La question de l'accès au droit et à la justice ne peut laisser indifférent, quand on connaît le rôle que doit jouer la justice dans une société démocratique.
Le passage de la justice à l’ère numérique, additionné au déficit budgétaire constant de la France conduit le gouvernement a opéré un certain nombre de choix. Au titre de ces choix, le service public de la justice se retrouve en première ligne.
L’une des solutions trouvées par le gouvernement, consiste en une dématérialisation croissante de la procédure en justice. Certes, le service public de la justice doit se moderniser, néanmoins cette modernisation ne saurait se passer d’une réflexion au regard de ce que la justice constitue un service public, et que le service public de la justice fait partie des pouvoirs régaliens d’un Etat. Par ailleurs, le service public de la justice constitue l’un des éléments constitutifs d’un Etat démocratique.
De ce fait, l’efficacité de la justice, ne doit pas être analysé à l’aune de son coût, même si la question ne saurait être éludé.
A ce titre, la modernisation de la justice engagée actuellement conduit à s’interroger à plusieurs titres.
Cette modernisation, dont l’un des objectifs, à peine voilée tend à supprimer un certain nombre de juridictions, allant des tribunaux d’instance à des Cours d’appel, en passant par des tribunaux de grande instance.
Ces suppressions à venir, laisse perplexe quant à l’accès au droit des justiciables.
L’accès au droit des justiciables
En effet, la suppression de ces juridictions conduisent à un éloignement géographique de ces tribunaux, pour les citoyens voulant faire valoir leur droit. A cela s’ajoute, bien évidemment un coût supplémentaire pour se rendre au tribunal. Ce coût financier n’est pas le seul obstacle du à l’éloignement, dans la mesure ou certaines régions sont plus ou moins bien desservies par les transports publics.
Il ne fait pas de doutes, au regard des ces éléments, qu’un certain nombre de citoyens, notamment parmi les plus démunis seront ipso facto exclus du droit à l’accès à la justice. C’est en cela que se pose la question du caractère de service public de la justice.
La justice doit être accessible à tous les citoyens, au-delà de toutes considérations de leurs situations économiques. Un certain nombre d’arguments, pourraient facilement être rétorqués à l’encontre de ce point de vue, tel qu’il n’y a pas d’obligation que le justiciable soit présent à l’audience, dès lors qu’il a un avocat. Cela constitue une vision erronée de la réalité des choses, dès lors que la fermeture de certaines juridictions, va entraîner un désert judiciaire, tel que l’on a pu le voir avec les déserts médicaux. En effet, la fermeture de ces juridictions va conduire à une désertification des points d’accès au droit.
Ainsi cette vision « technocratico-économique » de la justice a comme conséquence d’éloigner un certain nombres de citoyen de la justice. Ce qui aboutit à avoir un effet contre-productif concernant l’accès à la justice. Peut être, est ce là, l’effet recherché par ces reformes judiciaires pour désengorger les tribunaux. Désengorger les tribunaux suffira-t il à dire que la justice est plus efficace et qu’elle remplit le rôle qui doit être le sien?
L’un des arguments mis en avant dans le cadre de la modernisation, c’est la possibilité de saisir le tribunaux par voie électronique, ce qui suffirait à dire qu’en réalité l’éloignement géographique des tribunaux ne seraient que fictifs, dans la mesure ou les justiciables pourrait saisir les tribunaux, à partir de leur domicile. Au moment ou on débat sur la justice, nous serions en train de basculer vers l'e-justice.
La justice à l’ère numérique
La possibilité de saisir la justice par voie électronique et dématérialisée va dans le sens de l’histoire. Néanmoins, faut il en déduire que la saisine électronique de la justice, suffirait à la rendre plus effective ?
L’expérience des avocats dans le cadre d’un certain nombres de procédures judiciaires, tel que la procédure d’appel montre qu’il y a une différence très importante entre la théorie et la pratique de la saisine de la justice par voie électronique et dématérialisée. En effet, à titre d'exemple la procédure d'appel est une procédure judiciaire qui se déroule quasi-exclusivement par voie électronique et dématérialisée au travers du Réseau privé virtuel des avocats (RPVA). Ce réseau est une avancé considérable a beaucoup de point de vue. Cependant, lorsqu'il ne fonctionne pas ou qu'il y a un bug, là les choses deviennent beaucoup plus compliquées. Ces dysfonctionnements qui dans beaucoup de cas, sont indépendantes de la volonté des avocats, conduisent à des problèmes procéduraux pouvant engendrer la fin de l'affaire. Les avocats en tant que professionnels du droit ont intégrés ces risques dans leurs pratiques quotidiennes du droit. Qu'en sera-t-il pour un justiciable, qui en raison d'une connexion internet défaillante perdra la possibilité de saisir la justice? Ce type d'hypothèse n'est pas à écarter au regard de la fracture numérique existant en France.
La fracture numérique
En effet environs 15 % des Français n’ont pas accès à l’internet haut débit. Or, il est fort probable que les régions ou se situent ces 15 % des Français correspondent peu ou prou aux régions ou les juridictions fermeront leurs portes. L'inégalité géographique irait elle de paire, avec l'inégalité face à la justice?
De plus, très souvent, les personnes qui n’ont pas accès à internet sont celles qui sont déjà le plus démunies. Là encore, on peut s'interroger sur le fait que cette inégalité sociale aille de paire avec l'inégalité face à la justice.
La justice au travers de sa mission de service public doit pallier à ces formes d'inégalités subies par les justiciables. L'accès à la justice et au droit, doit en effet être la même pour tous.
La justice pour tous
La justice étant un service public, celle-ci doit être accessible pour tous les citoyens. L’efficacité de la justice ne saurait être analysé, que par son coût. Il convient d'abord d'analyser si elle remplit le rôle qui doit être le sien, à savoir rendre une justice de qualité.
La France patrie des droits de l’Homme ne saurait démunir ses citoyens de la possibilité d’exercer leur droit en justice. Pour cela, il convient de préserver l'effectivité de l'accès au droit et à la justice.