« La vida loca » le film documentaire de Christian Poveda dans les salles de cinéma françaises est sorti mercredi 30 septembre 2009. Jeudi, Envoyé spécial / France 2 a diffusé une excelletnte enquête sur l'assassinat de Christian Poveda, le 2 septembre dernier de quatre balles dans la tête. .
Je ne vais pas vous raconter ce que vous pouvez lire sur le site du documentaire, c'est-à-dire le scénario de la «La Vida loca» (La folle vie). Christian Poveda, photographe et cinéaste a partagé la vie des membres du gang de la «Mara 18», des « ados », des jeunes femmes et hommes tatoués de la tête aux pieds. J'ai eu la chance de le voir projeté l'an dernier au festival du photojournalisme « Visa pour l'image », à Perpignan.
Et je vais le revoir, tant il m'a impressionné.
Dans l'entretien que nous avions eu alors, comme dans le documentaire, ce qui m'a frappé c'est la position de Christian Poveda. Il filme de l'intérieur. Il est « embedded» de la Mara 18, et « autorisé » par le gang ennemi à traverser quotidiennement les lignes... Car, il ne faut pas s'y tromper, il s'agit de guerres civiles. Je mets le mot au pluriel car il y a les guerres entre les gangs, mais il y a surtout - et c'est ce que dénonçait Christian Poveda - la guerre contre les pauvres. La guerre qui nait de trop de souffrances, de trop de peurs, de trop de faims, de trop d'ignorance.
Christian Poveda les comprenait ces enfants auxquels « on a appris la mort en leur apprenant à marcher ». Il avait de l'empathie, mais surtout du respect - mais sans concession - pour ces assassins.
Poveda avait l'obsession de la génération post « mai 68 » nourrie au lait de l'anti-franquisme, de l'anti-nazisme, de toutes les résistances. Il avait cette passion de comprendre les pauvres, les miséreux, les paumés, d'être « de leur coté ». Du coté de ces futurs assassins (ndlr : selon la police locale). Il pensait que c'était de pauvres gars qui avaient hérité d'une pétoire au lieu d'une cuillère dorée.
C'était un gars simple, « le Poveda ». Un type généreux, courageux et quelque peu têtu. Ce qui l'intéressait, c'était de comprendre avant les confrères : puis de dénoncer les faits rapportés par ces images fixes ou mobiles. « Dans photojournalisme+, il y a le mot journalisme et c'est quelque chose d'important. Un journaliste est quelqu'un qui est capable de mener une enquête, d'écrire une histoire. Dans ce cas, avec des photos, et raconter quelque chose. Un photojournaliste doit nous raconter quelque chose. C'est pas seulement une photo pour illustrer l'article d'un journaliste. Il doit produire les photos qui se suffisent à elles-mêmes. " disait-il sans cesse.
J'ai dit dans deux billets précédents, le choc que son assassinat a provoqué dans la communauté des reporters et de ceux qui « traitent » ou publient.
Jeudi 1er octobre 2009, l'émission de reportages « Envoyé spécial » consacre un sujet exceptionnel par sa qualité "Qui a tué le journaliste Christian Poveda ?", un reportage de Frédéric Faux et Steeve Baumann diffusé jeudi 1 octobre 2009.
L'Agence France Presse diffuse pour sa part un extrait de 25 minutes tournées chez lui à San Salvador, la matinée du jour de sa mort par Julio Lopez qui travaillait pour un documentaire sur le photojournaliste.. Il y déclare «On ne peut pas nier que dans ce pays, il y a des morts au milieu de la rue tous les jours, y déclare-t-il, et que c'est un spectacle, que les gens vont même avec leurs enfants voir les morts dans la rue. Vouloir nier cela est une hypocrisie».
L'hypocrisie, ce n'était pas son truc à Poveda. Alors, après avoir réalisé ce film de 90' et 150 magnifiques portraits en « noir et blanc » des protagonistes de la Mara 18, il avait entrepris un véritable tour du monde des festivals pour que son film soit vu en salle. Et ce n'était pas facile. On le félicitait, on le récompensait de « prix » qui rapportent plus de gloire que d'argent. Bref, il y a un an, à Perpignan, j'avais vu un journaliste engagé essayant d'obtenir pour son film, la notoriété. Non pour sa gloire, mais pour que la violence cesse.
L'horreur, est qu'il a dû aller jusqu'à mourir pour ça !
Les menaces sur les journalistes sont-elles à ce point devenu banales qu'il nous faille attendre le son du canon pour attirer l'attention du public ?
Dans sa dernière interview diffusée par l'AFP TV, Christian Poveda juge très sévèrement les médias salvadoriens ligués dans un pacte dit «Médias unis pour la Paix», au nom duquel ils s'engagent à ne pas publier des photos explicites de violence.
«Nier cette réalité quand on est journaliste ou photojournaliste mérite de changer de profession (...) Ces gens, ceux qui ont lancé cette censure, ne sont pas des journalistes, en réalité ce sont des gens qui travaillent pour un parti politique».
Issy-les-Moulineaux, le 29 septembre 2009
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Site du film http://www.lafemme-endormie.com/vidaloca/
Pour aller plus loin:
- Consulter l'agence VU
- La page de Christian Poveda sur Facebook
- Photographie.com à rencontré Christian Poveda
- OC TV.net, une interview vidéo réalisée en 2008 à Perpignan
- "Envoyé special" l'émission de France 2 présentera : "Qui a tué Christian Poveda ?" jeudi 1er octobre 2009
- Paris Match rend hommage sur 6 pages à Christian Poveda dans son numéro 3147 du jeudi 10 septembre avec un très beau "papier" de Michel Peyrard./
- L'extrait de l'interview de Christian Poveda par Julio Lopez / AFP TV sur Le Parisien
- "Ce soir ou jamais" France 3 - Interview d'Alain Mingan
Tous mes billets sur Christian Poveda
Remerciements à l'agence VU', à Geneviève Delalot, aux services de presse de France 2 et à l'AFP TV.