Mais j'ai été sidéré par les moyens d'enseignements qui semblent bien supérieurs à ceux des établissements publics fréquentés par les enfants du peuple, et par le détournement de la réforme Blanquer du lycée.
Des moyens extraordinaires
Visiblement pour les enfants de la haute bourgeoisie rien n'est trop beau. Dans le collège de l'institution, en troisième les élèves ont par semaine, 6 heures en plus de l'horaire officiel ; 1 heure de plus en maths et français, 2 heures de latin obligatoire et 2 heures de devoirs sur table (DST). Dans le même temps, dans les collèges publics, le maintien des langues de l'antiquité comme option est un combat récurrent, la baisse des horaires d'enseignement est continue depuis des années, certains enseignements obligatoires ne sont même parfois pas dispensés faute d’enseignant.
Au lycée, les élèves de cet établissement bénéficient de 6,5h en plus de l'horaire officiel (+1,5h en langues, +1h en maths et français, +0,5h en SVT et physique chimie et 2h de DST). Avec de tels moyens, même sans choisir ni sélectionner les élèves, les lycées publics de banlieue, où j'ai enseigné, pourraient rivaliser pour la réussite des élèves !
Il reste à se poser la question d'où viennent ces moyens. Un article du Monde de janvier 2023 (1) avait déjà montré que les lycées privés parisiens avaient des moyens d'enseignements bien supérieurs à ceux des lycées publics de la capitale, alors que c'est l’État qui paie les enseignants du privé sous contrat. Selon les autrices de l'article, les moyens d’enseignement pour les établissements privé catholiques, au lieu d’être répartis par le rectorat entre les établissements privés selon les mêmes règles que pour le public, sont distribués selon les règles fixées par l'OGEC Paris (Organisme de gestion de l'Enseignement Catholique).
Il faut rappeler que c'est chaque établissement privé qui a un contrat d'association avec l 'État. Le rectorat devrait donc attribuer les moyens à chaque établissement, selon les mêmes règles que celles appliquées aux établissements publics, et non celles décidées par une structure que la République n'a aucune raison de reconnaître (" la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte " – loi de 1905 article 2).
Des réformes, mais pour l'école du peuple
Au lycée Stanislas, selon l'Inspection, le libre choix des spécialités n'est pas appliqué. C'était pourtant l’argument phare de J.M. Blanquer, ancien élève de « Stanislas », pour vanter sa réforme. Comme par hasard les regroupements de spécialités, ouvrant le plus largement les possibilités d’accès aux formations avec Parcoursup, sont les seules proposés.
Le SNES-FSU avait alerté des effets de la réforme sur la reproduction sociale et genrée de l'orientation, ce que confirme bien la stratégie de « Stan ».
Déjà la réforme du collège initiée par N Vallaud Belkacem en 2015 avait été ignorée en grande partie par l'enseignement privé.
Quelle que soit la couleur politique du gouvernement, la bonne bourgeoisie considère que pour ses enfants, les réformes sont mal venues, démontrant ainsi à l'insu de leur plein gré que la plupart de ces réformes appauvrissent l'école publique qui est l’école de tous, et la qualité des formations qui y sont dispensées.
Fonds publics à l'école publique !
Les familles bien aisées (2), mettent leurs enfants dans des écoles privées pour son entre soi, mais aussi parce que les suppressions d'heures de cours et autres mesures impliquant une baisse de la qualité de l'enseignement induites par les réformes libérales ne s'y appliquent pas. Qui plus est, elles bénéficient des fonds publics (77% du financement du privé sous contrat est public) pour s'affranchir des règles du service public.
Le minimum est d'exiger dans un premier temps que les moyens d'enseignement provenant de l’État soient attribués par la puissance publique, selon les mêmes critères que pour le public, et que les rectorats jouent leur rôle en assurant un contrôle du fonctionnement des ces établissements sous tous leurs aspects (éducatif, pédagogique, financier …).
Mais on connaît la capacité de lobbying de l'enseignement catholique et les soutiens qu'il a au plus haut sommet de l’État. Il y a donc urgence à mobiliser pour en revenir au principe « fonds publics à l'école publique » qui a prévalu jusqu'à la loi Debré en 1959.
Michel GALIN, ancien secrétaire régional de la FSU Ile de France
(1) https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/01/18/de-l-ecole-alsacienne-a-saint-jean-de-passy-ces-lycees-parisiens-prives-tres-bien-dotes-par-rapport-au-public_6158385_4355770.html
(2) Voir toutes les études publiées l'année dernière après la publication des IPS des établissements, Selon la DEPP, à la rentrée 2021 40,1% des élèves du privé sous contrat sont de milieux très favorisés contre 19,5% dans le public ; à l'inverse 18,3% des élèves du privé sont de milieu défavorise contre 42,3% dans le public, et l'écart s'est accru depuis 20 ans.