La métropole à la croisée des chemins.
Comme dans le reste des métropoles françaises, à Bordeaux, l’urgence climatique et écologique, qui devrait être notre priorité à tous, nous impose de modifier radicalement notre perception de l’avenir. La mutation urbaine bordelaise des décennies passées1est en attente d’un nouveau récit. Certes, à l’instar d’autres collectivités, la Ville et la Métropole ont appliqué nombre de décisions courageuses en matière environnementale, énergétique, urbanistique ou de mobilité. Mais ces orientations demandent désormais à être reconsidérées à l’aune des enjeux climatiques contemporains. Citoyens ou élus, il nous faut à présent concevoir, mûrir et concrétiser des résolutions fortes.
Dès la rentrée, il serait salutaire que les projets des candidats aux municipales soient empreints de courage et d’audace. Il y a en effet nécessité de prendre des décisions radicales, majeures, pour relever les défis et lancer des actions à leur hauteur. La crise écologique est là, terrible, du réchauffement climatique à la perte de biodiversité, de l’explosion démographique à celle de la pauvreté, engageant la survie de l’humanité. Il nous faut imaginer des solutions qui donnent l’exemple et auront un effet d’entraînement sur les autres territoires. Après trente années de mandats locaux, je soumets à la réflexion des candidates et candidats aux fonctions électives municipales et métropolitaines de premières pistes de réflexion, qui peuvent valoir pour d‘autres.
Décider d’un moratoire de 5 ans sur les constructions : Ne plus accorder de permis sur un espace vierge de construction, mais privilégier l’exploitation, la réhabilitation ou la rénovation du bâti existant. Cette stratégie aura l’avantage de développer et de sauvegarder des espaces agricoles, de nature, de biodiversité. Arrêter l’étalement urbain s’avère une nécessité pour limiter les déplacements automobiles, grands accélérateurs du changement climatique. Cette expansion va de pair avec le mitage des surfaces naturelles et agricoles. À titre d’exemple, chaque année, c’est la superficie d’une commune comme Libourne qui est artificialisée dans le département de la Gironde.
Mettre en place un péage pour la rocade – le périphérique ou le contournement –, ainsi que pour le territoire à l’intérieur du périmètre ainsi délimité. La gratuité s’appliquerait dès la présence d’un passager. Cet encouragement au partage de la voiture entrainera une nette diminution de la pollution atmosphérique et des embouteillages. Les recettes seront affectées aux transports publics.
La gratuité des transports en commun. Cette mesure peut faciliter l’abandon de la voiture individuelle et générer un report significatif vers les transports publics. En incitant ainsi financièrement les habitants à prendre bus et trams, on peut espérer une nette baisse de trafic. Hormis l’évolution des comportements, aucune solution – technologique ou d’infrastructure – ne réduira à court terme la congestion automobile.
Limiter notre expansion humaine.Toutes les solutions seront vaines si la démographie poursuit sa course actuelle. À l’échelle locale, par exemple, l’arrivée de nouveaux habitants dans nos communes – métropole, département ou région – interfère avec nos avancées environnementales. Il s’agit d’une composante majeure du défi écologique car même quand nous diminuons certaines émissions nocives, les résultats de nos efforts en sont perturbés. Quel doit être le nombre d’habitants et de visiteurs pour que l’empreinte écologique reste soutenable ? Nous devons déterminer une taille de population et la stabiliser. Dans le même ordre d’idées, la question des politiques natalistes menées dans notre pays se pose avec acuité et il serait important que députés et sénateurs s’en saisissent concrètement.
Le principe de réalité et le parler vrai doivent conduire le projet politique. Promettre le possible, le souhaitable, pas la lune ! Il n’y aura pas de technologies salvatrices et de lourds équipements de long terme tout aussi salvateurs. Ainsi, le métro à Bordeaux n’a pas sa place : non seulement son financement n’existe pas, mais il ne serait qu’un doublon inutile du tramway sans remise en cause de la place de la voiture. Il n’y aura pas davantage de RER métropolitains mais au mieux, et tant mieux, une amélioration des TER. Arrêtons collectivement de rêver et de faire rêver alors qu’il suffit d’opérer la mutation culturelle nécessaire. C’est aujourd’hui qu’il nous faut tous changer de cap et agir.
Michel Duchène
Vice-président de Bordeaux Métropole en charge des grands projets d’aménagement urbains
Auteur du livre La grande métamorphose de Bordeaux, éditions de L’aube, novembre 2018.
1Détaillée dans La grande métamorphose de Bordeaux, éditions de L’aube, novembre 2018.