Michel THYS

Abonné·e de Mediapart

2 Billets

0 Édition

Billet de blog 4 janvier 2015

Michel THYS

Abonné·e de Mediapart

«Liberté de conscience» ? « Liberté religieuse » ?

Michel THYS

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Certes, les libertés de conscience et de religion (pas de pensée !) sont « garanties » par les Constitutions des États démocratiques. Mais sont-elles pour autant acquises, voire innées et effectives ? À mes yeux, elles ne sont que symboliques, car elles ne s'acquièrent qu'en prenant conscience des nombreux déterminismes (héréditaires, hormonaux, éducatifs, culturels, religieux, idéologiques, sociaux, politiques, etc...) qui régissent l'être humain. Son orgueil dût-il en souffrir, il n'est pas aussi « libre » qu'il le pense ! Le neurobiologiste Henri LABORIT, l’avait bien compris dans « Éloge de la Fuite », page 59 :

« Je suis effrayé par les automatismes qu’il est possible de créer à son insu dans le système nerveux d’un enfant. Il lui faudra, dans sa vie d’adulte, une chance exceptionnelle pour s’évader de cette prison, s’il y parvient jamais ». Et,répondant à Jacques LANGUIRAND, à Radio Canada, il disait :« Vous n’êtes pas libre du milieu où vous êtes né, ni de tous les automatismes qu’on a introduits dans votre cerveau, et, finalement, c’est une illusion, la liberté ! ». Ou encore : « Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici que cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change » (dernière phrase du film, « Mon oncle d'Amérique » (1980), écrit par Alain RESNAIS.

Origine des croyances religieuses.

Les croyances et les pratiques religieuses sont la conséquence des capacités d’adaptation issues de la sélection naturelle. C'est sans doute en raison de sa faiblesse corporelle que l'homo sapiens s'est redressé il y a quelque 100.000 ans, et que la sélection naturelle, grâce à la bipédie et à l'acquisition du langage, a lentement hypertrophié son néo-cortex pré-frontal et son lobe temporal droit, le rendant alors capable il y a environ 50.000 ans d’imaginer d'abord des « esprits » (d'où l'animisme, le chamanisme, ...), puis un nouveau « mécanisme de défense » : le recours à des dieux protecteurs et anthropomorphes (plus tard à un seul), dont il tentait d’apaiser la colère, ou de gagner les faveurs, par des sacrifices.

Malgré les connaissances scientifiques acquises, notre cerveau est comparable anatomiquement, physiologiquement et psychologiquement à celui des humains d'il y a des millénaires, ce qui expliquerait qu'il y a sur la planète près de 7 milliards de croyants ou de déistes. Pour autant, notre cerveau est-il « programmé pour croire » (cf « Science et Vie » en 2005, dans « Pourquoi Dieu ne disparaîtra jamais») ?

La foi : un choix vraiment libre ?

Dans « La religion est-elle innée ? », le professeur de psychologie Vassilis SAROGLOU de l'Université catholique de Louvain, évoque « l'existence de prédispositions génétiques à la religiosité ». Il a écrit : « Le fait d'avoir la foi (...)n'est pas tellement, d'un point de vue statistique, une question de choix. C'est plutôt une question de continuité ou d'assimilation de tout le bagage mental ou affectif que l'on a reçu par le biais de la socialisation, qu'il s'agisse de croyance, de pratique, d'émotion ou de valeurs » (...) « Le fait d'avoir eu des parents religieux et d'avoir reçu une éducation religieuse est le facteur le plus important pour déterminer les probabilités d'être, de rester ou de redevenir soi-même croyant, que ce soit à l'adolescence ou ultérieurement à l'âge adulte ».

Interprétation psychologique, éducative et culturelle de la foi.

