Un jugement rendu le 6 juillet 2023 après délibéré par la XVII° Chambre du Tribunal Correctionnel de Paris déboutant Hubert VEDRINE de sa plainte contre Annie FAURE a provoqué dans les réseaux sociaux et dans une certaine presse quelques cris de victoire dont l’aspect embarrassé n’échappait pas à l’observateur avisé.
Ainsi, un très long article paru dans AFRIKARABIA , reprenant un compte rendu d’audience particulièrement copieux et parfois mensonger , contrastait étrangement avec la brièveté du commentaire portant sur le jugement. A l’évidence, cela cachait quelque chose et on comprenait bien que l’auteur avait saisi l’occasion de faire à nouveau passer le message porté par les « témoins » en occultant la réalité de la décision rendue par la justice.
Laurent Larcher, évitant lui-aussi de commenter le jugement en se contentant de reprendre le commentaire de l’avocat de la Défense, saisissait l’occasion, sur son blog twitter @LaurentLarcher , de recycler un article paru trois mois plus tôt dans le journal La Croix. Ce papier était intitulé, de manière fort opportune: » Génocide au Rwanda : la fin du déni français » mais, comme on le verra plus loin, le vrai déni n’est pas celui auquel pensait le journaliste en rédigeant son papier.
Le journal Libération ne pouvait être en reste et publiait un article intitulé : « A la barre, Hubert Védrine débouté de sa plainte : le rôle de la France au Rwanda pendant le génocide s’impose un peu plus » dont la lecture n’apportait aucun renseignement sur le jugement lui-même mais, comme ses confrères, reprenait un compte rendu d’audience, développant ad libitum les thèses de la défense et occultant les attendus retenus par le tribunal.
L’association Survie, ne pouvant rester silencieuse puisqu’Annie FAURE avait à la barre indiqué qu’elle avait milité au sein de cette association, se montrait cependant plus prudente, se contentant , sur twitter @Survie, de saluer « La bonne nouvelle judiciaire du jour, et son implication politique : "Hubert Védrine débouté de sa plainte [contre Annie Faure] ». L’association prétendait malgré tout en extrapoler que « le rôle de la France au #Rwanda pendant le génocide s’impose un peu plus", en renvoyant à l’article déjà cité de @mariamalagardis, dans Libération. On note que cet article, reconnaissant qu’au cours du procès, « il aura d’ailleurs été peu question d’Annie Faure » confirme très clairement que les « témoins » venus s’expliquer à la barre ont parlé, comme c’est souvent le cas dans les audiences concernant le Rwanda, de tout sauf du sujet.
Le journal Lutte Ouvrière intervenait tardivement et ne reculait pas devant le faux sens, voire le contre sens, pour ouvrir sur un titre a sensation : « Rwanda : Védrine, complice du génocide ». No comment !
Mais pourquoi occulter - et même ignorer - les attendus du jugement ?
Il apparait en effet, à la lecture du jugement, que les débats ont été « enrichis » par quatre dépositions, celles de Guillaume ANCEL , Jean-François DUPAQUIER , Patrick de SAINT-EXUPERY et Rafaëlle MAISON . On note que, à l’instar d’autres procès, où on les rencontre quasi systématiquement, aucun de ces « témoins » cités par la défense d’Annie FAURE n’avait jamais été réellement témoin de l’activité d’Hubert VEDRINE pendant la période considérée. Aucun des « témoins » ayant apporté leur contribution à l’offre de preuve présentée par Annie FAURE n’avait de connaissance réelle et personnelle, visuelle et directe, des faits en cause, c’est-à-dire de l’activité déployée par Hubert VEDRINE. Tous rapportaient, comme d’habitude lors des audiences concernant peu ou prou le Rwanda auxquelles ils semblent abonnés, des considérations apprises par leurs lectures, leurs travaux, leur militantisme… ou autres conversations entre soi.
Si on ajoute que parmi ces quatre « témoins » qui n’avaient rien vu, deux avaient déjà été condamnés pour diffamation dans des procès portant grosso modo sur le même sujet ; qu’un d’entre eux, précédemment condamné pour diffamation d’Hubert VEDRINE lui-même, a saisi l’occasion de ce procès pour, toute honte bue, revenir à la barre et poursuivre sa vindicte : on peut mesurer ainsi le degré de « bonne foi » de la défense.
Seul l’Amiral LANXADE intervenant à la demande du plaignant, était un témoin direct et savait, pour y avoir assisté, de quoi il parlait. Il a d’ailleurs, en réponse aux questions de la Cour, opposé un démenti formel aux fabulations de certains témoins de la défense, dont le dernier cité.
Devant ces évidences, le Parquet est resté d’une prudence de Sioux, requérant sans requérir tout en ne requérant ni peine ni acquittement ! Curieux, non ?
Dès lors le tribunal ne pouvait que constater que « En définitive, il convient donc de conclure que les propos litigieux présentent un caractère diffamatoire à l'égard d'Hubert VERDINE, atteint en son honneur et que la qualification juridique de la poursuite engagée par ce dernier a été justement choisie au regard de la nature des fonctions qu'il occupait à l'époque des faits qui lui sont imputés par Annie FAURE.
