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Billet de blog 10 juin 2022

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Remdesivir : arrêtons les dégâts !

Effets indésirables graves, inefficace, cher, controversé : le remdesivir bientôt réautorisé par l'Union européenne ?

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Après l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle accordée pour le remdesivir du laboratoire pharmaceutique Gilead le 25 juin 2020 par l’Agence européenne des médicaments (EMA) contre le Covid-19, le renouvellement annuel de l’autorisation de ce produit controversé a été recommandé, sans tenir compte des études scientifiques concluant à son inefficacité et comptabilisant ses effets indésirables graves. L’objection que j’ai déposée au Parlement européen et qui sera votée le 14 juin 2022 en commission environnement et santé publique, demande à suspendre cette réautorisation.

Le remdesivir est un traitement antiviral administré par transfusion et développé à l'origine pour traiter l'hépatite C, puis ensuite contre la fièvre hémorragique Ebola et la maladie à virus Marburg, avant d’être utilisé contre le Covid-19.

Bien que le remdesivir ait d’abord bénéficié d’autorisations d’urgence ou conditionnelles aux Etats-Unis, au Japon et pour l’Union européenne, le consensus scientifique sur l’inefficacité du remdesivir était unanime en 2020 et 2021. En septembre 2020, le Réseau européen pour l'évaluation des technologies de la santé (EUnetHTA) concluait que « les preuves de l'efficacité du COVID-19 sont incohérentes (…) Il est urgent d'obtenir des preuves supplémentaires provenant de vastes essais cliniques randomisés pour lever les incertitudes ». L’essai clinique Solidarity de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mené sur 2.750 adultes traités au remdesivir dans 405 hôpitaux de 30 pays sur plus de 11.000 patients sous Covid-19, a publié le 15 octobre 2020 ses résultats intermédiaires montrant que le médicament de Gilead n'avait pas d'impact significatif sur la mortalité, ni sur la durée d'hospitalisation et le besoin de ventilation chez les patients hospitalisés. Le 20 novembre 2020, l'OMS a recommandé de ne pas utiliser le remdesivir chez les patients atteints du Covid-19. L’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a conclu à son tour en septembre 2021, lors de la parution des résultats définitifs de son essai Discovery, en partie financée par des fonds européens, que « l’utilisation du remdesivir dans le traitement de patients hospitalisés avec le Covid-19 n’était pas associée à une amélioration clinique au quinzième ou au vingt-neuvième jour, ni avec une réduction de la mortalité, ni avec une réduction de l’ARN SARS-COV-2. »

Des études incomplètes ou co-écrites par Gilead

Malgré ce manque de preuves solides, le remdesivir a été réautorisé sur la base d’une poignée d’études discutables, aux résultats incomplets ou incertains et aux effectifs très réduits. Comme par exemple, les 279 patients traités au remdesivir dans l’étude américaine Pinetree, financée et co-écrite par Gilead. Ou encore le groupe des 541 patients remdesivir de l’étude NIAID-ACTT-1, publiée en 2020. Soit nettement moins que la population suivie dans Solidarity

L’OMS, toutefois, depuis le 22 avril 2022, a mis à jour sa recommandation. Elle suggère désormais l'utilisation du remdesivir chez les patients atteints de Covid-19 léger ou modéré présentant un risque élevé d'hospitalisation, alors que les résultats finaux de Solidarity soulignent : « Des perfusions de remdesivir peuvent réduire quelque peu le risque de décès, mais il y a une grande incertitude. » L'essai clinique précise aussi que les résultats de ACTT-1 « a exagéré les effets du remdesivir sur le temps de récupération », ajoutant que « ces analyses non ajustées de l'ACTT-1 ont conduit les organismes de réglementation américains, britanniques et européens à approuver le remdesivir ». 

Plus du tiers des 15.000 cas d’effets secondaires dus à des traitements Covid-19 liés au remdesivir 

Plus préoccupants, différents effets indésirables graves ont aussi été associés à l'utilisation du remdesivir, en particulier des intoxications rénales, du foie et le ralentissement du rythme cardiaque...

Ainsi, bien que plusieurs études aient alerté dès 2020 sur les cas de lésions rénales aiguës chez des patients atteints de Covid-19 traités par le remdesivir, le comité pharmacovigilance de l'EMA (PRAC) a conclu en février 2021 qu'il n'y avait aucune preuve indiquant que les problèmes rénaux notifiés soient liés aux transfusions de remdesivir. L'Agence italienne des médicaments (AIFA), dans le même temps, a pour sa part signalé 11 cas de troubles cardiaques chez des patients ayant reçu le remdesivir, entrainant le PRAC a reconnaître, en juin 2021, que la « relation de cause à effet entre l'utilisation du médicament et cet événement indésirable est au moins une possibilité raisonnable ». Les effets indésirables liés au remdesivir à lui seul représentent plus du tiers des 15.000 cas d’effets secondaires dus à des traitements Covid-19 rapportés dans VigiBase, la base de données de l’OMS des effets indésirables des médicaments. Les cas signalés les plus fréquents associés au remdesivir concernent des dysfonctionnements hépatiques, des lésions rénales, des décès et des bradycardie.

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325 euros la dose en Europe, 5 dollars en Inde

Depuis 2020, les pays européens ont dépensé plus de 220 millions d’euros suite à l’achat de près de 640.000 doses de remdesivir, pour un prix moyen d'environ 325 € la dose soit un total de 2.000 € le traitement complet de cinq doses. Alors qu’en Inde, Gilead vend son traitement autour des 5 $, la dose. La controverse sur l’efficacité du remdesivir et les profits outranciers de Gilead, sur le dos des systèmes d’assurance maladie européens, nous rappelle le scandale du Tamiflu, l’antiviral fabriqué parle laboratoire Roche. Dans le contexte de la pandémie H1N1 de 2009, les gouvernements de l'Union européenne ont aussi stocké du Tamiflu en pensant qu'il préviendrait les effets secondaires de la pandémie de grippe porcine. Finalement, ils se sont rendu compte qu'ils gaspillaient des milliards d'euros pour un médicament dont l'effet était comparable à celui du paracétamol. Ne refaisons pas la même erreur.

De sérieux doutes subsistent quant à la sécurité du remdesivir. Nous avons besoin de plus de données et des études cliniques fiables et indépendantes, effectuées sur un plus large panel de personnes, avant de renouveler son autorisation de mise sur le marché conditionnelle.

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