Edito Michel Sajn in LA STRADA N°230
HARA KIRI
Nos sociétés se suicident par l’acculturation. Non qu’elles soient en dépression (crise), mais plutôt parce qu’elles sont dirigées par des ignares …
Baisse des subventions culturelles et disparition de plus 100 festivals. C’est le joli bilan politique français du moment nous dit le quotidien Libération (1). Il semble que l’acculturation soit devenue un sport national depuis ces 20 dernières années. Notre identité française n’est-elle pas culturelle puisqu’elle se fonde sur une idée : la République. Aussi la négation actuelle de la place de la Culture ne change-t-elle pas ce fondement en faisant devenir notre identité nationaliste et identitaire pour un trop grand nombre. On comprend mieux pourquoi le populisme règne en maître sur les sondages. Pourtant, tous les partis politiques classiques cherchent la cause ailleurs. Ils invoquent la crise pour s’excuser de faire de la Culture un parent pauvre, alors qu’elle est le seul moyen d’assurer la cohésion sociale. Car elle est avant tout un lien entre des notions, des gens, des lieux, mais aussi le sens que l’on y met … Mais à l’heure où, à gauche, on a peur que la France se fracasse contre son côté obscur (qui jadis a assombri un pan pénible de son Histoire), où certains, à droite, surferaient volontiers sur cette vague bleue marine et où tous, politiques et médias, ne font que parler de cet épouvantail, pour cause de perte de contenu, il est pénible d’admettre que la méthode du vote par défaut devait, un jour ou l’autre, nous mener à cette impasse. Cette “mode“ a trouvé d’autres nostalgiques à travers le monde dont les plus « hype » sont ces crétins qui détruisent des monuments et des statuts en plâtre (les vraies sont bien souvent vendues) pour impressionner l’Occident. Les pauvres… Ils n’ont pas encore compris que l’Occident se fout de ses propres valeurs car ses agences de notation les ignorent, le patrimoine n’étant pas en bourse (heureusement tout de même).
En somme, la Culture est en danger car on la détruit au bulldozer, à la machette, à la hache, mais aussi avec des lois, avec l’austérité, avec les outils d’abrutissement des masses. On peut observer un autre phénomène qui va dans ce sens avec les nouvelles productions de jeux télévisuels basés sur l’extrême. Certains de leurs producteurs, pour nous faire apprécier un paysage, pensent plus attractif d’organiser, dans un décor exotique, un camp de survie où gagne celui qui, après avoir subi toutes les maltraitances possibles, trahit tous ses partenaires. On connaît les conséquences morbides de ces jeux qui poussent aux limites leurs candidats … Cela rappelle ce film avec Michel Piccoli « Le prix du danger » (3) où le candidat doit survivre pour gagner. La mort ferait-elle vendre ?
Des terroristes, récemment, en voulant supprimer un journal en tuant ses acteurs, ont multiplié sa diffusion et ses ventes… N’est-ce pas tout aussi paradoxal ? Ils aident ainsi, volontairement ou fortuitement, les gouvernants occidentaux à adopter des lois, dans le droit fil du “Patriot Act“ américain, qui permettront aux États, sans aucun recours juridique possible pour leurs citoyens, d’espionner toutes leurs correspondances sur la toile, par téléphone, etc, au nom de la prévention du terrorisme et de la sécurité. Quelle convergence étrange entre des groupes nihilistes qui veulent détruire des pays et ces derniers. En effet, ils semblent ainsi les aider à opérer un contrôle total des libertés. En fait, les monstres se reconnaissent entre eux et ne s’entretuent pas, ils se partagent le festin.
Alors la crise n’est ni économique, ni politique, elle est culturelle… Car nous perdons le lien qui sert au “vouloir vivre commun“ et le “sens commun“ qui assurait jusqu’à présent la pérennité de nos civilisations. Cette crise ne peut donc être la raison de la destruction de la culture par la violence, par l’économie ou la politique à laquelle nous assistons. Elle ne peut même pas en être le prétexte, tant la contradiction est forte. Il n’y a là aucun complot, juste de l’incompétence et, pour dire vrai, de la bêtise. Et comme le dit le proverbe : bête et méchant vont bien ensemble. C’est pour cette raison qu’un célèbre journal a pris cette devise comme sous-titre : il s’appelait Hara Kiri, forme rituelle de suicide masculin par éventration, prémonitoire pour le spectacle que nous offrent nos sociétés.
(1) http://www.liberation.fr/culture/2015/03/15/baisses-desubventions- une-centaines-de-festivals-supprimes_1221077
(2) voir http://www.regards.fr/web/article/fleurpellerin-acheve-le-ministere et http://www.scoop.it/t/ revue-de-presse-theatre/p/4032630307/2014/11/29/ladrole-de-culture-de-fleur-pellerin -
(3) Le Prix du danger est un film franco-yougoslavie