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Billet de blog 11 mai 2023

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Mixité sociale des collèges de l'Essonne (public et privé sous contrat)

Ancien responsable syndical enseignant en Essonne, ma curiosité a été aiguisée par des déclarations du ministre Pap Ndiaye et du responsable de l'enseignement catholique sur la mixité sociale des établissements. J'ai voulu voir ce que cela donnait sur un territoire que je connais pas mal. Les résultats dépassent ce que je pensais !

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Mixité sociale des collèges de l'Essonne

Depuis que le ministère de l'éducation nationale est obligé de rendre public son indicateur « indice de position sociale (IPS) » il est à craindre que de nombreuses publications l'utilisent pour en faire des classements, incitant à la concurrence entre établissements et au consumérisme scolaire. Mais cet indicateur peut aussi servir à autre chose pour toutes celles et ceux, élus, syndicalistes, et militants d'associations, qui ne se résignent pas à ce que l'école reproduise les inégalités ou voire les aggrave. Il n'y a, de plus, aucune raison à laisser aux seuls hauts cadres de l'éducation nationale la maîtrise de cet outil, qui pourrait peut-être aussi appuyer le combat pour plus d'égalité.

1) Qu'est ce que l'IPS ?

Pour mesurer la mixité sociale des établissements scolaires (écoles primaires, collèges, lycées) le ministère de l’éducation nationale a conçu, en 2016, un indicateur, l’indice de Position Sociale (IPS) 1, public depuis 2022 il se trouve dans la base de données du ministère2 . L'IPS d'un établissement est la moyenne des IPS individuels de ses élèves et résume les conditions socio-économiques et culturelles des familles des élèves qui y sont accueillis. Il est censé permettre ainsi de rendre compte des disparités sociales et culturelles existante les entre établissements. Plus l'IPS de l'établissement est élevé, plus les élèves sont ainsi supposés pouvoir mieux réussir scolairement, il est compris entre  38 et 179.

L’IPS moyen national est de 103, en Essonne pour les collèges il est de 108,7 (104,9 dans le public et 131,8 dans le privé) et est compris entre 65,1 et 144,6.

Comme tout indice, celui-ci est critiquable, surtout s'il est utilisé sans recul. A voir les résultats sur l'ensemble des collèges de l’Essonne, l'IPS ne révèle pas franchement de surprise. Il confirme par exemple que les établissements de la zone Corbeil, Evry, Grigny ont un public dont la réussite scolaire est pas à priori moins évidente que celui des collèges de la vallée de l'Yvette.

De nombreuses études ont montré que les conditions socio-économiques, culturelles des familles, avaient un rôle dans la réussite de leurs enfants. Pour avoir plus de chance de réussir à l'école, il vaut mieux vivre à Orsay dans une famille de profession intellectuelle, qu'à Grigny dans une famille mono parentale. Cela ne veut pas dire qu'un enfant de Grigny ne réussira pas sa scolarité, mais que les chances (en terme de probabilité) d'y parvenir seront nettement plus faibles que celles de l'enfant d'Orsay.

Méthodologie : toutes les données d'IPS utilisées ici correspondent à l'année scolaire 2022/2023 et ont été téléchargées depuis la base de données du ministère citée plus haut. Un examen assez rapide de données des années précédentes m'a convaincu que les variations observées étaient dans la marge d'erreur. L'indice n'en est qu'à sa 7ème année, les amateurs d'évolution temporelle devront encore attendre un peu pour avoir des résultats interprétables.

  1. Les collèges publics de l'Essonne

Illustration 1
Collèges de l'Essonne © M.G.

Il y a 100 collèges publics dans le département. Les résultats sont synthétisés dans le graphique ci-dessous, les collèges privés y figurent aussi mais seront examinés dans le paragraphe suivant.

Illustration 2
Collèges de l'Essonne © M.G.

Remarque 1 : En ce qui concerne les collèges publics, la répartition a une forme classique ( « en cloche ») , on constate quand même que 35 collèges ont un IPS inférieur à 103, la moyenne nationale, alors que la moyenne départementale est de 104,9. L'IPS médian départemental est de 110.

Remarque 2 : Les collège avec les IPS les plus faibles sont, pour la plupart, classés en REP+ et REP . Evry, Corbeil et Evry sont les villes ayant les collèges les plus défavorisés. Un peu plus au nord, Ris-Orangis, Viry-Chatillon prolongent cette zone de pauvreté qui va en s’atténuant vers Savigny ( quartier de grand Vaux) et Athis ( quartier des 3F).

Remarque 3 : A l'opposé les collèges ayant les IPS les plus élevés se trouvent dans la vallée de l'Yvette (d'Igny à Gif), zone marqué aussi par la faible présence de grands ensembles et de logement social (à part Les Ulis, mais qui est isolé de la vallée).

Remarque 4: Ce sont les collèges qui ont les IPS les plus faibles qui ont aussi la mixité sociale la plus réduite. Cette information est donnée par la colonne « écart-type » du tableau en annexe. Plus l'écart type est faible, plus l'écart à la moyenne est faible (voir annexe 2) donc les élèves de établissement se trouvent dans un domaine resserré d'IPS.

Remarque 5 : Globalement, ou peut dire qu'il y a absence de mixité sociale dans une grande partie des collèges du département. Quand la puissance publique laisse les difficultés se concentrer, elle ne se donne pas les moyens d'assurer la réussite de tous les collégiens.

