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Billet de blog 11 février 2022

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Je, Nous... Vous

Après le « Je » jupitérien et les « Nous » triomphants des Marcheurs ayant une majorité absolue à l’Assemblée voici venu le temps du « Vous », du « Avec Vous » comme le dit leur tract de campagne. Un « Vous » de différentiation qui confirme de la mise à distance des citoyens par le pouvoir à l’image de sa politique restée sourde depuis cinq ans aux aspirations du pays.

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Après le « Je » jupitérien et les « Nous » triomphants des Marcheurs ayant une majorité absolue à l’Assemblée voici venu le temps du « Vous », du « Avec Vous » comme le dit leur tract de campagne. Un « Vous » de différentiation qui confirme de la mise à distance des citoyens par le pouvoir à l’image de sa politique restée sourde depuis cinq ans aux aspirations du pays. Et l’adjonction d’un « Avec » voulu inclusif n’y change rien, bien au contraire, ce slogan ressemblant alors à l’appel d’un parti fantôme dans lequel « Vous » ne joue que les simples utilités pour la réélection de son leader.

Pas encore élu, Macron jugeait que l’action politique réclamait « une grande transparence horizontale nécessaire à la délibération et la verticalité de la décision sinon c’était l’autoritarisme ou l’inaction » mais ajoutait aussitôt qu’« il ne croit pas en la transparence complète » la politique se construisant dans « l’opacité assumée », qu’il y manquait à la démocratie « la figure du roi » et qu’on attendait « du président de la République qu’il occupe cette fonction»

À peine élu, il quittait Versailles pour l’Olympe pour devenir «un président jupitérien ». Ne subsistait alors que la verticalité dominatrice et impérieuse de « Je ». Après deux ans d’exercice solitaire du pouvoir, les gilets jaunes l’obligeaient à déclarer qu’il souhaitait désormais « que les partenaires sociaux, les associations, les élus puissent travailler ensemble avec le gouvernement » et on assistait à la tartufferie du « Grand Débat », bavardage « manches retroussées » au milieu d’un public choisi qui relevait plus de la communication surmédiatisée que d’une réelle participation démocratique. Mais « Je » conservait son vocabulaire et ses attitudes suffisantes, ces « petites phrases » humiliantes. On ne change pas sa nature. Comme Jupiter se jouant des humains, ce lecteur de Machiavel manipule ses concitoyens à l’exemple des contacts directs entre l’Élysée et une chaîne de télévision destinés à inciter à imposer les thématiques de l’extrême droite dans les débats, cette polarisation évitant d’aborder celles plus essentielles concernant son calamiteux bilan.

Convaincu que « si toutes les paroles se valent, c’est l’immobilisme », « Je » juge que la sienne vaut plus que toute autre et, pour reprendre le terme de son porte-parole, que sa participation au débat du premier tour « ne serait pas pertinente » alors même que 62% des français la souhaite. Ne pas avoir à rendre des comptes, juste séduire. Le roi dit « Nous voulons », Macron « J’ assume ».

Jusqu’à présent « Je » a pu compter sur les « Nous », les élus de LRM à qui il ne demande que d’obtempérer silencieusement et les « marcheurs », la base à qui il ne demande rien d’autre que de faire sa louange.

A peine élus, les nouveaux députés se voyaient rappeler qu’ils étaient tenus de voter les réformes proposées « d’une seule et même voix ». Il en allait de leur responsabilité et de leur fidélité au président. Ils devaient assumer cette servitude volontaire et s’interdire tout débat critique pour assurer la pérennité du règne. Et de fait, ils devinrent des godillots acceptant de ne plus avoir leur mot à dire sur les décisions-clés élaborées ailleurs. Même si, avec le temps, on a pu observer nombre d’amendements sortis de leurs rangs mais jamais retenus, quelques rébellions et significatives abstentions lors de votes importants, plusieurs démissions dont certaines spectaculaires, rien de très sérieux. Les députés LRM sont des « fidèles » ! LRM est aujourd’hui un parti verrouillé de toute part. Mais cette capolarisation et l’incapacité de la majorité à accepter la contradiction l’a conduit de défaites en défaites, ce qui a fait dire à un député LRM « Il ne se passe rien dans ce parti. Rien ! »

Et les marcheurs ? « Nous ne sommes pas une secte, on est libres d’exprimer nos différences » affirme Marlène Schiappa. Qui et de quoi voulait-elle convaincre ? Exhorterait-elle ces novices de l'engagement politique à débattre désormais ? Eux qui avaient été séduits par la promesse de Macron de « refonder par le bas ». Eux, majoritairement des hommes, jeunes, diplômés, citadins, aux revenus élevés, qui avaient été fascinés aussi par ce sémillant jeune président, si « start-up fashion », qui pourrait défendre leurs intérêts. Pour les « Nous », LREM était le refuge de l’entre-soi. Dans un environnement politique perçu comme hostile, ils étaient prêts à s’engager dans et pour « Je ». Mais çà, c’était avant ! Les enthousiasmes initiaux sont émoussés. La lettre ouverte d’un collectif de dissidents en fait l’amer constat « Les attitudes autocrates et méprisantes de celles et ceux qui ont les clés de la maison LREM ont... accentué l'abîme qui se creuse entre le siège et les Marcheurs de terrain ». Aujourd’hui LMR est devenu un parti fantôme, sans ancrage local, les « Nous » commencent à manquer.

Restent les « Vous ». Oublié le « Rejoignez-Nous » de 2017, désormais c’est « Avec Vous ».

Mais ne soyons pas dupes, ce « Avec Vous » n’est pas l’invitation collaborative qu’il prétend être, il sonne plutôt comme « Avec vos voix ». Un appel direct pour faire réélire « Je ». Car l’heure est grave. Si les humains ne peuvent s’opposer à Jupiter ; en foutue « démocratie incomplète » les « Vous » pourraient s’opposer à « Je ». Pourrait-il en être autrement ? En cinq ans, moins d’un quart des promesses de campagne Macron ont été tenues même si les demi mesures votées ci et là voudraient faire croire à une réalisation quasi complète du programme initial.

Le pays est mécontent et le fait savoir. Aussi LRM avance prudemment, masqué même pour éviter le rejet ; sur le site « Avec Vous » édité par LRM, aucun logo du parti, aucune trace du nom ou du visage du président, l’essentiel aujourd’hui est que les «Vous » le réélisent sans rechigner. Et rien de plus ! Car au fond, « Je » et « Nous » ne veulent rien d’autre que rester « Ensemble », patronyme du nouveau regroupement les partis de la majorité ; le « Vous », même « Avec » n’étant qu’accessoire et circonstanciel.

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