Bonjour,
Je ne partage pas les critiques formulées par Kamal Abdul-Malak à l'égard de Nadia Geerts.
La symbolique du voile :
Dans « le contexte social et politique marqué par les discriminations, notamment des populations issues de l'immigration africaine », la « symbolique » du voile n'est pas « secondaire ». À mon sens, elle renforce au contraire les discriminations et le sentiment d'inégalité. La stigmatisation et les difficultés de la vie quotidienne ne constituent pas un argument en faveur du voile à l'école, car l'y autoriser annihilerait son rôle émancipateur et intégrateur. Cela favoriserait en outre les demandes, déjà excessives, d' «accommodements raisonnables» inspirés par la charia. C'est avec raison, selon moi, que Nadia Geerts affirme son droit de donner au voile un « sens » différent de celui d'une musulmane voilée.
Un projet politique ?
Oui, comme elle, je vois, « derrière le voile, un projet politique », les femmes étant « porteuses à leur insu d'un tel projet », et donc instrumentalisées ». Le dire n'est pas « paternaliste » mais un fait sociologiquement observé par leur absence fréquente de refus de le porter, ou de fuite. En outre, ce projet politique amène nécessairement à une diminution des libertés et des inégalités.
Liberté individuelle ?
J'irai même plus loin que Nadia Geerts en osant poser une question fondamentale, même si elle dérange tous les croyants, en particulier les musulmans : dans quelle mesure ont-ils vraiment choisi leur religion et même de croire ou de ne pas croire ?
Je pense que, du fait de nos nombreux déterminismes (héréditaires, hormonaux, éducatifs, culturels, religieux, idéologiques, sociaux, politiques, etc...), notre amour-propre dût-il en souffrir, nous sommes tous, athées compris, moins libres que nous ne le pensons. Le neurobiologiste Henri LABORIT, l’avait bien compris, écrivant même dans « Eloge de la Fuite », page 59 :
« Je suis effrayé par les automatismes qu’il est possible de créer à son insu dans le système nerveux d’un enfant. Il lui faudra, dans sa vie d’adulte, une chance exceptionnelle pour s’évader de cette prison, s’il y parvient jamais ». Répondant à Jacques LANGUIRAND, à Radio Canada, il disait :« Vous n’êtes pas libre du milieu où vous êtes né, ni de tous les automatismes qu’on a introduits dans votre cerveau, et, finalement, c’est une illusion, la liberté ! ». Ou encore : « Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici que cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change » (dernière phrase du film, « Mon oncle d'Amérique » (1980), écrit par Alain RESNAIS. Personne n'est vraiment libre : on ne peut que tendre vers plus de liberté.
La foi, un choix vraiment libre ?
« La foi se vit d'abord à l'intérieur de soi », et la religion est une affaire privée, mais à condition d'avoir pu choisir de croire OU de ne pas croire. Les jeunes musulmanes, à qui la soumission au coran, à la charia, etc. est imposée dès la prime enfance et sans aucune alternative, sont forcément incapables de pouvoir choisir ce qu'on leur a volontairement occulté.
Devenues adultes, même chez nous et actuellement, elles restent le plus souvent voilées, d'autant plus qu'elles sont âgées. J'y vois au moins trois raisons : l'imprégnation précoce, affective et indélébile de l'endoctrinement religieux, l'autoritarisme machiste musulman, et enfin une affirmation croissante de l'identité musulmane, sous la pression des imams et autres islamistes de plus en plus revendicateurs. L'apostasie est en outre impensable ou condamnée en terre d'islam, au mépris de l'art. 18 de la DUDH de 1948. Enfin, n'est-il pas admis que des mosquées ont été construites en France avec l'aide du Qatar ou de l’Arabie Saoudite et qu'ils tirent « les tirent les fils à distance ».
Un islam démocratique ?
Par définition et par tradition, l'islam est, et sera toujours, une théocratie.
Un « islam démocratique » serait oxymoresque (sans jeu de mots), ce qui n'empêche pas l'immense majorité des musulmans pacifiques de chez nous de s'accommoder de notre démocratie et de ses avantages. Mais ils n'ont que des droits ; aucun devoir ni obligation de respecter nos lois, usages, etc. Lorsque, dans certains pays musulmans, la démocratie progresse, l'islamisme ne tarde pas à réagir : la Turquie en a témoigné depuis longtemps, et d'autres pays plus récemment.
L'État complice du prosélytisme religieux ?
Une musulmane qui dit: « Je suis et je reste musulmane » prouve qu'elle est imperméable à tout argument rationnel ou scientifique susceptible de la faire évoluer dans ses conceptions ou convictions. Mais c'est logique puisqu'elle n'a jamais connu que le dogmatisme. C'est pourquoi je regrette la conception française (mais aussi belge), laxiste et électoraliste, de la « tolérance », de la « neutralité » et de la « laïcité politique », paradoxalement favorable à tous les prosélytismes religieux, dont surtout celui de l'islam actuellement.
À mes yeux, par simple honnêteté intellectuelle, dans l'intérêt supérieur de l'enfant et de l'adolescent, l'État devrait plutôt compenser les influences familiales, certes légitimes mais unilatérales et donc communautaristes, en fournissant à TOUS les jeunes une information minimale, objective et non prosélyte À LA FOIS sur les principales religions (et le degré de soumission qu'elles imposent) ET sur l'humanisme laïque (les options non confessionnelles, l'autonomie, l'esprit critique, le libre-examen qu'il propose).
Un critère de jugement ?
J'estime que le critère, c'est de reconnaître, ou non, les valeurs de la DUDH. Or l'islam ne reconnaît pas cette Déclaration ... À mon sens, des valeurs morales telles que le respect de l'autre, de sa différence enrichissante (tant qu'elle n'est pas fondamentaliste et terroriste !), de la dignité de l'homme, de la femme et de l'enfant, de leur liberté (effective, pas seulement symbolique !) de conscience, de religion, de pensée et d'expression, ne sont pas « universelles » mais « universalisables », dans le sens laïque de "sacrées", de non négociables, parce que bénéfiques à tous et partout. C'est la condition sine qua non du vivre-ensemble.
Pourquoi des lois anti-voile ?
Si « des lois ont été spécifiquement écrites à l'encontre du voile », c'est parce qu'il symbolise la soumission imposée. « Une personne portant le foulard » s'exprimera toujours moins librement que si elle n'avait accepté aucune soumission. Une musulmane est « autre chose qu'une musulmane » : c'est évidemment une personne à part entière, totalement égale à une autre, en dignité et en droits, mais qui n'est hélas que potentiellement libre. Libérable, heureusement ... « Le durcissement des lois laïques » était nécessaire à cause de la prétention de l'islamisme de s'imposer à terme au monde entier, et d'imposer à nouveau la dhimmitude. On serait loin alors des « mutations décisives de la pluralité consentie comme telle » d'Edouard GLISSANT !
Merci pour vos commentaires et vos nombreuses critiques !
Michel THYS