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Billet de blog 22 juin 2022

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Une musique populaire est-elle une bonne musique ?

On pourrait penser, à bon droit, qu’une bonne musique est une musique qui parvient à être populaire, dans le sens ou sa qualité intrinsèque a su plaire au plus grand nombre. Dans un sens, la recette a été plutôt réussie ; pari réussi pour les Ariana Grande, The Weeknd, Olivia Rodrigo, Justin Bieber, et plus récemment Harry Styles, qui, au-delà de la recette parviennent à faire des recettes.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cependant, on constate souvent que la recette en question est bien souvent la même… On ne devient pas artiste du jour au lendemain, c’est évident. Cet article pourrait paraître bien trop critique quand on n’est pas amené soi-même à composer, et je respecte moi-même le travail de tout artiste musical, parce que ce n’est tout de même pas rien. Malgré tout, je me rend compte que parmi les artistes qui parviennent à attirer le plus d’auditeurs par mois sur les plateformes de musique comme Spotify ou Deezer, peu sont ceux qui se démarquent, et beaucoup sont ceux qui se ressemblent.

Et cela s’explique d’abord parce que la recette fonctionne. Cela me rappelle un cours de français où mon professeur nous présentait un texte de La Rochefoucauld (je ne saurais me rappeler du titre), ou celui-ci disait qu’un bon auteur est un auteur qui parvient à dire, à mettre en mots quelque chose d’évident aux yeux de tous, mais mieux que les autres. Cet auteur, c’est certain, à l’approbation de son public.

Cependant, par rapport au domaine de la littérature, le domaine musical vis-à-vis des musiques les plus contemporaines ne laisse pas la place au style de l’auteur (dans le sens qualitatif), mais au style du public, dans le sens ou celui-ci aimerait l’entendre (la musique). La pop, ainsi que la musique lyrique, restent assez dominant par rapport à d’autres courants.

Mais revenons-en à la recette ; ce qui me semble assez effarant, en tant que simple auditeur, c’est surement le manque de complexité de certaines de ces musiques qu’on qualifierait de « populaires ». Une instru, une voix, un refrain qui reste gravé dans les esprits, à la limite un beat… mais pas besoin de plus ; on est loin de la richesse structurelle de certains chefs-d’œuvre de la musique classique. Et dès que la popularité d’un Justin Bieber est assurée, on pourrait s’attendre à ce que celui-ci sorte n’importe quoi, et on serait certain que cela est un carton !

D’un point de vue analytique, si on dissèque les musiques qui passent en boucle sur les radios musicales grand public (NRJ, Fun radio…), cela semble assez maigre, et il serait difficile d’appeler ça de la « bonne » musique. Mais la question est bien plus profonde que cela. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise musique, tout est relatif au fond ?

Mais c’est ici que la question devient intéressante ; la musique, c’est le terreau de notre société, constitutive sans le vouloir d’une certaine hiérarchie sociale.

C’est assez terrible de constater ça, mais à chaque classe sociale sa musique, du moins grossièrement. La musique classique par exemple ; réservée à une caste fermée, celle des conservatoires pour les plus jeunes, celle des auditeurs de Radio Courtois pour les plus vieux (une radio bien d’extrême droite si je puis me permettre). La musique forme deux mondes, et je réinvoquerais ici des arts analogues à la musique dans son accessibilité, ou non.

Je me souviens d’avoir une fois rencontrée dans une librairie mon ancienne professeure de français dans une librairie, quand le confinement était encore d’actualité ; celle-ci m’expliquait qu’elle était choquée par ceux qui au cinéma enlevaient leurs masques, mais que heureusement, elle ne retrouverait pas pareil comportement dans un théâtre. L’opéra aux gens civilisés, et la seule radio aux descendants du prolétariat !

En effet, à ce que j’ai pu observer dans mon quotidien, on ne s’oriente pas vers l’histoire de la musique par hasard ; on y a été orienté par plus ancien que soi, ancien qui déjà n’en avait pas fait sa connaissance seul. La musique est en fait très révélatrice des inégalités dans notre société ; jamais je n’ai entendu de chauffeur de bus (et dieu sait que j’en ai pris !), de coiffeur, ou encore d’agent du BTP écouter France Musique, mais même moi je ne me reconnais pas en écoutant les spécialistes de cette radio…

Mais cela ne doit pas nous amener à porter un regard pessimiste sur une telle répartition de la musique ; certes, il peut être intéressant de s’intéresser à l’histoire de la musique, de connaître les concertos brandebourgeois de Bach, mais cela n’est pas bien nécessaire dans notre vie de tous les jours. A l’inverse, c’est avec la musique qu’on écoute que l’on parvient à faire communauté. Je m’offusquais il y a quelques jours quand on m’apprenait qu’il y avait une musique « gay » ; comment, en effet, une musique devait être affiliée à une certaine catégorie de personne ? J’avais cependant tort ; la musique est en fait quelque chose qui s’approprie, et en cela elle rapproche les individus. Cela explique pourquoi la musique donne l’envie de se manifester ensemble, pourquoi l’International est restée populaire pour certains à travers les siècles et les espaces ; parce qu’au fond elle (la musique) parvient à nous faire homme, c’est-à-dire nous confronte à autrui.

Actuellement, les diverses musiques de notre présent proche ont tendance a tenir leur popularité quand elle sont associées à la brièveté des vidéos qu’on peut faire défiler sur les réseaux sociaux, d’une manière qu’ainsi elles s’ancrent en nous. L’association de la musique à des scénarios particuliers, qui sont communs aux utilisateurs par l’ingéniosité des algorithmes, rassemblent les gens, malgré la distance qui les sépare à travers le monde. On aime la musique qu’on a souvent entendu, mais aussi et surtout qu’ ils (les autres) ont souvent entendus.

Faut-il tout de même chercher l’originalité dans l’écoute des musiques actuelles ? Vers d’autres plateformes, d’autres artistes.

Dire que les artistes actuels ne se renouvellent pas, c’est peut-être un peu exagéré. Il y a le retour, avec des artistes comme Billie Eilish ou d’Olivia Rodrigo, de la polyphonie, mais aussi de formes nouvelles et originales ; il y a une dimension de « choc », de nouveauté, dans la façon d’utiliser sa voix : le cri, la diction, le chant, parviennent à s’associer ensemble dans une seule et même musique.

Mais il faut aussi parfois faire le choix de l’obscurantisme, dans le sens d’artistes obscurs à aller découvrir même s’il n’ont pas la part belle quantitativement. C’est parfois l’occasion de faire de belles découvertes, de musiciens talentueux, sans l’usage de la voix qui fait souvent l’unanimité, produise un son d’une manière peu commune ; la technologie nous dévoile alors tous ses secrets par le biais de la manipulation de certains génies : merci à toi, Ouai Stéphane !

Et en ces heures tout aussi obscures (1h du matin), je vous invite à rester aventureux ; qui sait, peut-être trouverez-vous une musique sur le Fip… ou sur le fil, pas bien populaire, mais intéressante quand même !

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