Avant de savoir si le tracking souvent évoqué risque d'ouvrir la porte à un flicage généralisé de la population au bénéfice de dictateurs ou de prédateurs de toutes sortes, il faut savoir s'il peut vraiment servir à quelque chose.
Pour résumer, la question est : "Le système permet-il de distinguer le croisement entre 2 personnes restant à 2,5 m l'une de l'autre, ... d'un baiser sur la bouche ?"
Si la réponse est non il faudra trouver autre chose ...
La technologie au rendez-vous, vraiment ? Si la réponse est OUI, alors il faut creuser l'affaire … et évaluer l'équilibre entre le bénéfice (une meilleurs protection) et le risque (nos libertés individuelles).
Mais le plus probable est que la réponse soit négative. Ceci veut dire que tout le monde, mis à part les ermites, sera "positif" et recevra une alerte qui le poussera vers le lieu où l'on teste … et où il retrouvera le reste de la population !
Ceci peut se conclure assez facilement dès lors qu'on a une petite connaissance des technologies qui pourraient être employées. Hélas tout le monde les utilise mais bien peu ont cette "petite connaissance" et visiblement pas ceux qui en parlent à longueur de flash spéciaux.
Revue de détail des moyens offerts par la technologie :
Le Bluetooth est un système de communication sans fil (par ondes radio) destiné aux liaisons sur de courtes distances, c'est à dire de quelques mètres. Tous les smartphones sont équipés de Bluetooth qui sert principalement à les mettre en relation avec des dispositifs audio (casques, enceintes, chaines HIFI …). Chacun peut vérifier avec son enceinte bluetooth que la portée se limite à quelques mètres, une dizaine au maximum en espace découvert. Il peut vérifier aussi que l'enceinte fonctionne de la même façon, qu'elle soit placée à 3 mètres ou juste à coté du smartphone.
En cherchant bien on peut trouver des références à l'application TraceTogether employée à Singapour qui exploite la puissance du signal reçu pour en déduire la distance avec l'émetteur. La durée du contact est aussi prise en compte, distinguant un croisement rapide d'une proximité prolongée. L'estimation est très grossière et permettrait de "marquer" les contacts à moins de deux mètres. Cela serait donc le nec plus ultra de ce que peut faire le Bluetooth et cela produit massivement des faux positifs. Attendre le bus à un mètre cinquante les un des autres, et masqués, ne sera pas à l'origine d'un nouveau Cluster ...
Première conclusion : Le Bluetooth tout seul ne peut pas détecter une "proximité à problème".
A son crédit, s'il en était capable, on peut imaginer qu'une application basée sur le Bluetooth seul pourrait respecter correctement la protection des données individuelles.
Avec le GPS, il est vrai qu'on a la position du smartphone (grâce à un réseau de satellites et aux géniales intuitions d'Einstein) et avec deux smartphones qui échangent leurs positions (avec le Bluetooth) on peut déduire la distance qui les sépare. Une fois dit cette réalité, il faut la compléter avec le niveau de précision avec lequel cette distance est obtenue.
Dans des conditions idéales (dégagées de tout obstacle faisant écran avec les satellites) les GPS grand public fournissent une position horizontale dans un cercle de 1,5 à 2,5 mètres de rayon. Ceci conduit immédiatement à la conclusion qu'au mieux, on connaît la distance à 3 ou 5 mètres près.
Même en brûlant des cierges pour que la précision soit meilleure elle sera insuffisante pour savoir si on s'est approché à moins d'un mètre (et même de deux). Dans la vraie vie et particulièrement en milieu urbain la précision sera bien inférieure.
Deuxième conclusion : Le GPS ne peut pas détecter de façon fiable un contact à problème.
Alors pourquoi des gens supposés sérieux travaillent sur ce genre de solution ? On ne va pas insister sur la croyance idolâtre selon laquelle la technologie a réponse à tout et éventuellement permette de fructueux business.
En fait, il est exclu que les smartphones se débrouillent seuls à l'image de ces applications permettant de se signaler comme "cœur à prendre" :-)
L'idée des gens qui cherchent des solutions est de traiter les données de rencontres transmises par les smartphones. Unitairement elle n'ont aucune valeur, mais il est recherché par des moyens d'agrégation (terme en vogue !) et des moyens statistiques, d'en déduire des informations utilisables et transmissibles aux personnes concernées.
L'idée, si on comprend bien les rares explications qui sont fournies, serait un suivi sanitaire des utilisateurs qui lorsqu'ils déclenchent des symptômes permettent d'identifier tous ceux qui l'ont croisé depuis un "certain temps". Ces personnes seraient donc prévenues de leur mauvaise rencontre et encouragés à surveiller les symptômes indiquant une possible contamination. Cela semble être le cas de STOPCOVID qui n'échappera pas à l'imprécision de la mesure de distance et qui risque plus d'affoler que de protéger.
A tout cela qui n'est pas franchement convaincant sur l'utilité de la chose, il faut rajouter que la proximité entre deux personnes n'a pas le même sens selon qu'elles portent, l'une, l'autre ou les deux, un masque !
Oui, mais l'inévitable Intelligence Artificielle, sans laquelle point de salut, est bien sûr à la manœuvre. Via de subtils recoupements il serait possible d'enrichir la connaissance des chaines de transmission et d'être plus pertinent dans les alertes.
Tout cela reste bien fumeux et ressemble plus à l'alchimie cherchant à transformer le plomb en or, qu'à de la science. On semble s'obstiner alors qu'on sait que Garbage in, garbage out, selon une expression des anglo-saxons auxquels il faut souvent reconnaître le sens de la formule.