Rappel : Le conseil départemental définit la carte scolaire des collèges depuis près de 20 ans ( acte II de la décentralisation en 2004, gouvernement Raffarin).

3) Les collèges privés sous contrat

Illustration 3
IPS moyen collèges 91 © M.G.

Il y a 20 collèges privés sous contrat d'association (18 confessionnels dont 16 catholiques et 2 juifs).

L'IPS le plus bas d'un collège privé est 114,2 : 72 collèges publics ont un IPS inférieur.

Sur les 30 collèges à IPS les plus élevés (IPS > 125) 17 sont privés et 13 publics.

Comme pour les collèges REP la mixité sociale y est en général plus faible que la moyenne ( écart-type ), étayant l'idée d'un entre soi choisi par les familles d'élèves favorisés.

En examinant aussi l'implantation des collèges privés, on constate que ce n'est pas dans la partie la moins aisée du département qu'ils sont implantés. Qui plus est, s'il y a bien un collège privé à Corbeil et un à Evry, leur IPS est de 40 points supérieurs à celui des collèges publics du secteur.

Les collèges privés recrutent bien leurs élèves dans la partie la plus favorisée de la population, y compris dans les villes pauvres.

Pour ceux qui prendraient pour argent comptant les déclarations de l’enseignement catholique sur sa volonté de scolariser tous les enfants, ces chiffres et un rapide coup d’œil sur le graphique du paragraphe précédent devraient rétablir la réalité. Le graphique équivalent pour les lycées du département confirme le diagnostic. (annexe 2) La volonté affichée du ministre Pap Ndiaye de négocier avec le privé davantage de mixité sociale est de l'enfumage. Les collèges privés choisissent leurs élèves au nom de leur « caractère propre », et veulent maintenir cette prérogative contraire au service public qui se doit d'accepter tout le monde. De plus, insérer les collèges privés dans la carte scolaire voudrait dire inscrire dans des écoles confessionnelles des enfants dont les familles ne le souhaitent pas forcément, et cela irait contre la « liberté de choix » fondatrice du dualisme scolaire.

Mais l'enseignement privé, qui aime être assisté par les fonds publics, a déjà ses revendications exprimées par Philipe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique. Les élèves des milieux populaires ne fréquenteraient pas les établissements privés parce que les frais de scolarité et de cantine y sont trop chers, il faudrait donc changer la loi pour rendre obligatoire, comme dans le public, la prise en charge de la demi-pension, par les collectivités ( la région Ile de France le fait pour les lycées privés) et aussi aider les familles d'élèves boursiers … sans garantie puisque la structure de l'enseignement catholique n'a aucun pouvoir d'intervenir dans les politiques d'inscriptions des établissements de leur réseau.

Les modalités de financement public de l'enseignement privé sous contrat sont rappelées en annexe 3.

En guise de conclusion

L'examen des IPS des établissements publics de l'Essonne, confirme d'autre données déjà connues. Ce département a une population un peu plus favorisé que la moyenne métropolitaine mais connaît de fortes inégalités territoriales où se côtoient des zones de grande pauvreté et des zones riches. Une politique volontariste sur la carte scolaire qui serait menée par une autre majorité départementale trouverait vite ses limites si elle n'est pas couplée à un effort immense pour rééquilibrer l'ensemble du département mêlant politiques sociales, de l'emploi et du logement, ce qui va au delà des compétences départementales.

L'enseignement privé, pas très présent en Essonne, ne peut jouer aucun rôle de rééquilibrage de par son implantation et sa stratégie, mais absorbe des crédits qui seraient mieux utilisés au profit de la réussite de tous selon le principe «  fonds publics pour l'école publique ».

Michel GALIN le 02/05/23

ANNEXE 1

Plus l'écart type est grand, plus les valeurs sont "étalées" autour de la moyenne.

ANNEXE 2 IPS des lycées de l'Essonne

Illustration 4
lycées Ile de france © M.G.

ANNEXE 3 Financement des établissements privés sous contrat

FONCTIONNEMENT

L’enseignement privé sous contrat est financé à 77% par des fonds publics provenant de l’État et des collectivités territoriales ( communes pour les écoles, départements pour les collèges et régions pour les lycées).

Les différents contributions doivent être calculées selon les mêmes critères que pour des élèves externes de l’enseignement public.

L’état paie les enseignants et les personnels administratifs (salaires bruts) , ceux-ci ont un statut de droit privé.

La collectivité territoriale rémunère les personnels non enseignants ( agents techniques) qui assurent le fonctionnement matériel de l'externat de l'établissement. Elle finance également les dépenses de fonctionnement de l'établissement.

Souvent appelée forfait d'externat, cette dernière subvention, montre par son nom et par la précision du code de l'éducation que la demi pension, comme la pension complète ne relèvent pas de financement publics pour un établissement privé. De même pour le financement des manuels scolaires : les régions l'assurent en partie ou en totalité pour les lycéens du public par choix politique et non obligation réglementaire, cela n'en fait pas une obligation pour le privé.

INVESTISSEMENT

Les dépenses d'investissement par les collectivités locales sont facultatives, elles sont limités par la loi Falloux à 10% des dépenses annuelles de l'établissement du second degré subventionné, elles est contournée par la loi Astier qui ne limite pas les subventions pour les classes techniques.

1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_position_sociale

2 https://data.education.gouv.fr/explore/?sort=modified&q=ips

3Moyenne calculée par nos soins à partir des IPS et des effectifs de chaque établissement.

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