que le monde tremble ou s’émeut, pour moi, le scénario est le même. Le père, jeune, excité par l’info et par la promesse des ventes s’exclame : « Il faut aller au réassort. Michel tu passeras au dépôt avant d’aller à l’école ! »

J’ignore comment est organisé aujourd’hui le réseau des NMPP, mais dans les années 50, la Presse nationale est livrée de Paris à Troyes par train à vapeur, et de la gare à un dépôt central : la « Maison de la Presse ». Il y en une à la Préfecture du département. Les propriétaires de ces dépôts répartissent ensuite en fonction des demandes des marchands - déclarées la semaine précédente - les exemplaires mis à la vente…Il est donc très urgent - en cas de coup de feu ou de mariage princier - de se manifester le plus tôt possible ; soit pour corriger la demande avant distribution, soit pour tenter d’obtenir quelques exemplaires de plus de « Paris Match ». Si la vente à commencé, c’est le « réassort ».

Plus de « Paris Match » !

On n’a plus idée de la ferveur populaire qui entourait la Presse, dont on doit préciser aujourd’hui qu’elle est « papier ». J’ai vu des drames dans les 15 m2 de « La grosse pipe ».Madame l’épouse du médecin de Mr le Maire, ou d’un gros chef d’entreprise de la bonneterie troyenne ne pouvait ab-so-lu-ment pas, ne pas avoir dans son salon « cosy » le numéro de « Paris Match » avec la collection de Dior.

Le rédacteur-en-chef d’un des trois quotidiens locaux – ils étaient tous les trois clients -devenait, brutalement, bougon et colérique. Et, si par malheur il s’agissait du « Paris Match » relatant la prise de La Havane par Castro, la catastrophe immédiate se doublait de la sourde inquiétude concernant l’approvisionnement en cigares.Les bénéfices de mes parents reposant sur la vente de ses articles, j’étais immédiatement envoyé en exploration pour dénicher, comme simple client, LE « Match » qui allait sauver la famille de la faillite !

Vingt ans plus tard, j’avais enfin fini par comprendre en grandissant, pourquoi les adultes riaient tant en regardant l’enseigne de la boutique de mon père ; j’étais devenu journaliste - à l’époque reporter à VSD - je racontais ces histoires à des confrères, en dégustant du caviar qu’ils avaient ramené d’Iran. Eux, ils étaient grands reporters et l’ambassade des USA était occupée par une bande de révolutionnaires dont certains deviendront islamistes. Ils faisaient sans cesse l’aller-retour Paris-Théhéran.

Il y avait autour de la table basse une joyeuse et chaleureuse assemblée, et nous étions chez « un gars de Match ». L’alcool et quelqu’autre spécialité orientale aidant, je confiais que de cette période enfantine, une photo vue dans « Match » m’obsédait : celle d’un homme étendu sur le trottoir baignant dans son sang. Le coup de feu. L’attentat. Une image que je n’oublierai jamais.

Alors notre hôte, un sympathique « rebelle truculent et plein d’humour », un de ces baroudeurs de « Match », un peu chic, un peu voyou, comme on dit, s’est levé, s’est dirigé vers sa bibliothèque. Il à sorti une photo et m’a dit : « c’est celle-là ? ». C’était la bonne. Il s’appelait Georges Ménager (1929-1994), et je voulais le saluer en ce jour anniversaire.

Michel Puech

26 mars 2009

Tous droits réservés

60 ans de Paris Match

Par Benoît Gysembergh

Éditions La Martinière

288 pages - 19,5 x 24,5 cm

28 €

À voir : Paris Match, la saga des unes

Documentaire - France 5

Diffusion : jeudi 26 mars 2009 à 16.30

Vidéo en ligne : http://videos.france5.fr/video/iLyROoafJ_9d.html

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