A la limite on pourrait tirer de tout ce fatras des informations intéressantes, mais à posteriori, ce qui fera le miel des épidémiologistes mais une belle jambe à ceux qui auront choppé le mistigri …
Et tout cela supposerait pour avoir le moindre sens que, massivement, cette application soit utilisée. Cela ne sera évidemment pas le cas car le niveau de confiance indispensable pour son adoption massive serait encore plus important que celui qui serait nécessaire pour avoir l'immunité collective !
Cette conclusion semble radicale, mais si quelqu'un peut expliquer pourquoi elle n'est pas fondée, il faut qu'il le fasse. Rien n'est pire que de persister dans son erreur ....
Et si un brassard tout bête mais très malin pouvait nous sortir de l'auberge ...
Il suffit de partir d'une question beaucoup plus simple et qui concerne chacun de nous : "Avons-nous envie vraiment et simplement de nous protéger les uns les autres ?"
Osons un délire bien moins aigu que celui des technos-aveuglés.
Bien plus simple à fabriquer qu'un masque et qui ne devrait pas être lavé obligatoirement après chaque usage, un petit brassard dont la couleur permettrait de se côtoyer en connaissance de cause et ne laissant pas la moindre trace de son utilisation. Et contrairement au masque, le porter en permanence serait très supportable ...
Ce brassard afficherait clairement son statut face à sa COVID histoire et permettrait, en temps réel, la gestion immédiate des rencontres afin d'adopter la bonne attitude.
Ci-dessous un exemple des différents statuts à afficher en couleur ...
Je porte un brassard BLANC, si j'appartiens à la catégorie la plus représentée des personnes pour lesquelles il est hautement probable qu'il n'y a pas eu de contact avec le virus.
C'est à dire :
Je n'ai eu aucun des symptômes connus pour indiquer un début d'infection.
Je respecte scrupuleusement les gestes barrières et je ne fais pas d'impasse sur la sécurité
Je ne suis donc pas contagieux et je peux être contaminé.
Mais je sais que ne pas être contagieux n'est pas une certitude, car par accident je peux être contaminé dans le savoir et être dans la période d'incubation.
Tout à fait à l'autre bout du spectre, je porte un brassard ROUGE si je suis contagieux, de façon certaine ou probable.
C'est à dire :
J'ai été testé positif et j'abrite donc le virus avec ou sans symptômes.
Je n'ai pas été testé mais mes symptômes laissent supposer fortement que je suis infecté.
J'ai vécu récemment une situation à risque.
Dans ce cas je porte toujours un masque "sérieux" dans l'espace public.
Il est évident que je ne suis hors de chez moi que pour des raisons impérieuses ….
Cela pourrait être suffisant mais on pourrait raffiner en ajoutant un "statut" qui permettra de porter une attention particulière aux plus exposés.
Je porte un brassard BLEU si je suis un "BLANC fragile".
C'est à dire :
Mon état de santé ou mes antécédents font de moi une cible préférentielle pour le virus, soit pour sa facilité d'installation soit pour la gravité si je suis infecté.
Merci par avance de prendre soin de moi ...
Enfin et surtout pour la suite ...
Je porte un brassard VERT si je ne suis pas contagieux et pas susceptible d'être infecté (le Graal en somme !).
J'ai été malade et bien guéri.
J'ai été testé positif à la présence d'anticorps.
Je suis vacciné …
Cet état "non contagieux" reste à confirmer par la médecine.
Il y a d'autres couleurs dans l'arc en ciel si on veut raffiner le système mais rester simple est important.
Contrairement aux dispositifs follement technos cette façon de procéder est compréhensible par tout le monde, elle est facile à mettre en œuvre elle n'est pas chère et a un effet immédiat.
Elle n'a pas de caractère obligatoire, mais il est probable que "pas de brassard" pourra être interprété comme "brassard rouge" … Le port de ce brassard exprime la volonté de faire barrière à la diffusion du virus et doit être un acte conscient et volontaire.
Oui, il révèle publiquement un élément de son état de santé, mais être victime du COVID n'est pas infamant. De plus, c'est de façon transitoire et anonyme, car on ne connait pas les gens qu'on croise. Dans le cas où on les connaît on devrait avoir encore plus envie de les protéger …
Le brassard ne laisse pas de trace sur ses faits et gestes dans les serveurs des GAFA (dans le meilleur des cas).
Le port de ce brassard a un effet "temps réel" sur la gestion de nos rencontres qui seront forcément plus nombreuses après le déconfinement. C'est bien plus utile qu'une alerte incertaine intervenant après une possible contamination.
Ce brassard devrait aussi réduire l'angoisse liée à l'incertitude. On sait exactement dans quel environnement on se trouve et on peut donc adapter sa conduite. Et bien sûr le fait que soi-même ou/et les autres portent des masques fait partie des éléments dont on peut tenir compte.
Dans ce contexte, si les contacts sont bien gérés par chacun, aucun cas de transmission ne devrait se présenter.
L'affichage de son statut sanitaire n'est pas dans nos habitudes culturelles. C'est pourtant courant dans certains pays asiatiques où l'on sort dans la rue avec un masque si on pense qu'on est grippé. Nous ne l'interprétons pas spontanément comme cela, mais c'est une pratique hautement citoyenne.
Dans la rue le résultat du port généralisé de ce brassard serait bien plus efficace que celui de masques (voire de gants) donnant souvent une fausse sensation de sécurité. Il est bien évident que dans des situations à "haute densité" que seront obligées d'affronter de nombreuses personnes, les transports en commun en particulier, le port de masques "sérieux" est indispensable.
Et ce brassard devrait se porter sur le bras gauche, le côté du cœur évidemment !!!!