L’émergence de la liberté de croire ou de ne pas croire est généralement compromise, à des degrés divers : elle l'est d’abord (heureusement de moins en moins au fil des générations !) par l’imprégnation de l’éducation religieuse familiale précoce (d'autant plus facilement que le tout jeune enfant est déjà naturellement animiste), éducation forcément affective puisque fondée sur l’exemple et la confiance totale envers les parents (influence certes légitime mais hélas unilatérale, identitaire et communautariste).

Elle l'est ensuite par l’influence d’un milieu éducatif croyant occultant volontairement toute alternative humaniste, rationnelle, philosophiquement laïque. L’éducation coranique, exemple extrême, en témoigne à 99,99 % : la soumission à tous points de vue y est en effet totale (cf. le très grand nombre de musulmanes voilées), comme dans les sectes, et à un degré à peine moindre dans le judaïsme, le protestantisme évangélique, la religion orthodoxe, le catholicisme surtout fondamentaliste, et enfin dans le protestantisme libéral et le bouddhisme.  

Point de vue d'un éminent psychologue religieux :

Déjà en 1966, le psychologue-chanoine Antoine VERGOTE, prédécesseur de Vassilis SAROGLOU à l’Université catholique de Louvain, avait constaté, dans « Psychologie religieuse » (sans doute à son grand dam), qu’en l’absence d’éducation religieuse, la foi n’apparaît pas (les parents incroyants en témoignent a contrario), et que la religiosité à l’âge adulte en dépend (et donc aussi l’aptitude à imaginer un « Père » protecteur, « agrandi, substitutif » et anthropomorphique, fût-il qualifié d'«authentique, épuré, Présence Opérante du Tout-Autre ». Ainsi, page 294 :

« La disponibilité religieuse de l’enfant ne prend forme qu’à la condition d’avoir été précocement éduquée. Toutes les observations l’ont confirmé : l’influence des parents est le facteur le plus décisif dans la formation des attitudes religieuses.(…) Les gestes et le langage religieux des parents, la célébration des fêtes religieuses marquent de façon indélébile les souvenirs d’enfance de nombreux adultes, et déterminent leurs sentiments d’appartenance religieuse. (…). L’extraordinaire permanence des attitudes religieuses, que de nombreuses enquêtes ont mis en lumière, s’explique certainement par l’influence prépondérante de l’éducation familiale.»(…).

Interprétation neurophysiologique :

Comment expliquer la fréquente persistance de la sensibilité religieuse ou déiste ? Les neurosciences tendent, me semble-t-il, à confirmer son imprégnation neuronale : des neurophysiologistes ont en effet constaté que si les hippocampes (centres de la mémoire explicite) sont encore immatures à l’âge de 2 ou 3 ans, les amygdales (du cerveau émotionnel), elles, sont déjà capables de stocker inconsciemment le souvenir d'événements à forte charge affective ou des souvenirs émotionnels tels que, par exemple, l'atmosphère « envoûtante » d'une église, les prières et autres comportements religieux des parents, voire leurs inquiétudes métaphysiques, sans doute reproduits via les neurones-miroirs du cortex pariétal inférieur. Ces « traces » neuronales, appelées « engrammes », sont indélébiles, et se renforcent par plasticité neuronale, au fur et à mesure des expériences religieuses.

Les observations par IRM fonctionnelle et par tomographie à émission de positons suggèrent que le cerveau rationnel, le cortex préfrontal notamment, et donc aussi bien l’esprit critique que le libre arbitre ultérieurs s’en trouvent inconsciemment « éteints », et donc « anesthésiés », à des degrés divers, indépendamment de l’intelligence et de l’intellect, du moins en matière de foi.

Je ne partage pas la vision d'André MALRAUX.

Je pense que, face à l'affrontement croissant entre les trois monothéismes, « la tâche (de ce )siècle » ne sera pas d'y « réintégrer les dieux » (antagonistes et déjà suffisamment réintroduits !), ni de tenter de les éradiquer (ce serait illusoire du fait notamment de la composante irrationnelle du cerveau humain et du besoin de sécurisation au sein d'une communauté).

