Du 17 au 25 novembre dernier, j'ai eu du bonheur à écouter les cinq entretiens entre le photographe Reza et le picture-éditeur Christian Caujolle, le plus intelligemment et modestement érudit de « nos » connaisseurs en photographie.

Hélas, pour une obscure raison, elles ne sont plus "en ligne". Tant pis pour France Culture, il nous reste, selon nos moyens, la possibilité d'acheter le « 100 photos pour la liberté de la presse de Reza » édité par RSF et/ou le magnifique « 30 ans de reportages de Reza » édité par le National Geographic.

Publications presse de Reza - Extrait de Black Star France
Reza est né à Tabriz dans le nord de l’Iran, une ville où les arts de la miniature et du tapis sont millénaires. Enfant, il court les boutiques de ce centre artistique avant le début de l’adolescence où il fait sa première photographie avec l’appareil de son père : un oiseau qui s’envole d’un arbre de leur jardin.
Il ne sait plus si cette photographie existe encore, car tant de ses films ont été brûlés par la police de l’impérial Shah qui le mit en prison pour trois ans. Ce qu’ignorait le pouvoir c’est qu’en fait en le torturant elle le rendait encore plus fort et qu’en l’enfermant elle l’envoyait à l’école. En prison, il fréquente les plus érudits des iraniens et les futurs dirigeants de la révolution islamique.
A sa sortie des geôles, il finit ses études d’architecture mais n’exercera que quelques mois, la révolution est sous les fenêtres de son bureau. Il prend trois jours de congé pour courir la ville avec son appareil photo. Trois jours qui se transformeront en une vie. En fait, il débute sa carrière professionnelle comme d’autres dans ces pays « en développement » (sic) en faisant chauffeur pour Marc Riboud, David Mac Cullin, Christine Spengler etc. De « fixer » comme on dit aujourd’hui, il en vient vite à travailler - selon la logique de l’époque - « pour Göskin », pour Sipa Press. Après la révolution islamique c’est l’occupation de l’ambassade des USA, puis la guerre Iran-Irak qu’il couvre en duo avec son frère Manoucher. Et là, à nouveau il déplait au pouvoir en affichant clandestinement, comme du temps du shah, ses photos sur les murs de l’Université pour faire savoir ce qui est censuré.
C’est donc l’heure de l’exil à Paris où je le rencontre pour la première fois en 1981, dans un salon de thé iranien de la rue Saint-Honoré. Trois ans plus tard avec Thierry Boccon-Gibod, James Nachtwey, Wojtek Laski, Michel Setboun, Anthony Suau et son frère Manoucher, il suit Sylvie Languin et Philippe Flandrin dans la courte, mais intense aventure, de Black Star France ( 1983-1985) dirigé par Mark Grosset.
Depuis, la vie de Reza ce sont les incessants voyages à partir de sa base parisienne, vers plus de cent pays, l'Afghanistan tenant parmi eux la plus importante place dans son cœur en raison de son amitié avec le commandant Massoud.
Christian Caujolle rapproche systématiquement toutes ces expériences des transformations imprévisibles qui affectent en même temps la photographie : la lente évolution de la photographie de presse du noir et blanc à la couleur dont Reza dit que « Salgado demeure le dernier maître », la numérisation qui permet à tous d'accéder à des moyens inouïs sans devenir pour autant des génies...
Cette série d’interviews s'inscrit dans le Mois de la Photo qui bat son plein. Reza, qui multiplie les expositions en France et surtout à l'étranger, y prend sa part, cette fois, avec un livre important, publié par le National Geographic : "Entre guerres et paix, trente ans de reportages".

C’est à l’occasion des 120 ans de National Geographic - aujourd’hui le principal commanditaire de Reza en l’envoyant parcourir le monde - que cette superbe monographie de Reza éclaire les lieux et les événements les plus dramatiques de notre époque et rend hommage à des vies bouleversées à jamais par la guerre.
" Être patient, rester au cœur des guerres, des cérémonies, des larmes, des cris, des moments importants de la vie, ne devenir rien d’autre qu’une caisse de résonance par l’image - tel est mon rôle. " Reza consacre sa vie à témoigner.
Mais le photographe est aussi un acteur, un militant infatigable de la cause des femmes et des enfants pour lesquels il a créé l’Association AINA pour apprendre aux afghanes à parler à leur radio de leurs problèmes, pour que des artistes, des écrivains, des conteurs conçoivent et réalisent un magazine et des livres pour des enfants. « Vous savez dans la bibliothèque de beaucoup de parisiens, il y a plus de livres que dans beaucoup de villes hors de l’Europe »
Où qu’il aille, Reza porte toujours sur les hommes un regard chaleureux et amical. Il marche dans le monde du pas millénaire des hommes curieux qui se rendent utile aux autres. Merci Reza.
Tous droits réservés
Aller plus loin
Reza - 30 ans de reportages
Texte Sebastian Junger, Rachel Deghati
300 pages Prix : 45 €
100 Photos de Reza pour la liberté de la presse
A voix nue : Christian Caujolle s'entretient avec Reza
À l'occasion du mois de la photographie
réalisation de Nathalie Triandafyllides