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Billet de blog 17 mars 2023

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Affaire Heiko von der Leyen : la Commission européenne nie les conflits d’intérêts

La Commission européenne estime que les activités commerciales de Heiko von der Leyen dans l'industrie pharmaceutique ne sont pas incompatibles avec le rôle institutionnel de sa femme, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne et ne présente pas de cas de conflits d'intérêts.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après les révélations des médias italiens et allemands au sujet des activités commerciales quelque peu gênantes de Heiko Von der Leyen, l’époux de la présidente de la Commission européenne, nous - huit eurodéputés écologistes1 - avons adressé une lettre ouverte au Commissaire européenne à la transparence, Vera Jourova

Nous avions demandé à Madame Jourova et aux trois membres du comité d’éthique de la Commission européenne de se pencher sur le dossier, d’étudier les informations contenues dans notre lettre et de statuer s'il était éthique que la société privée du mari de la présidente de la Commission européenne (Heiko VDL est directeur médical d'Orgenensis Int. et directeur général d'Orgenesis Italie) soit impliquée dans des projets financés ou cofinancés par les programmes européens. 

Illustration 1

La réponse de la commissaire européenne à la transparence 

C’était en décembre 2022. Trois mois plus tard, la semaine dernière, nous avons enfin reçu la réponse de la commissaire Jourova. Dans sa réponse longue de six pages, la commissaire à la transparence s’efforce à démontrer qu'il n'y a aucun conflit d'intérêts ni de violation de code éthique sur les points problématiques soulevés dans notre courrier. 


A lire, mon article sur les activités dérangeantes du couple von der Leyen.


Concernant la participation de la société de monsieur Von der Leyen,  Orgenesis Italy, au sein du comité de surveillance de la fondation « Centre national pour la thérapie génique et les médicaments basés sur la technologie de l’ARN»2 ayant reçu 320 millions d'euros du plan de relance italien, madame Jourova exclut tout conflit d’intérêts. Elle note que « La Commission n’a pas participé et n’a pas participé  à la sélection du projet » et que « l’appel et la sélection du projet relèvent de la responsabilité du ministère italien des Universités et de la Recherche »

Cependant, madame Jourova omet d'expliquer pourquoi monsieur Von der Leyen a démissionné du Conseil de Surveillance de cette Fondation, à la suite des révélations de la presse italienne.  

- Quant au financement des 4 millions d'euros de l’une de filiales d’Orgenesis, Mida Biotech, basée au Pays-Bas, par le programme européen Horizon Europe, madame Jourova nous explique que ce financement a eu lieu via l'agence exécutive européenne EISMEA3. « L’octroi du financement européen est du ressort du directeur de l’agence EISMEA », nous apprend la lettre, en ajoutant que « la Commission et son président ne sont pas impliqués dans ces décisions d’attribution individuelles ». En somme, il n’y a aucun conflit d’intérêts.  

Ce que la commissaire ne nous explique pas, en revanche, c’est que cette agence exécutive, EISMEA, est mise en place et gérée par la Commission européenne.  

Une "politique de l'autruche" malgré les scandales 

Encore une fois, nous sommes, ici, face à une forme de « politique de l’autruche » car la commissaire à la transparence nous assure qu'il n'y a aucun cas de conflit d'intérêts, ni de  « pantouflage » ou encore de corruption au sein de la Commission. Cette affirmation nous arrive juste après les scandales Hololei (ce patron de la direction générale Mobilité et Transports (Move) au sein de la Commission qui s’est rendu à plusieurs reprises au Qatar aux frais de cet État alors que son service négociait avec les Qataris un accord de transport aérien) ou encore l’affaire de Hoffman /Dentsu.

Dans ces affaires aussi, comme à son habitude, la Commission a confirmé publiquement que ces haut-fonctionnaires européens n’ont enfreint aucune règle d’éthique. Conclusion maintenue même quand il s’est avéré que monsieur Hololei a lui-même évalué les conflits d’intérêts potentiels liés à ses voyages offerts par l’État qatari. 

Il est pourtant évident que le cadre éthique actuel des institutions européennes ne tient pas la route. On a affaire à une forme d’auto-approbation, des comités d’éthiques internes des institutions étant composés des fonctionnaires ou des élus européens statuant sur le comportement de leurs collègues. Cette autorégulation ne marche pas. Il n’y a jamais d’annonce d’enquête interne conduisant à des sanctions, peu importe la gravité du scandale révélé. Et, même lorsque des sanctions administratives sont appliquées, ces informations restent confidentielles. 

L'urgence d'un organisme d'éthique indépendant 

C’est justement pour remédier à cette absence totale de contrôle externe et indépendant du respect des règles d’éthique au sein des institutions de l’Union européenne que nous avions exhorté la Commissaire européenne à la transparence à proposer rapidement un organisme d'éthique indépendant qui s'appliquerait à toutes les institutions de l’Union et qui aurait un pouvoir d'enquête et de sanction.

Même si madame Jourova a voulu nous convaincre que les structures existantes comme l’OLAF4 ou encore le Parquet européen sont tout à fait en mesure de répondre aux allégations de faute grave au sein de l’administration européenne, elle nous a tout de même confirmé que la Commission européenne allait rapidement proposer « la création d’un organe d’éthique commun à toutes les institutions de l’UE ». 

Il est impératif de légiférer au niveau européen, d’imposer des règles d’éthique claires et des sanctions publiques qui seront appliquées par un organisme d’éthique de l’UE. C’est une condition sine qua non pour restaurer un peu de la confiance de nos concitoyens envers l’Europe. 

1Michèle Rivasi, Benoit Biteau, Claude Gruffat, Damien Carême, Caroline Roose, Rosa D'Amato, David Cormand, François Alfonsi. 

2Il s’agit d’un projet mené par l’Université de Padoue comprenant au total 49 partenaires (24 universités publiques, un institut de recherche public, deux universités privées, un institut de recherche privé, un hôpital privé, trois fondations privées et 17 entreprises privées sont Orgenesis Italy srl).

3EISMEA - l’Agence exécutive du Conseil européen de l’innovation et des PME. 

4OLAF - le bureau de lutte anti-fraude de l’Union européenne.

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