Attention Matrix !
Quand certains font des listes pour «trier» la population comme sous Vichy et que le Ministre de la Culture préfère les algorithmes à la démocratie, on peut flipper !
J’ai découvert à l’occasion d’un documentaire sur Canal+, Les nouveaux loups de Wall Street (1), le rôle des algorithmes qui permettent d’acheter à Tokyo et de vendre à New York en une milliseconde. Ils ne font ainsi que s’interposer entre les vendeurs et les acheteurs à la vitesse de la lumière, prenant une faible marge sur des millions de titres de manière tout à fait inutile mais très efficace. Les algorithmes sont ces formules mathématiques qui, sur Facebook ou Google, vous présentent des renseignements ou des notifications d’amis dans un environnement qui vous «convient», à proximité. En fait, ces formules caricaturent vos choix par avance et rétrécissent votre horizon, en vous faisant croire que ce qui vous est présenté est la réalité alors qu’elle n’est qu’un savant calcul marketing pour vous donner une impression de certitude. Quelle ne fut pas ma stupeur en entendant un des traders de ce documentaire expliquer d’un air angélique que ces algorithmes pourraient servir à bien autre chose qu’à la finance. En effet, si l’on se met à gérer des groupes humains de la même façon c’est la fin de la démocratie. Une sorte de «Matrix» cher à Philip K.Dick (2) qui lors d’une conférence à Metz en 1977 avait exposé sa théorie selon laquelle nous vivons déjà dans une réalité générée par ordinateur (3). Fleur Pellerin notre Ministre de la Culture prévoit justement une forme de gestion de la Culture qui pourrait bien ressembler à ce système (3). C’ est le pire ministère pour adopter cette méthode mathématique de calcul de probabilité qui supprimera toute initiative personnelle, qui supprimera en fait, toute humanité ou donnera de cette dernière une image «algorithmique»… C’est lors des 24ème Rencontres cinématographiques de Dijon qu’elle a annoncé cette conception dangereuse et effrayante (4). Elle y loue les algorithmes et veut que l’on travaille pour donner aux «consommateurs» ce qu’ils attendent. L’inverse d’une politique culturelle, faite pour ouvrir sur ailleurs, qui systématiquement préfère le mot «contenu» à celui d’«oeuvre» ou «film». S’inscrivant dans le cadre de référence des théories de l’économie de l’attention, celles-là même sur lesquelles Patrick Le Lay et son «temps de cerveau disponible» avait fâcheusement attiré l’attention, Madame Pellerin a résumé sa perception de la situation par la formule «L’attention est la ressource rare et pas les contenus». Quand il s’agit de citer Modiano, Fleur Pellerin regarde ses pieds. Mais s’il faut expliquer les «algorithmes de recommandation de contenus», elle est d’une grande clarté ! Décryptage des concepts sidérants que la ministre utilise auprès des professionnels du cinéma devant qui, en levant la tête du pupitre placé devant elle, Fleur Pellerin oublie que la culture repose sur des œuvres et que ces oeuvres sont créées par des artistes. Un oubli simple et efficace. Les mots «cinéma», «film», «documentaire», «auteur», «réalisateur» s’effacent peu à peu dans le discours de la ministre. Elle préfère parler de «contenu techniquement facile à produire». Ainsi quand les fichiers commencent à représenter une population et que l’on tire de ses statistiques certaines décisions, cela rappelle la méthode des listes que les nazis avaient adoptées pour faire des «tris» humains afin de procéder à l’extermination d’une partie des populations ainsi listées. N’est-ce pas la réflexion qu’a faite M. Robert Ménard à la fin de l’émission Mots Croisés ? L’analyse malaisée de tous les dirigeants qui condamnent, sans expliquer pourquoi, m’a choqué. Ne pas faire référence à tous les génocides menés scientifiquement me semble suspect. Que ce soit sous l’emprise du nazisme, du stalinisme, du maoïsme ou même lors de la dernière guerre de Yougoslavie, les fichiers ont servi à trier les gens pour leur religion ou leur ethnie, et cela s’est toujours terminé de la même façon : l’extermination. C’est assez grave pour vous signaler qu’il ne faut pas accepter d’être fiché, qu’il faut vous méfier des informations que vous donnez volontairement à des organismes qui possèdent des fichiers énormes contenant vos goûts, vos déplacement, vos paiements, les membres de votre famille, vos amis, jusqu’à vos désirs et vos pensées … Ils en font des algorithmes qui un jour pourraient forcer votre réel à se conformer à la virtualité décidée par la machine et à ceux qui la programment. La démocratie est une procédure guidée par une idée de la liberté : la République. Ne cédez pas à la tentation de la machine et des calculs de probabilité pour choisir, restez humains. Surtout, apprenez tant que vous êtes vivants. Posez vous des questions, ne gobez pas tous les hameçons que cette nouvelle société qui commence à ressembler à une dictature virtuelle est en train de vous faire avaler avec quelque chamalows pour rendre plus agréable cette horreur…
Retrouvez toutes ces vidéos sur Facebook La Strada
(1) https://www.youtube.com/watch?v=8kwLfpMDEnQ
(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Philip_K.Dick
(3) http://www.avatarlife.fr/…/devantla-france-de-1977-philip-k…
(4) http://www.slate.fr/sto…/93921/politique-culturelle-pellerin
http://www.regards.fr/…/a…/fleurpellerin-acheve-le-ministere
Billet de blog 11 mai 2015
Attention Matrix ! - Edito de Michel Sajn in LA STRADA N°233 du 11 au 25 MAi 2015
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