Alors que, dans ces conditions, la condamnation semblait s’imposer, le tribunal reculait en estimant que : « Sans que, de ces éléments, il puisse être déduit qu'Hubert VEDRINE avait le rôle que lui a prêté la prévenue à travers les propos incriminés, il n'en demeure pas moins qu'Annie FAURE a pu , de bonne foi, dans sa quête de vérité après avoir elle-même directement assisté au désastre humain alors qu'elle était au plus proche des blessés comme médecin humanitaire d'avril à juillet 1994 au Rwanda, se méprendre en déduisant de la position centrale de la partie civile au sein de l'Élysée, son implication dans la politique décidée par le Président de la République, entouré de ses conseillers et des membres du Gouvernement, alors qu'elle démontre, au moyen des pièces ci avant détaillées, qu'elle avait matière à s'interroger sur la pertinence des choix opérés par la France en plein coeur du génocide des Tutsis au Rwanda ».
Ainsi, le tribunal a jugé que les propos d’Annie FAURE étaient diffamatoires mais, attendri par son émotion et son militantisme, impressionné par le bagout des communicants cités par sa défense, il a décidé de l’absoudre en lui accordant le bénéfice de la bonne foi, ainsi que cela a été accordé précédemment à Patrick de Saint-Exupéry dans d’autres procès.
Pour notre part, au vu du quarteron de témoins que nous retrouvons trop souvent et dans une composition variant peu, nous avons une idée assez précise sur ce qu’il en est de la bonne foi de personnages se présentant eux-mêmes comme militants. Il nous revient cette notion de « diffamation en bande organisée » avancée jadis à la barre du procès pour « incitation à la haine raciale » intenté à Pierre PEAN et perdu par SOS racisme.
Pour ceux qui veulent bien le comprendre, ce jugement est, paradoxalement, aussi impitoyable que fort charitable envers Annie FAURE et ses « témoins » de contexte. Il est impitoyable car il démontre qu’elle est incapable, et que tous ses « témoins » sont incapables, d’apporter le moindre début de commencement de preuve de ce qu’ils avancent. Mais, en même temps, comme il est à la mode, ce jugement se montre fort charitable en considérant que le génocide ayant été une chose horrible - ce dont nous convenons volontiers pour y avoir perdu de nombreux amis – on a le droit, sous l’effet de l’émotion- de raconter n’importe quoi. On ne saurait dire mieux ! Et on comprend bien cette décision, sans être absolument certain que ses bases juridiques sont incontestables.
Ce jugement ne mettra malheureusement pas fin au « déni français » en ce qui concerne le génocide rwandais puisqu’il légitime la parole non vérifiée des incompétents, et des « témoins qui n’ont rien vu ».
Le déni français, a de beaux jours devant lui dans les média comme dans les prétoires.
Il a de beaux jours devant lui dans les média si on observe que, comme il est d’usage dans la presse française, les commentaires de l’avocat de madame FAURE ont été assez largement repris alors qu’un silence révélateur entourait le communiqué de presse d’Hubert VEDRINE qu’on peut lire ci-dessous :
« Madame Faure avait accusé Hubert Védrine d’avoir en 1994, alors qu’il était secrétaire général de la présidence de la République, participé à la livraison d’armes au bénéfice des génocidaires et de les avoir protégés. Hubert Vedrine avait donc intenté une action en diffamation.
Le tribunal judiciaire de Paris (17ème chambre) a jugé le 6 juillet 2023 que les propos de Madame Faure à l’encontre d'Hubert Védrine étaient diffamatoires et qu’elle n’avait pas pu prouver la vérité de ses accusations. Néanmoins, il l’a relaxée comme n’étant pas sortie des limites judiciairement admises dans une controverse pour quelqu’un qui n’est pas journaliste et qui avait pu se méprendre sur le rôle qu'elle a prêté à Hubert Védrine. ».
Le déni français a de beaux jours devant lui dans les prétoires si on se souvient de la procédure de l’attentat du 6 avril 1994, déclencheur du génocide que la justice française a choisi de ne pas déferrer devant une Cour d’Assises malgré des preuves bien supérieures a celles qui, dans beaucoup d’autres dossiers, ont valu de lourdes condamnations à des Rwandais. De même si on se souvient que l’assassinat de deux sous-officiers de Gendarmerie française et l’épouse de l’un d’entre eux n’a même pas fait l’objet de la moindre procédure.
Le déni français a de beaux jours devant lui puisque ceux qui ne cessent de réclamer la condamnation de la France et de certains officiers français dans le drame rwandais ont pour stratégie de porter des accusations non fondées tout en confiant à la justice française le soin de trouver de quoi étayer leurs dires. A défaut, la longueur des procédures avant non-lieu, voire le refus de clôturer certaines d’entre elles, leur donne le temps de communiquer ad libitum voire ad nauseam sur les accusations non prouvées. Ainsi en est-il des procédures lancées contre certains militaires français de l’opération Turquoise et initiées – tiens-donc !- par madame Annie FAURE . Ce dossier est vide de tout élément probant ; il n’a permis aucune mise en examen depuis près de vingt ans mais il continue à trôner sur les étagères d’un magistrat instructeur parisien qui n’ose pas rendre l’ordonnance de non-lieu libératrice qui s’imposerait au vu des nombreux actes accomplis . Le déni français a de beaux jours devant lui si on examine aussi l’état du dossier dit « de Bisesero » où les mêmes lobbies entourant Annie FAURE refusent par tout artifice de procédure une ordonnance de non-lieu pourtant parfaitement documentée.
Combien leur faudra-t-il de victoires à la Pyrrhus pour que les « blancs-menteurs » cessent d’encombrer par leurs accusations infondées des prétoires qui auraient bien autre chose à faire et ne peuvent que constater l’inanité de leurs mises en cause ?