À mes yeux, un adolescent a le droit (art. 18 de la DUDH de 1948) de pouvoir choisir en connaissance de cause et aussi librement que possible, entre la croyance religieuse ou l'incroyance, c'est-à-dire, pour le  dire en bref, entre la soumission ou l'autonomie. Ainsi, page 294 :

« La disponibilité religieuse de l’enfant ne prend forme qu’à la condition d’avoir été précocement éduquée. Toutes les observations l’ont confirmé : l’influence des parents est le facteur le plus décisif dans la formation des attitudes religieuses.(…) Les gestes et le langage religieux des parents, la célébration des fêtes religieuses marquent de façon indélébile les souvenirs d’enfance de nombreux adultes, et déterminent leurs sentiments d’appartenance religieuse. (…). L’extraordinaire permanence des attitudes religieuses, que de nombreuses enquêtes ont mis en lumière, s’explique certainement par l’influence prépondérante de l’éducation familiale.»(…).

Conclusion politique  ... ?

Dans l'esprit des Lumières et de la Loi de 1905, il me semble impératif de modifier enfin la Constitution française (et belge) pour que les religions, les sectes et même idéalement les parents croyants n'aient plus le droit, fût-ce « de bonne foi », d'imposer affectivement leurs croyances dès la prime enfance, en l'absence de tout esprit critique. Les religions ont en effet suffisamment piégé les incroyants en exploitant l'actuelle conception laxiste et électoraliste de la tolérance et de la neutralité, via la laïcité « politique » française qui leur est paradoxalement favorable en l'absence d'une  laïcité « philosophique », à la belge (trop timide)!

J'estime donc que, par une saine conception de la neutralité et au nom de la plus élémentaire honnêteté intellectuelle et morale, les États européens, « intellectualisés » mais hélas souvent inféodés aux religions, devraient avoir le droit constitutionnel, et même l'obligation légale, de faire découvrir de manière progressive et non prosélyte à TOUS les enfants et adolescents, même et surtout musulmans, l'existence des options non-confessionnelles de l'humanisme laïque, actuellement occultées volontairement par toutes les religions, notamment par le biais de l'enseignement catholique (dont le projet éducatif reste hypocritement évangélisateur).

Tant qu'il en est temps ...

C'est qu'au-delà de l'adolescence, les croyants adultes, persuadés d'avoir librement choisi de croire et pour ne pas se déstabiliser dans leurs certitudes, remettent rarement leur foi réconfortante et conviviale en question. Ils n'admettront donc jamais que leur dieu ait pu être imposé de manière indélébile à leur cerveau émotionnel, puis rationnel, et que son existence ne soit que subjective et illusoire.

Les prochaines décennies devraient logiquement favoriser, au moins dans les pays intellectualisés, la compréhension du fonctionnement du cerveau humain et donc de l'origine exclusivement éducative et culturelle de la foi ainsi que sa fréquente persistance neuronale exploitée par toutes les religions. Puisse l'alternative de l'humanisme laïque faire découvrir qu'il est possible de donner un sens moins individualiste à l'existence et qu'il existe aussi une spiritualité laïque, dans le sens de non-confessionnelle.

 Enfin, étant entendu que l'immense majorité des musulmans sont pacifiques et respectent nos usages et nos lois démocratiques, il me semble indispensable qu'une vigoureuse réaction politique ose enfin dénoncer les prétentions de l'islamisation croissante, sans quoi, dans quelques décennies, lorsque la «majorité démographique» islamique aura acquis «démocratiquement» le droit d'imposer la charia, nos valeurs humanistes et démocratiques risquent fort d'être remplacées par des prescrits théocratiques ...

Merci pour vos commentaires, et surtout pour vos critiques, courtoises s'entend !

 Michel THYS, en Belgique.

http://michel.thys.over-blog.org/article-une-approche-inhabituelle-neuroscientifique-du-phenomene-religieux-62040993.html

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.